Les fleurs animées

Daniel Lejeune

Les planches de « Fleurs animées »
Les planches de « Fleurs animées » ont été colorées de diverses manières au fil des éditions : dahlias de Gonet 1857 (à g), de Delavau 1852 et de Garnier 1867

Heureux ceux qui aiment les fleurs ! Heureux ceux qui n’aiment que les fleurs !

Jean-Jacques Grandville par Lassalle (1840)
Jean-Jacques Grandville par Lassalle (1840)

« Les fleurs animées » est un ouvrage surtout connu par son illustrateur, Jean-Jacques Grandville. Cet élégant caricaturiste qui, pour l’état civil, s’appelait en fait Jean Ignace Isidore Gérard (1803-1847). Il était né à Nancy qui a d’ailleurs reçu en legs une partie de ses nombreux dessins.

Grandville est célèbre pour avoir illustré Balzac, Béranger, La Fontaine et surtout publié les Scènes de la vie privée et publique des animaux dans laquelle le monde des bêtes est un prétexte à satires contre la société et les hommes politiques du régime de Juillet au début des années 1840[1].

Pour autant, Grandville, s’il est le principal acteur de cet ouvrage en deux volumes, a reçu la collaboration de trois écrivains inégalement connus de nos jours :

Plusieurs façons d’aimer les fleurs

Alphonse Karr, qui a rédigé de sa plume alerte l’introduction, n’est pas étranger au monde de l’horticulture. Journaliste-jardinier exilé volontaire à Nice pour avoir soutenu Cavaignac contre Louis-Napoléon, auteur de la petite série piquante des Guêpes, il tourne une fois de plus en dérision les travers des botanistes et des collectionneurs de plantes : « Il y a plusieurs façons d’aimer les fleurs. Les savants les aplatissent, les dessèchent et les enterrent dans des cimetières nommés herbiers, puis ils mettent au-dessous de prétentieuses épitaphes en langage barbare…Les amateurs aiment les fleurs rares…Leurs jouissances consistent beaucoup moins à avoir certaines fleurs qu’à savoir que d’autres ne les ont pas… »

Taxile Delord, journaliste et homme politique (1815-1877), député entre 1871 et 1876, avait été rédacteur au Charivari. On lui doit une Histoire du second empire plusieurs fois rééditée[2]. C’est lui qui a écrit les histoires édifiantes des Fleurs animées.

Derrière le pseudonyme de Comte Foelix, se cache Louis François de Raban (1795-1870). Romancier, essayiste et pamphlétaire, il est aujourd’hui « illustrement inconnu ». Dans les Fleurs animées, il a donné les chapitres de Botanique et d’Horticulture des Dames, fort intéressants au demeurant.

Des contrefaçons

Les Fleurs animées et leurs 50 planches gravées sur acier par Geoffroy, parurent en 1847 chez Gabriel de Gonet. Leur succès nécessita rapidement un second tirage (non daté) et suscita plusieurs contrefaçons en Belgique, pays alors spécialisée dans ce genre aujourd’hui inavouable[3]. C’est ainsi que l’on trouve une édition de C.W. Froment, datée de 1851, et une édition de Delaveau en 1852, toutes deux à Bruxelles avec les planches fort bien imitées et signées T’sas.

De nouvelles éditions, parfaitement légales, furent produites en France par Martinon et de Gonet en 1856, 1857 et 1858.

Enfin, Garnier et frères rééditèrent les Fleurs animées en 1867 après en avoir confié une retouche des planches à Maubert, grand illustrateur botanique et horticole, auteur d’une série de vélins pour le cabinet du Muséum de Paris.[4]

Belle de nuit, Capucine, Fleur de pêcher Jean-Jacques Grandville par Lassalle (1840)
(de gauche à droite) Belle de nuit, Capucine, Fleur de pêcher Jean-Jacques Grandville par Lassalle (1840)
Pois de senteur
Pois de senteur

Bergère, fée ou reine

L’argument des Fleurs animées est une personnification en femmes des pensionnaires du Palais de la Fée aux fleurs, qui obtiennent de pouvoir descendre sur terre pour juger de l’admiration qu’elles suscitent et des pouvoirs qu’elles peuvent en tirer. Chaque femme-fleur est élégamment représentée par Grandville et les histoires drôles ou tristes selon les circonstances n’auraient pas été désavouées par les contes de Charles Nodier.

Citons pêle-mêle

Histoire d’une bergère blonde, d’une bergère brune et d’une reine de France ; Le tabac, une malice de la Fée aux fleurs ; l’album de la Rose ; Sœur nénuphar ; La Sultane Tulipia …

Exposé à Chantilly

Les bibliophiles noteront que les planches ont été colorées de diverses manières au fil des éditions. Nous donnons à titre d’exemple trois versions de la planche du Dahlia.

La bibliothèque de la SNHF possède un très bel exemplaire de l’édition de 1867, qui a été exposé dans le cadre de « Délices au jardin » au cabinet des livres du château de Chantilly en été 2016.

Les planches de « Fleurs animées »
Les planches de « Fleurs animées » ont été colorées de diverses manières au fil des éditions : frontispice de Gonet 1857 (à g), de Delavau 1852 et de
Garnier 1867

[1] 1840-1841, J. Hetzel et Paulin, éditeurs.

[2] 6 volumes, 1869-1876, Librairie Germer Baillière et Cie

[3] GODEFROID François, 1998, Aspects inconnus et méconnus de la contrefaçon en Belgique,

[4] pour plus de détails sur les éditions connues et moins connues des Fleurs animées, voir le site cartonnagesromantiques.blogspot.fr, fort bien documenté.

 

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