Les jardins familiaux du 21e siècle

Gil Melin

Le renouveau de l’agriculture urbaine

Les jardins familiaux connaissent un engouement sans précédent. La FNJFC, Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs, leur apporte son soutien dans tous les domaines. Gil Melin, secrétaire général de l’association, nous explique le contexte et les raisons de cette évolution.

 

Les Jardins aux Secrets, à Courcouronnes (Essonne) © FNJFC

Les Jardins aux Secrets, à Courcouronnes (Essonne) © FNJFC

 

Depuis une vingtaine d’années la demande de jardins potagers collectifs redémarre. Plusieurs facteurs en sont la cause : retour à des valeurs, besoins de nature, hygiène de vie, crise économique, rupture de l’isolement urbain… Parallèlement à cet engouement les pouvoirs publics, en répondant positivement aux initiatives citoyennes ou fédératives, ont influencé, encouragé, voire exigé que ces équipements soient intégrés dans l’environnement et plus ouverts sur la vie locale.

 

Nombre d’études et de jardins créés par la FNJFC depuis l’existence de son bureau d’études.
Si l’on constate un pic des demandes d’études entre 1997 et 2000, on constate que la création de sites de jardins est constante sur cette période, et comme les jardins ne sont pas remis en cause, c’est bien un accroissement qui s’exprime.
 

Nombre d’études et de jardins créés par la FNJFC depuis l’existence de son bureau d’études

 

Un exemple : Ris-Orangis

Le cas de Ris-Orangis, ville de l’Essonne, dont les deux tiers des 25000 habitants vivent en logements collectifs est un exemple. Elle dispose d’une réserve foncière importante faite de terrains agricoles en déprise ou en vaine pâture. En 1995, impulsée par un conseiller municipal, l’idée de créer des jardins familiaux fait son chemin. Dans le cadre de son contrat de ville, le maire confie au syndicat de la vallée de l’Orge la maîtrise d’ouvrage du site de l’Orme Pomponne où 80 parcelles seront livrées en février 1998. L’opération est financée par la région via l’Agence des Espaces Verts (AEV), par le conseil général de l’Essonne et par l’Etat. Cet équipement reçoit rapidement l’assentiment de la population et les 80 parcelles de 100 m² en moyenne sont vite attribuées. Quelques mois plus tard c’est 80 autres parcelles qui seront remises en chantiers et livrées en janvier 2001, avec un atelier de stockage, un espace de détente et un verger collectif. Cet engouement ne se démentant pas, (160 familles en liste d’attente), 90 nouvelles parcelles seront disponibles fin 2013. Ce qui portera la surface totale du site à 6 ha d’espaces dédiés au jardinage.

 


Profil sociologique jardin de Ris

Les trois quarts des jardiniers sont âgés de 40 à 70 ans. La tranche des 25 à 30 ans en compte 3 %, celle des 31 à 40 ans 9 %. Deux classes importantes ressortent : les retraités (34%) et les employés (33%). Le reste se répartit en 15 % d’ouvriers, quelques cadres et agents de maîtrise, et 8% sans profession déclarée. L’origine géographique  des occupants est très diversifiée : Algériens, Italiens, Marocains, Portugais, Turques Au sein des 80% d’occupants de nationalité française, on trouve des gens originaires en plus du Togo, d’Asie, des Antilles françaises, de la Réunion, des Comores.

 

