Les murs végétalisés : Bases d’une croissance durable

Laurent Heine

La construction de murs végétalisés n’est pas en soi quelque chose de complexe à réaliser. Cependant, beaucoup de facteurs entrent en jeu. Afin de vous offrir une vision globale, il semble nécessaire de bien définir les multiples compétences nécessaires à la réalisation d’un projet viable.

Mur végétalisé avec bac et pompe remplissage mabuel - © Laurent HeineRassembler les informations

En venant se greffer sur un bâtiment tel une peau, les fabricants doivent se conformer aux règles professionnelles prévalant dans leur domaine d’intervention : les façades. Les fabricants n’ayant pas développé de gammes spécifiques pour l’intérieur les produits utilisés sont les mêmes que ceux mis en œuvre à l’extérieur. S’agissant d’une culture hors sol, les techniques de fertirrigation font appel au savoir-faire issu du domaine de l’horticulture.
Pour finir, la connaissance des végétaux (les conditions édaphiques, les éléments pathogènes et la façon d’y remédier, les tailles respectueuses du port) appartient du savoir-faire du paysage.

 

Comme tout projet d’aménagement, une étude préalable est nécessaire afin d’apporter les préconisations adaptées et poser ainsi les bases qui permettront de mettre en œuvre un ensemble que l’on souhaite le plus durable possible. Car c’est bien là que réside l’enjeu. S’il est aisé d’avoir une belle réalisation le jour de l’inauguration, certaines précautions permettront de faire durer le plaisir initial pendant de nombreuses années, sous réserve d’un suivi  sérieux de la maintenance.

Certaines questions s’imposent pour que le projet dépasse le stade du croquis architectural.

  • Eléments inertes : Quel matériau a été utilisé pour construire le mur porteur (détermination des chevilles pour la résistance mécanique de l’ouvrage)
  • Irrigation : Y a-t-il un accès à une source d’eau ? Dans l’affirmatif, il sera alors possible d’utiliser un système d’irrigation fertilisante. Si tel n’est pas le cas, il faudra installer un bac muni d’une pompe adaptée et d’un système de filtration performant.
  • Evacuation : Y a-t-il possibilité d’évacuer le surplus d’eau vers les eaux usées ? Si tel n’est pas le cas, il est nécessaire d’installer un bac, soit visible situé en pied de mur, soit dans un local technique à un niveau inférieur au pied du mur végétalisé.
  • Pour les murs situés à l’intérieur : Quelle est la luminosité du site ?

Ce dernier point est particulièrement important. La mesure est à prendre avec un luxmètre et permettra de valider l’objectif à atteindre, soit une valeur comprise entre 800 et 1000 lux en tous points du mur végétalisé. S’il y a nécessité d’installer des spots, des lampes à iodure métallique avec une longueur d’onde comprise entre 3000 et 4000 K, sont à prescrire. Cependant, il est préférable de donner les dossiers  à un éclairagiste qui déterminera le nombre de spots et le type de déflecteur permettant d’obtenir une répartition homogène et qui bien sûr, préconisera des spots en fonction du design des lieux.  Les réponses à ces questions permettront d’obtenir un coût. Le projet passera au stade de l’appel d’offre ou restera dans le classeur « dossiers sans suite ».



Choisir les végétaux

Suite à une visite d’un mur végétalisé connu, je demandais à une amie son sentiment. J’ai été surpris d’entendre qu’elle avait l’impression que « les végétaux souffraient ». Un manque d’eau ? « Non, ils poussent bizarrement » avait-elle rétorqué. Les végétaux de ce type acrotone (croissance en bout de ramifications) auront tendance à partir vers l’extérieur du mur créant ainsi des « troncs » secondaires, verticaux et disgracieux, sur les charpentières.
Ils sont donc à proscrire ou à installer dans la partie supérieure du mur végétalisé. En outre ces plantes devront avoir des besoins en eau, plus réduit que les autres, car cette partie est systématiquement la moins humide. Le choix végétal s’orientera vers une diversité de couleur, de forme et de texture de feuillage. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques exemples pour la végétalisation des murs végétalisés d’intérieur.

