Le palmier : Omniprésent dans les arts

Le motif du palmier a occupé une place importante dans le domaine artistique dès l’Antiquité, et l’occupe encore aujourd’hui: peinture, sculpture, architecture, mais aussi mode, religion, littérature. Petit tour dans l’histoire de l’art…

Les palmiers, ces « arbres du Paradis », sont partout depuis l’Antiquité : ils sont cités par Dioscoride et Pline pour leurs nombreuses utilisations (le noyau peut servir à faire de l’encre de Chine…). Leur port majestueux et leur superbe feuillage ont fait décerner aux palmiers, par Linné, le titre de « princes du règne végétal ». De la Mésopotamie à l’Égypte, du Levant à la Grèce, ils constituent un des motifs végétaux le plus souvent représentés dans l’Antiquité, le seul dont l’iconographie peut être identifiée grâce à sa morphologie et à son allure spécifiques.

En dehors de ces zones de culture, chaque civilisation a développé, autour du palmier dattier, un ensemble de significations qui témoignent des convergences et des contacts entre les peuples autant que des spécificités propres à chacune. Il figure déjà dans les sceaux cylindres (quatre millénaires avant J.-C. en Mésopotamie),
grand palmier chargé de dattes, image d’une végétation prospère,
qui se renouvelle chaque année grâce aux dieux. Dans des zones où il n’est pas vraiment cultivé car les dattes n’y atteignent pas la maturité, le motif conserve une place importante. La figuration des régimes de dattes n’y est pas alors systématique, comme en Grèce où le fruit est absent, ce qui correspond à une réalité botanique.

En architecture, la palmette en vedette

La palmette, motif décoratif en forme de feuille de palmier, peut prendre différentes formes. L’Antiquité a produit des types admirables de finesse et de goût, employant des palmettes en moulures, pour décorer les angles des plafonds des corniches doriques, en antéfixes comme amortissement de fronton, ou en acrotères. Le Moyen Âge et la Renaissance continuent d’utiliser les palmettes dans leurs décorations. La palmette triomphe à la période néo-classique et avec le style Empire, en souvenir de l’expédition d’Égypte. Le chapiteau (ou colonne) palmiforme qualifie une colonne à base simple et au fût lisse dont le chapiteau comprend neuf feuilles de palmier ligaturées de l’Égypte antique. C’est une des quatre formes principales de chapiteau que conçoit l’Égypte dès l’Ancien Empire.

Le palmier symbole religieux

Le palmier est resté chargé, jusqu’à nos jours, d’une symbolique religieuse puissante. « Les justes croissent comme le palmier » (Psaumes). Dans la peinture mythologique classique, c’est un signe sacré d’Apollon, qui est né sous un palmier sur l’île de Délos. Les peintures religieuses chrétiennes occidentales adoptent le palmier dans deux récits majeurs de la vie de Jésus : la Fuite en Égypte et son entrée triomphale à Jérusalem. Le dimanche des Rameaux rappelle l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem: « Les gens prirent des branches de palmiers, et allèrent au-devant de lui, en criant: Hosanna ! »

Dans La Sainte Famille au palmier, Raphaël rassemble les trois personnages au centre d’un tondo (N.D.L.R. : peinture sur un support en forme ronde). Le tronc d’un palmier occupe l’espace entre Marie et Jésus. La composition a été minutieusement planifiée, avec l’enfant en son centre, dont le point d’appui est représenté par le palmier, un des signes de son entrée à Jérusalem (et donc symbole de son martyre proche). Les détails botaniques de l’arbre, le stipe du palmier, ses palmes, sont d’une extraordinaire fidélité vu la rareté de cette plante dans l’Italie de l’époque. Le Baptême du Christ de Verrocchio représente Saint Jean-Baptiste donnant le baptême au Christ dans les eaux du Jourdain. Le palmier y évoque à la fois le lieu (la Palestine) et aussi l’avènement du Christ et sa future victoire sur les religions païennes : le christianisme a fait de la palme un symbole de résurrection.

