Les bandes fleuries : Des alliées contre les ravageurs des jardins

Les bandes fleuries présentent des avantages dans les jardins. Elles favorisent notamment les auxiliaires qui luttent contre les ravageurs. Nous allons voir qu’il est important de bien les choisir et de bien les implanter.

Les bandes fleuries sources de pollen, de nectar et… de pucerons !

 

Des fleurs sources de pollen et de nectar, utiles aux auxiliaires et pollinisateurs du jardin.
Les fleurs qui composent les bandes fleuries sont des sources de pollen et de nectar essentielles à de nombreux auxiliaires des cultures. En effet, ces insectes (syrphes, chrysopes, hyménoptères parasitoïdes) ont besoin, au stade adulte, de pollen et de nectar pour leur développement alors que leurs stades larvaires consomment les ravageurs de culture (pucerons, cochenilles, acariens, aleurodes, thrips). En leur offrant les ressources nutritives dont ils ont besoin, ils permettent de lutter efficacement et naturellement contre les insectes nuisibles des jardins.

Larve de coccinelle © L. Albert
Syrphe adulte © L. Albert

Des fleurs pour héberger des proies alternatives
Les espèces composant les bandes fleuries peuvent également attirer les ravageurs et éviter ainsi leur installation sur la culture. On parle alors de plantes pièges. Par exemple, le projet IMPULse, a mis en évidence que l’implantation de colza dans des parcelles de choux permettait de piéger les punaises du chou, Eurydema sp (1*). Les dégâts alors observés sur cette culture sont fortement réduits.
Les plantes présentes dans les bandes fleuries peuvent également héberger des pucerons, qui vont attirer précocement les auxiliaires (syrphes) lesquels, par la suite, iront pondre dans les foyers de pucerons des cultures. Les légumineuses (lotier corniculé, trèfle, vesce) sont intéressantes pour cet usage. En effet, elles attirent des pucerons qui leur sont spécifiques, sans danger pour les cultures du jardin. Ces pucerons constituent une ressource de nourriture pour les auxiliaires lors des périodes de disette ! De même, les soucis (Calendula sp) permettent d’attirer précocement des punaises prédatrices (Macrolophus sp) qui vont consommer thrips, araignées rouges, Tuta absoluta… C’est une technique couramment utilisée par les maraîchers sous serre (Encadré n° 1).

Auxiliaires contre ravageurs. Comment favoriser les premiers pour lutter contre les seconds ? © L. Albert

Bien choisir son mélange et son implantation !

Importance de la richesse spécifique des bandes fleuries
Afin d’attirer une plus grande diversité d’auxiliaires et ainsi de minimiser les dégâts occasionnés par certains insectes, il est essentiel d’avoir une richesse spécifique importante dans les bandes fleuries. Une grande diversité d’espèces florales peut fournir du pollen et du nectar à une plus grande diversité d’auxiliaires. En effet, l’exploitation des ressources florales par les insectes dépend de l’adéquation entre la morphologie des corolles des fleurs et des pièces buccales de l’insecte. Les syrphes sont notamment favorisés par la présence de la grande mauve (Malva sylvestris), d’achillées (Achillea sp), de matricaires (Matricaria sp) ou de phacélies (Phacelia sp). Les hyménoptères parasitoïdes de nombreux pucerons sont plutôt attirés par l’égopode (Aegopodium podagraria), la potentille rampante (Potentilla reptans) et l’achillée millefeuille (Achillea millefolium). Le bleuet (Centaurea cyanus), quant à lui, produit du nectar extra-floral, dont l’exploitation ne nécessite pas de morphologie spécifique des pièces buccales et peut donc être consommé par une large diversité d’insectes : coccinelles, syrphes, punaises… La période de floraison est également importante. Pour attirer de nombreux insectes dès le début du printemps, avant l’installation des ravageurs sur les plantes, il peut être utile d’avoir des essences à floraison précoce telles que le silène enflé (Silene vulgaris), le coquelicot (Papaver rhoeas) ou les matricaires (Matricaria sp). Le mélange doit donc associer des espèces florales complémentaires afin d’attirer une grande diversité d’arthropodes sur une longue période.

 

Larve de syrphe © L. Albert

Des bandes fleuries au plus proche des plantes du jardin
La localisation des bandes fleuries est importante pour une bonne efficacité. Pour les insectes dont l’adulte a besoin de pollen et de nectar mais dont la larve consomme des ravageurs (chrysopes, syrphes, hyménoptères parasitoïdes), plus la ressource de pollen et de nectar sera proche de la zone de ponte des œufs c’est-à-dire du ravageur, plus la quantité d’œufs pondus sera importante (Encadré n° 2).

Des bandes fleuries qui perdurent dans le temps pour une plus grande efficacité
Enfin, il est important de réfléchir également à la façon dont la bande fleurie va être gérée au jardin. Mieux vaut choisir des espèces capables de se ressemer d’une année sur l’autre. Dans l’idéal, il faudrait également ne pas couper ou arracher les fleurs en cours de saison car cela priverait de façon brutale les insectes de leur source de nourriture. De plus, les bandes fleuries qui restent en place toute l’année peuvent constituer des zones d’hivernation pour de nombreux auxiliaires (carabes, punaises…).

