Le poinsettia : l’étoile rouge de Noël

Noëlle Dorion

Poinsettia avec fleurs (jeune) et bractées colorées disposées en étoile - © N. Dorion
Poinsettia avec fleurs (jeune) et bractées colorées disposées en étoile – © N. Dorion
La chapelle de serre des Éts Besnard - © Éts Besnard
La chapelle de serre des Éts Besnard – © Éts Besnard

Les étoiles et les plantes écrivent une histoire commune des plus riches, dont la badiane ou le jasmin étoilé constituent des représentants célèbres. On retrouve également celle des bergers au sommet du sapin de Noël. À la même période, une autre étoile, rouge celle-ci, gagne les intérieurs : le poinsettia. Voici tout ce que vous voulez savoir sur Euphorbia pulcherrima.

Un peu de botanique

Connu de tous sous le nom d’«  étoile de Noël  », le poinsettia ou Euphorbia pulcherrima est un buisson (de 1 à 5 mètres) originaire du Mexique, entre équateur et tropique du Cancer. Dans cette région, la durée du jour varie entre neuf heures, en hiver, et quatorze heures, en été. Le poinsettia y fleurit facilement quand elle atteint douze à douze heures trente (photopériode critique). Ainsi, sous notre climat et sous réserve qu’on lui fournisse la température adéquate (18-24 °C) cette plante de jours courts (cf. encadré) fleurira naturel­lement pour les fêtes de fin d’année.

Son nom «  étoile de Noël  » n’est pas dû à sa fleur. Comme chez d’autres Euphorbiacées, les fleurs sont petites et regroupées dans une inflorescence spécifique appelée cyathe. En revanche, les bractées, feuilles transformées qui entourent la cyathe, se colorent après l’induction florale. Ce sont elles, organisées plus ou moins en étoile et naturellement rouges, qui confèrent à la plante son intérêt horticole et historique.

De la nature à la serre

Euphorbia pulcherrima était connue des Aztèques qui l’utilisaient comme colorant et pour lutter contre la fièvre. C’est après la conquête du Mexique par les Espagnols que cette plante devient, dans ce pays, la fleur de la nuit sainte. Alexander von Humboldt l’introduit en Europe au début du XIXe siècle. Mais c’est grâce à Joel Roberts Poinsett, premier ambassadeur américain au Mexique, que le poinsettia devient, dès le début du XXe  siècle, la plante typique de Noël. Les Nord-Américains en sont les plus gros utilisateurs lors de cette fête, au début sous forme de rameaux coupés puis, depuis les années 1950, sous forme de plantes en pot. Ils ont même instauré une journée nationale du poinsettia, le  12  décembre, en commémoration de la mort de Poinsett.

Le poinsettia compte ses spécialistes

Quatre obtenteurs se partagent la création variétale mondiale de poinsettias. Les Allemands, Selecta et Dümmen, qui a racheté l’Américain Ecke, et les Néerlandais, Syngenta et Beekenkamp. Tous sont aussi fournisseurs de jeunes plants sous forme de boutures enracinées. La sélection porte sur le feuillage, vert clair, foncé et panaché, ou sur les bractées, rouges, plus ou moins fournies, étalées, crispées ou ponctuées, mais aussi roses, jaunes, blanches ou crème. La sélection porte aussi sur les caractéristiques physiologiques avec des variétés de vigueur et de précocité diverses capables de fleurir (induction plus coloration des bractées) dans un délai de cinq semaines et demie à huit semaines. La longévité de la floraison est aussi un caractère recherché car elle s’avère une qualité essentielle pour le consommateur. Il existe actuellement plus de 150 variétés protégées.

La production française de poinsettia, sous serre, compte aussi ses spécialistes. Parmi eux figure Florent Besnard à La Flèche (Sarthe), l’un des tout premiers producteurs français avec 150 000  unités annuelles. La période de commercialisation est très courte. Florent Besnard regrette cette situation : «  Les poinsettias sont livrés dans toute la France entre la fin novembre et le 20  décembre. Il y a encore quelques années, la période de livraison s’étalait du 15  novembre à fin janvier.  » Malgré les efforts de diversification des obtenteurs, le marché reste dominé par les variétés à bractées rouges. On considère que 80 % des poinsettias vendus en France sont rouges. Florent Besnard, quant à lui, produit vingt variétés dont quinze à bractées rouges et, d’après lui, «  ce sont, au final, 99 % de la production de l’entreprise qui sont rouges  ».

Plantes de jours courts et horticulture

Dans la nature, les plantes ont développé des systèmes de perception de la qualité, de la quantité, de la durée et de la direction de la lumière. La perception de la durée du jour s’appelle le photopériodisme. Il joue un rôle fondamental dans la floraison. Ainsi, il existe des plantes dites de jours longs, qui sont induites à fleur quand la durée du jour est supérieure à une valeur spécifique appelée photopériode critique, des plantes de jours courts, qui fleurissent quand la longueur du jour diminue en dessous de la photopériode critique caractéristique de l’espèce, et des plantes «  neutres  » capables de fleurir quelle que soit la durée du jour. En horticulture, les plantes de jours courts sont faciles à programmer. Il suffit en effet, pour les faire fleurir quand les jours sont trop longs, de prolonger la nuit en tirant des rideaux noirs au-dessus des cultures ou, au contraire, quand les jours sont courts, d’éclairer avec des lampes de faible énergie pour créer des jours longs plus favorables à la croissance végétative. C’est ainsi que l’on trouve des fleurs coupées de chrysanthèmes et des potées de Kalanchoé blossfeldiana fleuries tout au long de l’année. En théorie, on pourrait donc aussi programmer le poinsettia pour être produit toute l’année, mais la tradition de Noël s’avère trop forte. 