À la fin du XVIIIe siècle, les Occidentaux chargent des artistes chinois et indiens de peindre des spécimens botaniques destinés au public européen. Ainsi, la Compagnie anglaise des Indes orientales contribuera à la naissance d’un groupe de peintres indiens qui réaliseront des planches botaniques où l’on retrouve fréquemment le motif du palmier.

Une fascination pour les artistes du XIXe siècle

House of Hackney
La House of Hackney s’impose en Angleterre comme la maison des imprimés modernes : elle fait fortune avec ses imprimés palmiers © houseofhackney.com

 

Au XIXe siècle, les paysages et la lumière du Sud exercent une fascination sur les artistes. Claude Monet participe au mouvement paysager qui met au goût du jour les palmiers sur la Côte d’Azur. Nocturne, onirique et ténébreuse, la jungle rêvée du Douanier Rousseau, animée de palmes et de grandes feuilles vert et bleu, inspire toujours les artistes et l’univers de la décoration… En 1883, Monet et Renoir visitent le domaine Bordighera sur la Riviera italienne. Monet le qualifie de « paradis sur terre » et en réalise cinq tableaux. Les teintes de bleu et de rose du soleil levant, adoucies par le vert des feuilles de palmiers, créent un très bel effet d’arc-en-ciel marié au palmier Rhapis. On peut citer Gauguin, Matisse, Picasso, Dufy ou Bonnard: tous ont intégré des palmiers dans leurs compositions. Aujourd’hui, la House of Hackney, créée en 2010, s’impose en Angleterre comme la maison des imprimés modernes : elle fait fortune avec ses imprimés palmiers, qui animent papiers peints, tissus d’ameublement, textiles de mode.

Un symbole de pouvoir

Par ordre de Bonaparte, les troupes entrant en Égypte prennent l’attitude d’une armée triomphante : les soldats portent des branches de palmier, emblèmes de la victoire. Se mêlant aux soldats, une troupe de savants débarque sur les côtes égyptiennes. Parmi les membres de l’expédition, Henri-Joseph Redouté (frère de Pierre-Joseph) a laissé les dessins de ce périple. La campagne militaire se double ainsi d’une expédition scientifique que Bonaparte compte inscrire dans la lignée des entreprises menées par Bougainville ou Cook. Il n’y a pas que la campagne d’Égypte à s’emparer du motif: l’honneur illustré par des palmes subsiste aussi dans le terme « Palmes académiques », le plus ancien ordre honorifique de distinctions civiles, mais les palmes sont celles du laurier et de l’olivier, pas celles du palmier… En revanche, la Palme d’or, récompense suprême décernée par le jury officiel du Festival de Cannes, reprend le motif de la palme, tiré des armes de la ville de Cannes.

Le palmier et la femme

Dans l’ensemble des civilisations, le palmier est de façon récurrente associé à la femme, soit dans une véritable assimilation, soit dans une démarche anthropomorphique. Les particularités organiques et morphologiques du palmier sont à l’origine de cette association: le caractère dioïque du palmier (les fleurs mâles et les fleurs femelles sont sur des pieds séparés) et les techniques de fécondation artificielle qui lui sont appliquées suggèrent un fort anthropomorphisme. L’esthétique des représentations du palmier a contribué à donner à cette plante une personnalité féminine : le corps de la femme est, dans l’image, comparé au stipe de la plante, son allure et son élégance sont comparées à la verticalité et à l’élan du palmier: « … tu es élancée comme le palmier… » (Cantique des cantiques).

Dernier avatar du motif du palmier: le tatouage, où il symbolise victoire, prospérité, richesse – et pas seulement les vacances et le farniente ! Porter ce motif représente le triomphe sur la mort: le tatouage palmier est le symbole de la victoire et de la vie.

Elisabeth Vitou
Présidente de la section Beaux arts de la SNHF