Les jardins de Kerdalo : Un vallon secret au bord du Jaudy

Mannoir breton
Un manoir breton se dresse à flanc de vallon, avec des terrasses et des murets comme dans un jardin oriental, des gazons comme un air d’Angleterre. © D. Veschambre

Un manoir breton se dresse à flanc de vallon, avec des terrasses et des murets comme dans un jardin oriental, des gazons comme un air d’Angleterre, des ruisseaux qui murmurent comme en Andalousie. Et pourtant, nous sommes au bord du Jaudy, en face de Tréguier, dans les Côtes-d’Armor.

Le lieu a été profondément transformé depuis son acquisition par le prince Peter Wolkonsky en 1965: la ferme originelle est devenue un château, assorti de terrasses et de divers plans d’eau et bassins successifs, grâce à un remodelage profond de la topographie. Les hauts arbres des jardins de Kerdalo, dans les Côtes-d’Armor, structurent désormais des scènes variées, laissant imaginer un domaine bien plus vaste que les dix-huit hectares actuels. Jouissant d’un climat doux du fait de la proximité de la mer, propre à accueillir des espèces végétales fragiles et même tropicales, le vallon est ouvert vers l’ouest.

Les diverses tempêtes de ces dernières décennies ne l’ont pas épargné, ni les périodes de sécheresse, les jardins n’étant pas irrigués. Grâce aux efforts constants menés depuis près de trente ans par Isabelle, fille du prince, et par son mari, le paysagiste Timothy Vaughan, l’ensemble permet un voyage enchanteur dans différents décors contrastés parmi les cinq mille taxons du jardin.

Un fouillis tropical

Des hauteurs sèches du vallon, on parvient à mi-coteau au manoir, mis en valeur par des plantes grimpantes et des vipérines. Puis, en passant par les terrasses italiennes, on gagne un jardin japonais autour de son ruisseau rectiligne. De là, à travers les rhododendrons surplombés de hauts arbres, comme un chêne chevelu panaché ou des araucarias, les sentiers s’engagent dans un fouillis tropical organisé où gunneras et fougères arborescentes sont tout à fait à leur aise.

Dicksonia antarica
Dicksonia antarica, Lysichiton americanus, Hedera helix, Rhododendron agrémentent ce cheval marin. Il s’agit de la commémoration poétique décidée par Peter Wolkonsky d’une vieille légende locale. Elle racontait que des sorcières remontaient la rivière sur leurs chevaux marins aux pieds palmés. © D. Veschambre
Rosier Sénateur Lafolette
En limite de la cour, le rosier ‘Sénateur Lafolette’ invite à un plongeon vers les quatre carrés de vivaces aux couleurs pastel ponctuées du jaune soutenu de la graminée japonaise Hakonechloa macra ‘Aureola’. Les pavillons de pierre, aux angles de ce jardin, cachent des fresques de coquillages, œuvres de Nicole des Forêts et de Peter Wolkonsky. © D. Veschambre

Un enchantement pour les étudiants

Depuis avril 2021, Christian Louboutin, nouveau « Prince » de Kerdalo, entend garder toute son âme et sa beauté au jardin: des interventions douces pour restaurer les circuits de l’eau, pour redonner de la transparence aux houppiers des grands arbres conquis par les clématites. Hydrangeas, glycines, rosiers et autres plantes grimpantes sont ses priorités, tout en sublimant ce majestueux mariage végétal.

Cet exceptionnel jardin, classé remarquable, réserve une surprise d’une autre nature : ses liens pédagogiques avec l’École de Saint-Ilan, permettant d’accéder à plusieurs diplômes (Capa, bac pro, BTSA, licence pro) dans les sciences horticoles et les arts paysagers. Faire découvrir ce lieu de renommée internationale, situé à moins d’une heure de l’école, est une aubaine qu’ont su saisir les enseignants. L’expérience de la découverte du jardin, de sa poésie, de son esprit et de sa diversité botanique est un enchantement pour les élèves.

Chaque année, quelques-uns y reviennent en stage. Pendant quatre à huit semaines, ils côtoient les plantes, découvrent une infinité de leurs particularités, apprennent à les gérer avec les jardiniers. Cela constitue une occasion rare d’immersion dans la connaissance précise de savoirs pour construire un paysage d’orfèvre.

Subtilité du bleu vert des pétales
Subtilité du bleu vert des pétales et de l’orangé des étamines, renforcés par les feuilles glauques de ce Puya berteroniana du Chili. © D. Veschambre

Daniel Veschambre
Membre du Conseil scientifique de la SNHF

Florence Turpin
Enseignante en aménagement paysager, Lycée d’horticulture et du paysage de Saint-Ilan