Les clés d’un jardin bien arrosé

Les périodes répétitives de sécheresse intense laissent augurer du fait que, sous le climat de la France métropolitaine, l’eau douce disponible deviendra de plus en plus rare. Il devient impératif de l’utiliser à bon escient ! Par ailleurs, une bonne alimentation hydrominérale représente le meilleur moyen d’obtenir des plantes en bonne santé, naturellement moins réceptives aux bioagresseurs

 

En matière d’arrosage, quelques connaissances indispensables, de l’observation et du bon sens devront guider la pratique du jardinier car l’eau douce disponible promet de se raréfier.

Révisons nos fondamentaux

Le pluviomètre, un outil indispensable au jardin © M. Javoy

L’eau est indispensable à la vie des plantes. Elle leur permet d’acquérir les ressources minérales pour assurer leur croissance. L’eau est à la base de la photosynthèse et de la transpiration, qui régule la température de la plante. Elle représente également une composante majeure de la plante. Selon son espèce, une plante est en effet constituée de 70 à 95 % d’eau,  mais seulement 2 % de l’eau prélevée dans le sol entrent dans sa composition : 98 % de cette eau sont dirigées vers l’atmosphère par la transpiration.

Le principal pourvoyeur d’eau demeure la pluie. Or, la répartition pluviométrique annuelle ne correspond pas aux besoins des plantes. En automne et en hiver, la pluviométrie est excédentaire. Au printemps et en été, elle ne couvre en revanche pas les besoins des plantes à cycle court. Il est nécessaire de recourir à des apports d’eau complémentaires, assurés par l’irrigation (Figure n° 1).

L’atmosphère, pourvoyeuse d’eau par la pluie, est aussi la principale cause de la demande en eau à cause du rayonnement solaire et du vent. Cette demande en eau de l’atmosphère est satisfaite par l’évaporation de l’eau du sol et par la transpiration de la plante : les deux phénomènes sont regroupés sous le vocable générique d’évapotranspiration potentielle (ETP). ETP et pluviométrie sont quantifiables et mesurables.

Dans un jardin, le pluviomètre représente un outil indispensable. L’unité d’expression de la quantité de pluie est le millimètre d’eau (mm), qui correspond à un apport d’un litre d’eau par mètre carré. Le pluviomètre, de bonne qualité, bien placé dans le jardin, doit faire l’objet de relevés réguliers. L’évapotranspiration a lieu sous l’action principale du rayonnement solaire global, qui cumule le rayonnement solaire direct, en l’absence de nuages, et le rayonnement solaire diffus au travers des nuages.

Figure n° 1 : Comparaison entre la pluviométrie annuelle et les besoins en eau des plantes sous nos latitudes (source : Chambre d’Agriculture du Loiret – Michel Javoy)

Rayonnement global et évapotranspiration

La Figure n° 2 montre qu’aux variations interannuelles près, pour un lieu donné (ici le Loiret), l’évolution annuelle du rayonnement global correspond à la variation de position du soleil sur l’horizon, avec un minimum au solstice d’hiver et un maximum au solstice d’été.

Le rayonnement global, au moyen d’une formule adéquate, est traduit directement en évapotranspiration, qui exprime chaque jour les besoins théoriques en eau de la plante. Cette donnée est fournie par Météo France sur différents sites internet. Par souci de cohérence, elle est aussi exprimée en millimètres d’eau. L’évapotranspiration peut être nulle par temps couvert en hiver et atteindre jusqu’à 7 litres par mètre carré par une journée ensoleillée d’été !

Le sol est le réservoir dans lequel la plante puise l’eau. Du fait de sa composition et, surtout, de la taille de ses granulats, le sol retient plus ou moins d’eau. La quantité d’eau retenue et disponible pour la plante dépend de deux paramètres : la nature du sol et le volume de sol prospecté par les racines de la plante. Pour une profondeur de 30 cm, un sol sableux peut retenir 10 à 15 litres d’eau par mètre carré tandis que pour une même profondeur, un sol argilo-sableux, avec une bonne teneur en humus, retiendra 40 à 45 litres d’eau par mètre carré. Le volume de sol prospecté par les racines dépend de l’espèce de plante cultivée et de la bonne gestion de l’irrigation.