Jardins d'immeubles à Aulnay-sous Bois © JC Guilloux

Jardins d'immeubles à Aulnay-sous Bois © JC Guilloux

Une fonction qui dépasse le jardinage

Si au départ l’idée première était d’offrir un lopin de terre à une famille pour qu’elle cultive son jardin au pied des grands ensembles, on s’aperçut que le lieu favorisait bien d’autres fonctions que celle de produire et que le jardinier ou la jardinière souhaitait bricoler pour embellir, dialoguer pour apprendre, produire des plants et échanger, inviter sa famille, ses voisins, préserver les oiseaux…Favorisés par une bonne gestion financière, des aménagements utilisant opportunités et compétences de chacun ont vu le jour : serre de production, abris supplémentaires, et diverses commodités sont venus augmenter la potentialité du site, permettant à chacun de se valoriser en s’investissant dans la ou les fonctions de son choix.Dix ans plus tard, grâce aux contacts et aux échanges promus par la FNJFC, un voyage à Kazan, capitale du Tatarstan en Russie, sera le déclencheur d’une réflexion sur les éléments caractéristiques de cette multifonctionnalité pour comparer, décrire, analyser et comprendre. C’est cette tentative d’analyse multifonctionnelle que nous avons promue auprès des responsables de jardins pour démontrer qu’ils peuvent, par la conception et la pertinence des aménagements, par les pratiques  agroécologiques et par la gouvernance, induire des effets mesurables dans les quatre grands domaines : les relations sociales, la fonction environnementale, la fonction nourricière, la fonction éducative et l’épanouissement personnel. C’est, pour certains, un bouleversement dans les pratiques anciennes, mais s’il y a des réticences, les nouveaux jardiniers sont les moteurs de l’évolution des jardins familiaux, et la FNJFC met en place les formations techniques et administratives qui encouragent ce changement.

 

Un renouveau qui bouscule

Nous venons à peine de soulever le voile de la multifonctionnalité et déjà l’on sent poindre les interrogations sur la gouvernance car plus la multifonctionnalité est importante, plus la gouvernance doit être irréprochable et ingénieuse. Lors de son assemblée générale du 15 mai 2013 la FNJCF a tenu table ronde sur ce sujet et une commission a été mise en place pour élaborer les principes de la gouvernance des instances fédérales mais aussi la gouvernance opérationnelle des 330 structures de jardins adhérents répartis sur tout le territoire. Voici donc l’impact de ce renouveau, qui bouscule les anciennes représentations et que les actions de formation initiées depuis plusieurs années remplacent progressivement. Le jardinier d’aujourd’hui n’est plus un catholique producteur exclusif de légumes bodybuildés, mais aussi une citoyenne impliquée dans la cohésion sociale de sa cité et soucieuse de l’avenir et de la santé de ses enfants…

 

Une production pas anodine

Cette mise en mouvement accompagne une autre dynamique émergente, celle que la recherche nationale porte au sein du projet JASSUR en étudiant sur 7 métropoles, les techniques de production et la consommation, les pratiques culturales et la qualité des sols ainsi que la gouvernance des sites et des instances . Voici donc la FNJFC objet d’une recherche moderne car les jardins familiaux et collectifs répondent en partie aux enjeux mondiaux que sont la préservation de l’environnement et la bonne alimentation des populations humaines urbanisées. Plus que dans le jardin partagé qui s’apparente à une redécouverte du jardinage et à une revalorisation des fruits et légumes, le jardinier familial a le souci de produire pour se nourrir, même s’il partage spontanément ou non ses surplus de récolte. Cette production n’est pas anodine en volume et en valeurs. Pour une région comme l’Ile de France, on estime que les surfaces consacrées au jardinage familial collectif sont équivalente à celle du maraîchage professionnel. Ceci doit interpeller les aménageurs et le législateur, sur la place qui doit être réservée à ces productions familiales structurantes des nouveaux paysages urbains. Dans le monde entier les jardins familiaux du 21ème siècle entrent de plain-pied dans l’agriculture urbaine qui se doit de produire autrement tout en étant écologiquement intensive ou qui ne sera alors qu’une utopie non partageable.

 

La FNJFC au service des jardins familiaux

Depuis 1896, la Fédération Nationale des Jardins Familiaux et Collectifs crée, réhabilite, aménage, développe, gère, anime et assure la défense des jardins ouvriers et familiaux. Par son implantation sur la totalité du territoire français, elle connaît la diversité des terroirs et des cultures potagères. La FNJFC assure la gestion de jardins familiaux de façon décentralisée avec 49 Comités Locaux regroupant environ 6 000 jardiniers, de façon directe à travers les 70 sites de Jardins Franciliens comprenant 3 500 jardiniers. Elle fédère plus de 200 associations et groupements de jardins ouvriers et familiaux, riches de leurs différences de taille, d’histoire ou d’objet social. Au cours de la dernière décennie, elle a développé des parcelles pédagogiques, des jardins adaptés aux personnes à mobilité réduite, des jardins partagés, des parcelles d’insertion, des jardins en pied d’immeuble… La FNJFC et son Bureau d’études conseillent et créent des projets de jardins familiaux pour les collectivités, organismes HLM, associations... La FNJFC apporte sa compétence pour la rédaction de statuts, de règlements intérieurs, de conventions...
http://www.jardins-familiaux.asso.fr