 

Ainsi, lorsque la saison redémarre, les auxiliaires sont déjà sur place, ce qui constitue un gain de temps et d’énergie pour tout le monde !

Syrphe adulte se nourrissant sur capitule de salsifis des près (effet nourriture des auxiliaires) © L. Albert
Larve de coccinelle en phase de prédation sur aleurodes © L. Albert

Les bandes fleuries peuvent remplir de nombreux rôles au sein des jardins : attirer des auxiliaires, accroître le nombre de pollinisateurs, offrir des zones refuges pour l’hiver tout en apportant une touche très colorée. Mais il ne faut pas oublier que de nombreuses fleurs naturellement présentes dans les jardins (pâquerette, pissenlit, véronique) permettent aussi d’attirer des auxiliaires et des pollinisateurs utiles aux plantes des jardins. Pour améliorer la biodiversité de son jardin et améliorer sa récolte, il suffit parfois de laisser la nature faire.

Laurence Albert
Animatrice Écophyto, chambres d’agriculture de Bretagne

RÉFÉRENCES

(1*) Gard et al. La gestion des punaises phytophages en cultures maraîchères – le projet impulse à l’heure du bilan. Infos CTIFL. Janvier/février 2021 ; 368 : p19-28.
(2*) Résultats du projet Verger cidricoles de demain, IFPC http://www.ifpc.eu/programmes-de-recherche/verger/verger-cidricolede-demain.html
(3*) Albert L. Régulation naturelle du puceron cendré et aménagements agro-écologiques : l’exemple des vergers cidricoles du nord-ouest de la France. Sciences agricoles. Agrocampus Ouest. 2017. Français.

ENCADRÉ N°1 : LUTTER CONTRE LES RAVAGEURS DES TOMATES GRÂCE À LA PLANTATION DE SOUCIS

Les cultures de tomates sous serre sont victimes de nombreux ravageurs : aleurodes, pucerons, acariens ou encore Tuta absoluta (petit papillon de 5 à 7 mm originaire d’Amérique du Sud. La chenille est une mineuse des feuilles, des tiges et des fruits). La punaise Macrolophus pygmaeus est un auxiliaire efficace, mais elle s’installe tardivement sur les cultures. Afin d’avoir des auxiliaires efficaces dès le début de saison, dans une ferme Dephy Écophyto, un agriculteur a testé l’impact des soucis sur les dégâts causés par T. absoluta. Il a semé des bandes de Calendula officinalis sous sa serre. Il a planté les soucis, en ligne et périphérie de la culture, avant la fin de celle-ci et les a laissés en place tout l’hiver, les soucis servant d’abri à l’auxiliaire.

Au début du printemps, l’agriculteur a transféré les auxiliaires vers les plants de tomate en dispersant les soucis à leurs pieds. Après quinze jours, il avait en moyenne cinq M. pygmaeus par bras de tomate. Il a eu finalement très peu de dégâts causés par T. absoluta et n’a observé aucun aleurode (M. pygmaeus se nourrit également d’aleurodes). Il a ainsi pu réduire ses traitements chimiques de synthèse de 70 % !

Pour en savoir plus :
https://paca.chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/Provence-Alpes-Cote_d_Azur/productions_vegetales/Article_Dephy_Ferme_Bastien_Bono_Treiz_Maraichage_n__41-juin_2019_p6-7.pdf

ENCADRÉ N°2 : BIEN CHOISIR LA DISTANCE ENTRE LA BANDE FLEURIE ET LE VERGER

Des essais ont été conduits en vergers cidricoles afin de connaître l’impact de l’installation de bandes fleuries sur la régulation naturelle du puceron cendré, Dysaphis plantaginea, par son cortège d’auxiliaires (syrphes, coccinelles, chrysopes, forficules, etc.). Dans cette étude menée par l’IFPC et l’Inrae (projet Casdar Verger cidricole de demain2), des mélanges fleuris ont été implantés dans huit vergers cidricoles, à différents endroits : en inter-rang ou en bordure de parcelles.

L’impact sur la régulation naturelle du puceron a été quantifié à différentes distances des bandes fleuries. Lorsqu’on se situe à une trentaine de mètres du mélange, la quantité de pucerons cendrés observée dans les arbres est deux fois plus forte qu’à proximité immédiate de celle-ci.

À l’inverse, la quantité d’auxiliaires dans les pommiers à 26 mètres des mélanges fleuris y est deux fois plus faible qu’à proximité de ceux-ci. Ainsi, plus les mélanges fleuris sont situés à proximité des pommiers, plus les auxiliaires y sont nombreux et les pucerons moins abondants.

Pour en savoir plus :
Régulation naturelle du puceron cendré et aménagements agro-écologiques : l’exemple des vergers cidricoles du nord-ouest de la France3, Albert, 2017.