Les haies : Essentielles pour la biodiversité

Autour des maisons et des jardins, les haies sont le plus souvent installées pour clôturer, séparer des espaces ou protéger des regards indiscrets. Trop souvent, le choix se porte sur l’implantation d’une seule espèce végétale, taillée au cordeau.

Multiplier les espèces au sein de la haie apporte de nombreux services au jardin et au jardinier. Une haie diversifiée, en plus de sa fonction esthétique, favorise la faune utile à l’équilibre du jardin. Les haies, constituées d’espèces végétales pérennes, participent à la bonne vie du sol grâce à leurs racines (photo ci-dessous).

Haie diversifiée du Jardin du « Petit Bordeaux » © SNHF, C. Secq

Les haies au service du jardinier

Les racines des végétaux composant la haie explorent souvent un grand volume de sol, ce qui entraîne son aération et favorise les interactions avec les micro-organismes telluriques. Les systèmes racinaires bien développés limitent l’érosion des sols. De plus, les racines des arbustes absorbent une partie des surplus d’engrais et freinent donc la pollution des nappes phréatiques. La partie aérienne des haies joue un rôle de régulateur thermique en créant un microclimat qui limite le froid en hiver et la chaleur en été. Les haies implantées dans les régions très venteuses servent fréquemment de brise-vent, diminuant ainsi l’évaporation de l’eau du sol. Au-delà de ces aspects physiques et chimiques, la haie participe au maintien de la biodiversité. En effet, elle nourrit les oiseaux avec ses baies tout au long de l’année, elle héberge des insectes auxiliaires et ses fleurs apportent du nectar aux pollinisateurs (cf. page suivante). Les petits mammifères tels que les hérissons ou les musaraignes trouvent refuge à leur pied, pour peu que les tas de feuilles mortes ou les hautes herbes soient préservés. Toute cette faune participe à l’équilibre du jardin en reconstituant un écosystème proche du naturel et en diminuant l’impact des bioagresseurs.

Cornouillers à fleurs © Astredhor

Priorité à la haie champêtre

Une haie dite champêtre est composée de nombreuses espèces locales d’arbres et d’arbustes disposées en quinconce. En variant la hauteur, la largeur et la densité des espèces choisies, la haie occupe alors différentes strates et favorise la biodiversité. En transférant ce modèle au jardin du particulier, on pourra favoriser la multiplicité des espèces locales en jouant sur différentes strates. La diversité des espèces composant la haie constitue un réservoir pour les insectes auxiliaires, ce qui permet de protéger le reste du jardin (potager, fruitiers et plantes ornementales) (Ricci 2009). Le choix des espèces appartient au jardinier et se fait en fonction de la taille du jardin, des attentes et des goûts du jardinier. Toutefois, les végétaux autochtones sont à privilégier car ils sont gage d’une bonne adaptation aux conditions climatiques et pédologiques locales. Ils présentent généralement un intérêt supérieur pour l’écosystème car la faune qu’ils hébergent est variée et trouve par elle-même son équilibre écologique.

Un des critères pour le choix des végétaux est leur période de floraison. Assurer une longue période de floraison allant de mars à novembre permet de fournir une nourriture en continu aux insectes auxiliaires. Le cornouiller (photo ci-dessus) et le mimosa, dont la floraison intervient tôt au printemps, fournissent la première source de nourriture pour les insectes émergents à la sortie de l’hiver. En pleine saison, les arbustes comme le prunellier et le lilas prennent le relais. Ce sera ensuite le tour du lierre avant l’hiver. Il est à noter que toutes les plantes à fleurs ne sont pas mellifères, il ne suffit pas d’une haie fleurie pour contenter les pollinisateurs (1*). Pour favoriser la nidification des oiseaux, il est important de laisser la haie libre, sans trop d’entretien ni de taille, notamment à partir du mois d’avril.

