Les belles empoisonneuses de nos jardins

Derrière les plus belles plantes ornementales de nos jardins peuvent se cacher de véritables empoisonneuses, qu’il convient de connaître afin d’en apprécier la compagnie sans risque. Quelques analyses et chiffres permettent de quantifier les risques réels.

Évaluation des risques encourus

Premier facteur de risques: hormis les empoisonnements dus aux champignons, qui restent nombreux, les rares cas mortels récents sont toujours le fait de confusions alimentaires. Le deuxième facteur de risques concerne les plantes ornementales cultivées dans nos jardins ou nos intérieurs. Sur cinq décès entre 2011 et 2013 dus à des plantes ornementales, quatre correspondaient à des consommations d’if et de laurier-rose dans un but suicidaire. La mort ne rôde donc pas, immanente, à l’entrée de votre jardin.

Une analyse des cas liés aux plantes ornementales(1*) révèle qu’ils ne représentent que 4 % des 195 000 appels vers les centres antipoison (période 2011-2013) et concernent 400 plantes, dont une trentaine est responsable de la moitié des expositions(2*). Les risques concernent pour une grande part les enfants de 1 à 4 ans. Il semble naturel que les parents ou les encadrants s’appliquent le principe de précaution et dissipent leurs angoisses. Mais là encore, il faut relativiser, le risque de décès ne vous attend pas au détour de chaque allée.

Les fleurs du mal de nos jardins et intérieurs

Quelles sont donc, parmi les 170 espèces de plantes toxiques recensées en France, ces belles empoisonneuses à mettre sous surveillance dans nos jardins et nos intérieurs ? En se référant à la base de données Toxiplante(3*), on peut graduer la toxicité des végétaux de « très toxique » à « moyennement toxique » et « peu toxique ». Cette dangerosité n’est pas du tout corrélée avec le nombre des cas constatés chaque année(4*), beaucoup concernant des plantes moyennement ou peu toxiques. Cet article s’attache donc à décrire les plantes ornementales très toxiques, y compris celles peu représentées dans les appels, et à lister les plantes ornementales signalées comme moyennement ou peu toxiques mais faisant souvent l’objet de cas d’exposition.

1 – Plantes très toxiques

Voir le tableau ci-dessous

2 – Plantes moyennement toxiques

Anémone pulsatille (Anemone pulsatilla), Anémone sylvie (Anemone nemorosa), Bourdaine (Rhamnus frangula), Buis (Buxus sempervirens), Dieffenbachia (Dieffenbachia sp.), Genévrier (Juniper ussabina), Glycine de Chine (Wisteriachinensis), Houx (Ilex aquifolium), Lupins (Lupinus sp.), Mahonia (Berberis aquifolium), Narcisse (Narcissus pseudonarcissus), Rhododendron (Rhododendron sp.), Thuya (Thuja occidentalis), Troène (Ligustrum vulgare).

3 – Plantes peu toxiques

Absinthe (Arthemisia absinthium), Amour en cage (Physalis alkekengi), Aucuba (Aucuba japonica), Chèvrefeuille (Lonicera caprifolium et nitida), Clivie vermillon (Clivia miniata), Cornouillers (Cornus stolonifera et sanguinea), Cotonéaster, Fragon épineux (Ruscus aculeatus), Gaulthérie (Gaultheria procumbens), Ginkgo (Ginkgo biloba), Iris des marais (Iris pseudacorus), Laurier-tin (Viburnum tinus), Marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), Perce-neige (Galanthus nivalis), Pervenche (Vinca minor), Philodendron (Philodendron sp.), Poinsettia (Euphorbia pulcherrima), Pommier d’Amour (Solanum pseudocapsicum), Pyracantha (Pyracantha sp.), Skimmia (Skimmia japonica), Sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia), Sureau noir (Sambucus nigra), Symphorine blanche (Symphoricarpos albus), Vigne vierge (Parthenocissus quinquefolia), Viornes diverses.

4 – Autre plante toxique des jardins d’agrément

La Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), plante invasive dont la sève contient une toxine qui réagit avec la lumière, peut provoquer d’intenses inflammations et brûlures au niveau de la peau.

Conclusion

Pour terminer sur une note plus optimiste, on constate que pratiquement toutes les plantes toxiques possèdent des vertus médicinales reconnues et toujours exploitées dans la panoplie pharmaceutique actuelle. Comme l’affirmait Paracelse, le médecin astrologue et alchimiste suisse du XVIe siècle qui a fondé la toxicologie :

« Tout est poison, rien n’est poison. C’est la dose qui fait le poison. »

C’est donc bien par la connaissance des plantes qui nous environnent et par le principe de précaution, qui nous interdit de consommer toute plante inconnue, que les accidents seront évités.

 

Jean-Luc Boulard
Président de la Société horticole de Sens et membre du comité de rédaction de Jardins de France

 

Ilex × altaclerensis ’Golden King’

(1*) Analyse du système d’information des centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) – Julie Lemoine, docteur en pharmacie – lauréate du prix de projet 2017 du comité scientifique de la SNHF.

(2*) Par exposition, l’on entend: ingestion, contact.

(3*) Site Internet : www.toxiplante.fr – base de données d’un collectif de pharmaciens sous la conduite de Claude Hammer.

(4*) Étude de Julie Lemoine, déjà citée.