Les plantes, selon leur genre et leur espèce, possèdent des architectures racinaires très différentes. Certaines espèces ont des racines traçantes exploitant essentiellement la surface du sol. À l’inverse, d’autres espèces présentent des systèmes racinaires pivotants, susceptibles d’exploiter l’eau très en profondeur. Pour une même plante, la manière dont l’irrigation est conduite agira sur la profondeur de sol exploitée par les racines.

Figure n° 2 : Répartition mensuelle du rayonnement global (source CVETMO 2014)

En pratique au jardin, quelques conseils

Une petite tarière permet d’observer l’humidité́ du sol © M. Javoy

• Il convient de permettre à la plante de se constituer un « réservoir sol » aussi volumineux que possible en favorisant le développement racinaire. Un semis direct, quand cela est possible, est toujours préférable à une plantation en racines nues ou en mottes, car il n’engendre pas de cassure des racines. La plante peut ainsi développer ses racines conformément à son potentiel génétique.

• Il faut utiliser la capacité des plantes à aller chercher l’eau dans l’endroit où elle se trouve. L’appauvrissement progressif de la disponibilité de l’eau en surface l’obligera à aller prospecter en profondeur et ainsi à exploiter un plus grand volume de sol.

• Après le semis, lors du développement de la jeune plantule ou aussitôt après plantation, lors de la phase de la reprise des plants, il convient d’irriguer très souvent et en petites quantités pour faciliter le développement de nouvelles racines.

• Dès constatation d’une bonne implantation des racines, il faut inverser progressivement les modalités d’irrigation en espaçant les fréquences d’apports tout en augmentant très sensiblement les quantités d’eau à chaque apport.

• Le bon jardinier doit aussi, de manière très régulière, observer et toucher afin de sentir l’état hydrique de son sol. Une petite tarière, outil idéal, mais aussi une petite bêche bien effilée, permettra de prélever de petites quantités de sol sur toute la profondeur exploitée par les racines (environ 30 cm).

Bien observer, très régulièrement son jardin et savoir tirer parti de ses constatations représente une action fondamentale du bon jardinier.

 

Michel Javoy
Conseiller horticole retraité

QUELQUES QUESTIONS QUI SE POSENT FRÉQUEMMENT

À quel moment de la journée est-il préférable d’arroser ?

Incontestablement, les arrosages du matin sont toujours préférables. L’irrigation du soir est déconseillée, car elle gorge le sol en eau à un moment où la transpiration de la plante diminue fortement pour devenir quasi nulle durant la nuit. Il y a alors un risque de surpression à l’intérieur des cellules de la plante, qui peut entraîner des micro-éclatements des tissus. Ceux-ci constituent autant de potentielles portes d’entrée pour les maladies.

Faut-il mouiller le feuillage ?

Contrairement à une idée bien ancrée, la réponse est oui, à condition que le climat du moment permette un ressuyage rapide des plantes après arrosage. Le mouillage des feuilles permet de les nettoyer et réduit à coup sûr le risque d’implantation des insectes et des pucerons, thrips et acariens notamment.

La plante se protège d’un excès de perte en eau en réduisant sa transpiration au moyen du flétrissement de ses feuilles © M. Javoy
Faut-il en permanence satisfaire la totalité des besoins théoriques en eau des plantes ?

Pas nécessairement. Pour les plantes à fleurs et à fruits, un certain rationnement est favorable à la floraison et à la fructification. Il convient également de tenir compte de l’exposition de la plante à la lumière.

Que penser du binage entre deux arrosages ?

C’est une excellente pratique qui combine la réduction de la perte en eau du sol par rupture de capillarité et l’amélioration de la pénétration de l’eau du prochain arrosage ou de la pluie.

Comment reconnaître une plante qui a soif ?

Pour cette observation, le moment de la journée est primordial. Si le matin la plante est flétrie, il est grand temps d’arroser. La même observation en milieu de journée indique simplement que la plante se protège en réduisant sa transpiration.