 

Syrphe ceinturé butinant une fleur d’hortensia © G. Carcassès

Implantation de la haie

La haie est une structure vivante qui se développe au cours du temps. Il est donc important d’anticiper son évolution. Pour une haie en bonne santé et bien adaptée à son environnement, il faut analyser l’exposition et le sol. Il faut également tenir compte de l’ombre portée sur les végétaux déjà existants. De même, la vitesse de croissance des plantes et leur hauteur définitive sont à prendre en compte. En effet, les végétaux à croissance rapide prennent le pas sur les autres et nécessitent un entretien fréquent. Le sol encore chaud et les premières pluies d’automne sont des paramètres favorables à la plantation d’une haie, associés à un arrosage efficace dès le premier été. Ensuite, l’arrosage sera moins fréquent mais plus abondant.

Cette méthode permet aux racines de la plante d’explorer un maximum de volume du sol. Ainsi installée, la haie est plus résistante à la sécheresse et l’arrosage plus efficace économise une ressource précieuse. Couplées à une tonte peu fréquente et à des zones non tondues, les haies champêtres sont de véritables corridors pour la biodiversité. En valorisant les déchets de taille en paillage de type BRF (bois raméal fragmenté), la haie participe au cycle du carbone. L’économie d’eau et le microclimat fournis par la haie sont aussi des leviers pour jardiner en faveur du climat (2.*)

 

Inès Turki et Alice Piacibello
Chargées de projet Jardiner Autrement

(1*) Retrouvez la liste des plantes attractives pour les abeilles : www.jardiner-autrement.fr/les-plantes-attractives-pour-les-abeilles/
(2*) Retrouvez les webinaires sur le climat de Jardiner Autrement et
du Conseil scientifique :
• Webinaires du conseil scientifique : www.snhf.org/cs-2021-le-dereglement-climatique-un-defi-pour-les-plantes-les-
intervenants/#ancre3
• Webinaires Jardiner Autrement : https://www.youtube.com/playlist?list=PLcjRHIEXibWdfw4cSNOr1TGPHvAwiBVSO

POUR ALLER PLUS LOIN

www.jardiner-autrement.fr/proteger-son-jardin-grace-aux-haies-et-massifs-champetres/
• Benoît Ricci. Dynamique spatiale et dégâts de carpocapse dans
la basse vallée de la Durance. Sciences agricoles. Université d’Avignon, 2009.

DES HAIES FLEURIES EXPÉRIMENTÉES EN VERGER PAR L’INRA DEPUIS PLUS DE DIX ANS

www.jardinsdefrance.org/verger-des-haies-pour-favoriser-les-auxiliaires/
Dans le numéro 625 de septembre-octobre 2013, Sylvaine Simon (Inra, UERI Gotheron de Saint-Marcel-lès-Valence) nous faisait part de résultats d’expérimentations aujourd’hui passés dans la pratique courante, sous le titre « Verger : des haies pour favoriser les auxiliaires ». Elle indiquait : « Les haies remplissent de multiples fonctions dans l’espace agricole : brise-vent, limitation de l’érosion, productions de bois ou de petits fruits, refuge pour la faune… Les haies composites peuvent aussi jouer un rôle dans la protection du verger et favoriser un cortège d’auxiliaires actifs contre des ravageurs. À condition de faire le bon choix de végétaux lors de leur implantation. » Elle insistait également sur le fait que certaines espèces sont à bannir. Ainsi, il ne faut pas « introduire d’essence hébergeant un ravageur/une maladie majeurs du verger ou un ravageur/une maladie de quarantaine. Par exemple, l’aubépine, qui héberge le feu bactérien, est à proscrire. »

 

www.jardinsdefrance.org/repenser-le-verger-pourproduire-des-fruits-sans-pesticides/
Dans le numéro 655 de septembre 2019, Sylvaine Simon abordait une expérience très intéressante de mise en oeuvre des résultats précédents, sous le titre : « Repenser le verger pour produire des fruits sans pesticides ». Elle y décrivait une forme tout à fait originale de verger, co-conçue par les chercheurs et professionnels « ou comment tourner en rond pour mieux avancer ». « Un verger circulaire pour s’affranchir des pesticides ? C’est l’idée, pas si farfelue, qu’explore l’unité expérimentale Inra de Gotheron, dans la Drôme. Les différents cercles constituent tant des barrières contre les bioagresseurs que des ressources pour les auxiliaires des cultures. »