Les Victoires du Paysage : Des aménagements de qualité

Les Victoires du Paysage constituent un panorama instructif des projets de paysage en France. Décernées par l’interprofession, elles récompensent les vainqueurs d’un concours bisannuel qui s’attache à distinguer les projets d’aménagement paysager de grande qualité.

Michel Andouy
Michel Audouy, secrétaire général de Valhor, président du jury des Victoires du Paysage © Sensation !

Le concours des Victoires du Paysage célèbre en décembre à Paris sa huitième édition. Créé en 2008 par Valhor, l’interprofession des métiers de l’horticulture et du paysage, sous la houlette de Dominique Douard (ancien président de Valhor, puis de la SNHF), le concours des Victoires du Paysage récompense les maîtres d’ouvrage et clients de projets d’aménagements paysagers de grande qualité, à l’échelle du jardin comme à celle du territoire.

Il s’agit de souligner des démarches exemplaires et de valoriser à travers elles toute la filière professionnelle du paysage : paysagistes concepteurs, entrepreneurs de paysage et producteurs.

Organisation et catégories du concours

Le concours a lieu tous les deux ans et se déroule en deux étapes : une première sélection des projets sur dossier au début du mois de juin (les inscriptions en ligne débutent généralement en janvier), suivie de visites de terrain, appelées « visites techniques », pour s’assurer, in situ, de la qualité des projets et pour rencontrer l’ensemble des acteurs. Ces visites de terrain ont lieu tout au long de l’été durant lequel des jurys, composés de différents professionnels, vont tourner dans différentes régions pour visiter des aménagements d’échelle variée, dont la livraison est supérieure ou égale à un an, et inférieure ou égale à cinq ans. Chaque projet présenté concourt dans une catégorie définie selon l’échelle du lieu et sa qualité. Parmi les principales catégories on note les Espaces publics urbains, les Parcs ou jardins urbains, les Aménagements de quartier, les Infrastructures ou encore les Espaces à dominante naturelle sans oublier le secteur privé, avec les Sièges sociaux et Lieux d’activités ou encore le secteur du Logement (public ou privé). Il s’agit là de valoriser tout le spectre de la commande publique, parapublique et privée, et finalement l’étendue des savoir-faire de toute une filière.

Le dérèglement climatique force à reconsidérer l’art des jardins et du paysage

En quatorze années d’existence, nous avons vu évoluer les projets et constaté une prise en compte de plus en plus visible des questions d’environnement, notamment sur le plan de la gestion de l’eau et sur la définition de palette végétale. Les palettes végétales témoignent de plus en plus fréquemment d’un goût pour le champêtre, le naturel mais aussi d’un souci prégnant de s’adapter aux dérèglements climatiques. À cet égard, la succession d’étés secs, avec leurs lots d’arrêtés d’interdiction d’arroser, semble avoir accéléré les choix des concepteurs comme ceux des commanditaires.

Dans ce contexte, on peut parler, pour certains aménagements, d’un renouveau de l’art des jardins et du paysage, inscrit dans une continuité historique mais également revisité et réinventé à l’aune des préoccupations environnementales.

Le palmarès témoin des évolutions environnementales.

Le palmarès 2020 des Victoires a récompensé des aménagements exprimant ces évolutions de manière significative. Citons l’Ilôt Tison à Poitiers (Vienne), inscrit dans la reconquête globale des bords du Clain et de la Boivre, l’aménagement des berges de l’Orb à Sérignan (Hérault) requalifiant de manière naturelle, à travers un projet de parking au départ, les berges délaissées d’un petit fleuve côtier. Sur le campus universitaire du plateau de Saclay (Essonne), un jardin de 20 000 m² est aussi une zone humide, un bassin pouvant accueillir les eaux d’un orage tout en offrant aux étudiants un cadre de vie naturel; idem pour le Parc du peuple de l’herbe à Carrières-sous Poissy (Yvelines), qui valorise et sanctuarise 113 hectares d’anciennes friches industrielles en bords de Seine.

Toujours durant l’édition 2020, plusieurs lauréats – une ferme urbaine sur dalle dans un quartier social de Bordeaux (Gironde), le parc Jules-Ferry à Lorient (Morbihan), le siège du Crédit Agricole à Montrouge (Hauts de-Seine), le square Jérôme-Cuzin à Auch (Gers), le jardin de l’Hôpital Necker à Paris… parmi tant d’autres, ont confirmé la volonté, à toutes les échelles et dans des situations variées, de faire du paysage un levier essentiel pour inventer un nouvel urbanisme. Le Grand Prix du « cru » 2020 : le Jardin extraordinaire de Nantes (Loire-Atlantique) incarne à lui seul l’art des jardins de notre siècle. Conçu dans une ancienne carrière devenue zone industrielle, ce grand jardin, en cours de chantier, mêle à la fois paysage, urbanisme, écologie et art des jardins. La manière dont la végétation spontanée a été en partie gardée, valorisée et associée à une palette horticole très élaborée respecte une grande tradition nantaise d’acclimatation.

Chaque élément du parc, détail ou général, s’inscrit dans un environnement toujours plus large – les bords de Loire notamment – et dans une ambition de réconcilier la culture des jardins et l’écologie.

Victoire d'or
La Victoire d’or du paysage, catégorie Prix du public 2020 est revenue au parc Jacob-Hugentobler à Villeurbanne (Rhône) © O. Fayolle
Passerelle
La passerelle sous le Ginkgo biloba du parc Jacob-Hugentobler à Villeurbanne (Rhône) témoigne de la volonté de permettre une circulation au plus proche du végétal © O. Fayolle

Une édition 2022 prometteuse

L’édition 2022 est prometteuse. Les différents jurys ont terminé leurs tournées à travers la France fin septembre et ont présenté leurs comptes rendus de visite début octobre devant le jury national. Sans préjuger du palmarès, on peut déjà souligner quelques projets marquants comme la réhabilitation du quartier Montreynaud à Saint-Étienne (Loire), où plusieurs centaines de mètres de dalles stériles ont été cassées pour renouer avec les plantations en terre ferme.

Citons également le réaménagement du Mail des saules à Guyancourt (Yvelines) transformé en jardin, les Allées Jean-Jaurès à Montrouge où l’ensemble du centre-ville devient, étape par étape, un jardin à géométrie variable. Dans ces projets comme dans bien d’autres, on constate progressivement que le minéral issu des aires de stationnement et de la circulation automobile s’efface au profit du végétal. Des plantations de plus en plus généreuses ou des espaces publics jardinés sont peut-être en passe de devenir la norme dans beaucoup de communes. Bref, ces tournées des Victoires, comme celles du CNVVF dans les villes « Quatre fleurs », rendent optimiste sur l’avenir de nos métiers et sur le rôle de la filière pour adapter le cadre de vie aux défis climatiques, sociétaux et économiques d’aujourd’hui et de demain.

Le 4 octobre, se sont réunis autour de la table du Grand Jury des représentants de la filière du paysage bien sûr, mais surtout des représentants des différentes instances (Association des maires de France, Union sociale pour l’habitat, Action cœur de ville, Petites villes de demain, France ville durable, SNHF…) avec lesquelles l’interprofession travaille à mieux programmer et dessiner les villes et territoires « verts » de demain.

 

Michel Audouy
Secrétaire général de Valhor