Les Jardins suspendus du Havre : Le monde entier au cœur de la ville

Baptisés ainsi en hommage à ceux de Babylone, l’une des Sept Merveilles du monde, les Jardins suspendus du Havre offrent, depuis 2008, aux habitants de la ville et aux visiteurs un univers de découverte végétale et sensorielle. Un voyage botanique à travers différents jardins et serres qui rassemblent les plantes par origine géographique, sur les bastions du rempart et à l’intérieur d’un ancien fort surplombant la ville. Devenu emblématique pour la cité normande, ce lieu invite à la promenade et accueille de nombreuses animations.

L’aménagement de l’ancien fort de Sainte-Adresse, déclassé en 1965 et définitivement abandonné par l’armée en 1972, lieu de friche pendant trois décennies, et acquis par la ville du Havre pour un franc symbolique en 1998, constitue le projet phare d’Antoine Rufenacht. Maire de 1995 à 2010, il estimait de son devoir de « faire rêver ses administrés », car « la capacité de s’évader, au propre comme au figuré, est indispensable à une vie équilibrée ». Ce site exceptionnel, d’une surface de 17 hectares dont sept hectares intra-muros, surplombe la baie de Seine et offre des points de vue admirables sur la mer, le port et la ville.

Suite à une étude prospective et à une concertation publique auprès des habitants, il est décidé d’y créer un lieu de promenade dédié à la découverte du monde des plantes, accueillant également les serres municipales et leurs collections. L’ambition de la mairie est la « création d’un lieu onirique, dédié au monde végétal, évoquant le rapport des plantes à la mer et leur voyage au travers des océans et des échanges intercontinentaux ». Ce doit être une invitation à la promenade, mais ces nouveaux jardins vont aussi s’inscrire dans la démarche des jardins « en évolution », en étroite relation avec la conservation des plantes menacées. Ce seront des jardins thématiques qui évoqueront les découvertes des explorateurs normands dans le monde, tout en tirant parti des caractéristiques du site : une situation dominante, offrant un panorama grandiose, avec quatre bastions entourant un espace central.

 

Un voyage au cœur des plantes

En 2005, le projet est confié à l’une des équipes choisies sur concours, composée du paysagiste Samuel Craquelin, de l’architecte Olivier Bressac et du botaniste Jean-Pierre Demoly, qui vont travailler en accord avec la direction des espaces verts de la ville. Réunis par un chemin de promenade, les quatre bastions, dirigés vers les points cardinaux, sont consacrés à quatre univers, invitant à la découverte de végétaux caractéristiques : la flore nordaméricaine, la flore d’Asie orientale, la flore du continent austral et, pour le quatrième, les explorateurs contemporains. Ils évoquent ainsi les principaux pays pourvoyeurs d’un extraordinaire enrichissement botanique pour notre continent.

Les concepteurs veulent de cette façon, au travers des collections végétales et des évocations paysagères de ces différentes régions du monde, rendre hommage aux grands découvreurs qui ont assuré la connaissance du végétal et enrichi la palette disponible pour nos espaces verts urbains d’aujourd’hui. Ces botanistes voyageurs normands qui ont parcouru le monde en s’embarquant du Havre: Jean de Béthencourt au XVe siècle, Pierre d’Incarville parti pour la Chine et Jacques-Julien de La Billardière pour l’Australie et la Nouvelle-Calédonie au XVIIIe siècle, ou encore Charles-Alexandre Lesueur à la découverte des terres australes au début du XIXe siècle…

Quant au jardin des explorateurs contemporains, il est appelé à être régulièrement enrichi par de nouvelles plantes, au gré des voyages naturalistes dont la tradition a été reprise il y a quelques dizaines d’années, soit par des institutions, soit au gré d’initiatives individuelles. Les espèces implantées dans ces différents jardins le sont telles qu’elles ont été trouvées dans la nature, sans hybridation ni amélioration variétale.

Un jardin est aussi dédié à Henri et Louis Cayeux, qui furent directeurs des espaces verts du Havre au début du XXe siècle, et travaillèrent à la création de nouveaux cultivars, notamment de roses et d’hydrangeas.

Dixième site gratuit le plus visité en Normandie, les Jardins suspendus du Havre attirent chaque année 165 000 promeneurs © Patrick Boulen

Serres de collection et jardin d’essai

Dans la cour intérieure, sont installés trois groupes de serres, d’une surface totale de 5 000 m², abritant des collectionsvégétales : plantes parfumées et aromatiques, plantes tropicales, plantes de climat sec, orchidées, plantes de Macaronésie (un ensemble d’îles à l’ouest de l’Afrique et de l’Europe, dans l’océan Atlantique), bégonias (plus de 430 variétés), etc. Elles représentent aussi l’occasion, pour les visiteurs, de découvrir des végétaux utilisés au quotidien : coton, café, vanille, gingembre, poivre…

Ces serres entourent un tapis central bordé de massifs de plantes odorantes qui, à l’abri du vent, dégagent des parfums différents selon les heures de la journée. Un jardin d’essai permet de tester des nouveautés. Les jardiniers de la ville y expérimentent, dans des carrés de quatre mètres de côté, de nouvelles variétés, qui seront ensuite implantées dans les différents espaces verts de la commune.

Le centre horticole de la direction des espaces verts a été, dès la création des jardins, déménagé sur le site, dans 3 250 m² de tunnels plastiques déployés sur un coteau à l’extérieur du fort. Cette proximité a permis d’optimiser les moyens et de générer une activité permanente. De ces serres, non ouvertes au public, sortent chaque année 160 000 plantes annuelles et bisannuelles destinées au fleurissement de la ville.

Inaugurés en 2008, les Jardins suspendus n’ont cessé, depuis, de s’enrichir : une roseraie de plus de 2 000 rosiers y a été installée en 2010, consacrée à la variété ‘La France’ et à ses descendantes. Un pollinarium est devenu, en 2014, un outil scientifique pour les allergologues et les personnes allergiques. Une nouvelle serre a été dédiée au café en 2017. De nouveaux aménagements sont toujours à l’étude, comme la végétalisation d’autres espaces.

La situation dominante des jardins du Havre offre un panorama grandiose © Philippe Breard

Un lieu de promenade exceptionnel

Dans la cour intérieure, sont installés trois groupes de serres, d’une surface totale de 5 000 m2, abritant des collections végétales © Patrick Boulen

Labellisés « Jardin remarquable » en 2014 et « Jardin botanique » en 2017, les Jardins suspendus du Havre sont aujourd’hui un lieu aussi bien récréatif que scientifique : des manifestations culturelles, des expositions, des concerts s’y tiennent régulièrement, dont le festival des musiques du monde MoZ’aïque, chaque mois de juillet depuis 2009.

L’œuvre artistique « Le Temps suspendu », créée dans le cadre des 500 ans du Havre, y a été installée en 2017, sous les voûtes de l’ancienne poudrière réaménagée à cet effet. Parallèlement, sa végétation est considérée, par les élus et les techniciens de la ville, comme « source d’information, image picturale, espace poétique ou objet de flânerie déambulatoire » : adultes et enfants peuvent y suivre des ateliers, y glaner des conseils, y participer à des visites guidées, y flâner dans des marchés éphémères.

Dixième site gratuit le plus visité en Normandie, les Jardins suspendus du Havre attirent chaque année 165 000 promeneurs et curieux, parmi lesquels 20 000 viennent visiter les serres, dont l’entrée est accessible pour une somme très modique. L’ambition de la commune est de porter ce chiffre à 200 000 visiteurs.

Marie-Hélène Loaëc
Journaliste horticole, membre du conseil d’administration de la SNHF