Les plantes parasites des grandes cultures

Christophe JestinXavier Pinochet

Trois groupes de plantes parasites sont le plus fréquemment évoqués pour leur importance économique. Il s’agit des Striga, présentes surtout en zone sahélienne, et associées au maïs, au mil et au sorgho, ou encore au riz en Asie. Le second groupe est celui des orobanches présentes tout autour du bassin méditerranéen sur différentes plantes hôtes.

Le troisième est celui des cuscutes qui s’associent, entre autres, aux légumineuses.

Quel est l’impact des orobanches ?

Un impact difficile à établir

L’impact économique des plantes parasites dépend de trois éléments : tout d’abord les surfaces cultivées et l’importance économique des plantes hôtes, dans un second temps, la capacité des plantes parasites à prélever les ressources assurant normalement la croissance de la plante hôte, enfin, l’état de contamination d’une parcelle, qui affecte notamment sa valeur patrimoniale.

Pour une zone géographique donnée, la présence de plantes parasites n’est pas homogène. S’il est assez facile de cartographier des régions atteintes, l’état des surfaces concernées localement, par classes de sévérité s’avère plus délicat à établir. Les publications spécialisées ont tendance à surestimer l’impact ou à citer les cas les plus graves. À l’opposé, les États restent souvent silencieux, soit faute de moyens de surveillance, soit pour éviter des problèmes de commercialisation des semences. Ainsi les données disponibles sur l’impact des plantes parasites sont souvent approximatives.

Le bassin méditerranéen est le plus touché

L’une des espèces d’Orobanche les plus dommageables est Phelipanche ramosa1. Elle est entretenue et multipliée par de nombreuses espèces d’adventices. Phelipanche ramosa est présente en Europe et signalée sur colza, sur tabac, sur melon. Mais les zones principales de présence du parasite sont le bassin méditerranéen et le sud de l’Europe. On en trouve plus ponctuellement dans les autres pays. La tomate de plein champ est fort concernée car elle reste très cultivée (de l’ordre de 700 000 hectares) en Turquie, Égypte, Espagne, Italie, Portugal et Grèce. Un tiers de la surface de production grecque est atteinte, avec une estimation de nuisibilité de 25 %. La tomate peut être parasitée aussi par Orobanche cernua, spécifique des solanacées, qui est également problématique sur les productions de tomate et de tabac du Moyen- Orient, ainsi qu’en Inde et au Pakistan.

La seconde orobanche importante d’un point de vue économique est l’Orobanche cumana, qui s’associe au tournesol. Les principales zones touchées sont le pourtour de la mer Noire (Russie, Ukraine, Bulgarie, Roumanie, Turquie) et le sud de l’Europe. Ces pays représentent 80 % de la production mondiale de tournesol. L’Afrique du Nord est également touchée. La nuisibilité est forte et proportionnelle au nombre de hampes par pied de tournesol. En cas de fortes infestations, on peut facilement perdre la moitié de la récolte.

Les légumineuses à graines peuvent également être parasitées par des orobanches. La principale espèce concernée est la féverole, parasitée par O. crenata ou O. foetida. L’Afrique du Nord, du Maroc à l’Égypte, le Proche Orient (Syrie, Turquie) et aussi quelques pays du sud de l’Europe (Espagne, Portugal, Malte ou Italie) sont touchés. Les nuisibilités moyennes sont estimées à 12 % pour le Maroc et jusqu’à 50 % et plus en Turquie. L’impact économique s’avère important pour l’Égypte, qui doit importer de la féverole pour l’alimentation humaine.

L’Hexagone plutôt atteint par Phelipanche ramosa

En France, la plante parasite la plus préoccupante est Phelipanche ramosa. Elle s’associe au colza (environ 1,5 million d’hectares, assez stables depuis une dizaine d’années), mais aussi à des espèces de moindre importance comme le tabac (4 000 ha en 2014), le chanvre (entre 15 000 et 20 000 ha) et le melon (14 000 ha en 2016). Phelipanche ramosa est une plante parasite endémique dans l’ouest de la France. On en trouve mention dans les Charentes dans des documents datant du milieu du XIXe siècle. Aujourd’hui, on considère qu’environ 50 000 ha de colza sont atteints en Poitou- Charentes avec des nuisibilités moyennes de 10-15 %. La simplification des systèmes de culture pourrait être à l’origine de cette réapparition préoccupante. Le choix de variétés moins sensibles ou résistantes à un herbicide permet de limiter l’impact des stocks de semences parasitées. Cette région est aussi une région de production significative d’une autre culture sensible : le melon (environ un tiers de la production française). Dans l’Aube, Phelipanche ramosa est d’abord apparue sur chanvre à la fin des années 1990. Les difficultés sont pour l’instant sous contrôle3.

Les premières parcelles infestées par O. cumana ont été identifiées en 2007 au sud de la Vendée. Depuis, des surveillances sont mises en place chaque année4. Finalement, l’impact économique reste limité dans la mesure où il existe des possibilités techniques de contrôle des orobanches.

Actuellement, il n’y a pas en France d’orobanche sur féverole. Néanmoins, pour l’ensemble des espèces oléoprotéagineuses, le risque existe. Dans ces conditions, toutes les parties prenantes (Inra, semenciers, instituts techniques) sont mobilisées sur des projets de recherche partagés, en particulier dans le cadre d’une association commune : Promosol.

2 Voir l’encadré de Régine Delourme.

3 Terres Inovia (ex-Cetiom) dispose d’un système en ligne de signalement des parcelles atteintes qui comporte aujourd’hui 1 114 saisies. http://www.terresinovia.fr/

4 276 parcelles sont recensées par Terres Inovia (http://www.terresinovia.fr/orobanche_cumana/liste_communes.php).