Les plus simples : Asparagus, Cissus, Chlorophytum, Monstera, Philodendron, Scindapsus, Syngonium, (Epipremmum), Spatiphyllum, Peperomia.
Les couvre sol : Pilea depressa et micophylla, Ficus pumila, Hedera.
Les plus complexes : Les Marantaceae (Calathea, Maranta) et les Ctenanthes.
Pour les évènementiels : Les Bromeliacée et les orchidacées qui ne refleuriront pas.

 

Exemple d'éclairage directionnel inadapté - © Laurent Heine Les facteurs de différentiations

Les techniques constructives répondant aux mêmes contraintes de bases, les différences majeures résident dans la nature du substrat que je partitionne en deux grandes familles : les substrats inertes et ceux majoritairement constitués d’éléments organiques et naturels. On trouve dans la première grande famille :

- L’aquanappe agrafé sur plusieurs épaisseurs après la mise en œuvre préalable une bâche tissée. Cette dernière est destinée à recevoir la majeure partie du système racinaire assurant ainsi la tenue mécanique des plantes, l’Aquanappe assurant la réserve en eau. L’épaisseur totale de l’ensemble est de l’ordre de 1 cm.

- La laine de roche est le matériau le plus utilisé  dans cette famille. Déjà utilisée de longue date dans la culture maraîchère, elle présente l’avantage d’avoir une stabilité dans le temps. Les épaisseurs proposées sont comprises entre 6 et 10 cm.

Les murs végétalisés réalisés à base d’éléments inertes devront être particulièrement suivis au niveau de la qualité de l’eau dans le cas d’un système d’irrigation en circuit fermé. En effet, le pouvoir tampon du sol étant inexistant, les variations de pH peuvent avoir une amplitude importante dans un laps de temps très court.

La seconde catégorie est plus diversifiée :

- Les mélanges à base de fibre de coco, de tourbe blonde et de roches de type volcanique sont relativement nombreux. Un hydrorétenteur est parfois intégré à la formulation. L’équilibre réside dans un mélange non tassant, ayant suffisamment de macroporosité pour les échanges gazeux, de microporosité pour la réserve en eau et dont la minéralisation est la plus lente possible. Ces mélanges sont maintenant au point. Les problèmes de qualité de l’eau sont moindres en cas de circuit fermé. Il faudra veiller à la conductivité de l’eau qui peut parfois augmenter au-delà d’une limite tolérable par les plantes. En cause, l’activité microbiologique qui restitue parfois au-delà de sa consommation.   Les épaisseurs constatées sont comprises entre 7 et 20 cm.

- La sphaigne du Chili est également très utilisée. Il existe différentes qualités classées en fonction de la longueur de la fibre.  La plus longue est préférable afin d’éviter l’asphyxie racinaire liée au tassement. En outre, il faut veiller à la teneur en calcaire de l’eau d’irrigation, le milieu naturel dans lequel pousse la sphaigne étant acide (aux alentours de pH 5). Les épaisseurs que l’on trouve sur le marché sont comprises entre 7 et 15 cm.

 

Chaque fabriquant propose des techniques ayant chacune  des avantages et des inconvénients, d’où la nécessité, évoquée initialement, d’établir une étude correcte. Elle permettra de déterminer les techniques les plus à même de répondre  aux contraintes du lieu d’implantation. On agit ainsi en amont sur l’objectif essentiel de réduction des coûts de maintenance qui constituent le talon d’Achille des murs végétalisés. Ceci étant, pour tordre le cou à la soit disant complexité de cette forme de végétalisation, la mortalité des murs intérieurs est essentiellement due à un facteur : l’oubli du remplissage de la réserve en eau.

Eclairage d'un mur végétalisé mené par un spécialiste - © Laurent Heine