Poinsettias quelques jours après le pincement - © N. Dorion
Poinsettias quelques jours après le pincement – © N. Dorion
Développement des bourgeons axillaires deux semaines après le pincement - © N. Dorion
Développement des bourgeons axillaires deux semaines après le pincement – © N. Dorion

Établissements horticoles Besnard

Florent Besnard dans une de ses serres de poinsettias - © N. Dorion
Florent Besnard dans une de ses serres de poinsettias – © N. Dorion

Florent Besnard, après un BTS horticole et une licence pro de management, rejoint ses parents à La Flèche (Sarthe) sur l’établissement qu’ils ont créé en 1980. Il prend la tête de l’entreprise en 2016 et emploie huit personnes à temps plein toute l’année. Après plusieurs agrandis-sements, il est actuellement à la tête de 2,5  hectares de serres (verre), dont 80 % sont équipés de tablettes permettant la  subirrigation (type marée haute/marée basse), et de 3  hectares de surface hors sol en plein air, sur lesquels il cultive des plantes à massifs et des plantes fleuries en pots. Ses spécialités sont les poinsettias, les gloxinias, les hortensias, les kalanchoés, les cinéraires et les chrysanthèmes. Mais il propose aussi, en fin d’été, toute une série de petits piments ornementaux. Les véroniques, ainsi que les chrysanthèmes, sont produites à l’extérieur pour la Toussaint. Les autres plantes le sont sous serre. Les plantes à massifs couvrent essentiel-lement des variétés de printemps telles que fuchsias, œillets, calibrachoa, pétunias, verveines, et géraniums (Pelargonium).

Une culture très programmée

La durée totale de la culture s’étend sur vingt semaines, dépendant évidemment des cultivars et de la taille de plante souhaitée. Florent Besnard reçoit donc les boutures enracinées dès la fin juillet pour la production des grosses potées (pots de diamètre 19  cm ou 2   cm avec, respectivement, une et trois plantes par pot). Il réceptionne ensuite, fin août, les jeunes plants qui donneront des potées standard (pots de diamètre 10 à 14  cm avec une bouture par pot).

Le travail peut commencer : il faut planter les boutures dans les contenants adéquats et surveiller leur reprise. Quelques racines blanches à l’extérieur de la motte ainsi que la reprise de croissance de la tige constituent de bonnes indications.

Ensuite, il faut provoquer la ramification, gage de qualité du produit final. C’est l’opération du pincement : manuellement et patiemment, la partie terminale de la plante (bourgeon +  deux petites feuilles) est éliminée deux semaines après la plantation. Après une à deux semaines supplémentaires, 4-5  bourgeons axillaires sont déjà visibles.

La croissance végétative va se poursuivre jusqu’à ce que les jours courts naturels viennent l’interrompre et provoquer l’induction florale. Si la croissance végétative est jugée insuf­fisante et/ou si la variété est précoce, il peut être nécessaire de prolonger le jour par un éclairage d’appoint. Inversement, s’il est nécessaire de réaliser l’induction florale quand les jours sont encore trop longs, Florent Besnard provoque une nuit artificielle de quatorze heures en tirant des rideaux noirs au-dessus des cultures.

Les variétés qu’il produit sont commercialisables entre six semaines et demie et huit semaines après le début des jours courts inductifs.

Pendant toute la durée de la culture (six mois), trois autres points de vigilance pour une production de qualité s’avèrent essentiels : l’arrosage, l’aération et les risques d’étiolement. N’oublions pas que la culture se pratique en automne, période où le déficit d’intensité lumineuse peut être une contrainte.

Le système racinaire du poinsettia ne supporte ni les excès d’eau ni l’eau stagnante. Florent Besnard a choisi un système d’arrosage de type «  marée haute/marée basse  ». Une  solution nutritive est envoyée sur les tablettes pendant une dizaine de minutes, puis elle est évacuée, récupérée, ajustée automatiquement pour le prochain arrosage, ce qui évite le gaspillage. Le séchage des tablettes s’effectue d’autant plus aisément que les plantes sont bien séparées les unes des autres. Ainsi, au cours de la culture, les 150 000  plantes de notre producteur sont distancées manuellement deux fois. Cette opération a aussi pour objectif d’éviter l’étiolement : des plantes trop serrées profitent de moins de lumière, elles s’allongent alors et deviennent fragiles. Il est possible de prévenir cet inconvénient en les traitant avec un régulateur de croissance nanifiant. Mais Florent Besnard a suffisamment d’espace disponible pour distancer correctement ses plantes et se passer de produits chimiques. Enfin, comme on l’a vu, la température constitue un point important : contrôlée par ordinateur elle est maintenue entre 18 et 24 ° C, soit par chauffage sous les tablettes soit par aération des serres.

Diversité des variétés de poinsettias – © N. Dorion

Et si vous vouliez faire refleurir votre poinsettia ?

Si vous souhaitez faire refleurir votre poinsettia, la méthode décrite précédemment doit vous y aider. Le point fondamental s’avère l’arrosage : la motte doit être humide mais sans eau stagnante. Arrosez un peu à la fois et ne laissez pas de soucoupe sous la plante. Éliminez les parties terminales en fin de floraison. Attention, comme beaucoup d’Euphorbiacées, le poinsettia contient un latex qui est modérément toxique par ingestion mais auquel certaines personnes peuvent être allergiques. Au printemps, quand la température extérieure ne descend plus en dessous de 16 ° C, sortez la plante, à l’ombre, pour que le passage de l’intérieur vers l’extérieur ne soit pas trop violent. À l’automne, rentrez-la à l’intérieur, à la lumière du jour mais à l’abri des lumières parasites, et attendez qu’apparaisse sa belle coloration hivernale.

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