Le New Kreüterbuch de Fuchs : Une pièce majeure de l’illustration botanique

Précurseur, tant dans la culture que dans la description des plantes ou encore par son approche à la fois encyclopédique et vouée à instruire le plus grand nombre, Leonhart Fuchs, avec son New Kreüterbuch (« Le Nouvel Herbier »), est un personnage marquant de l’histoire de la botanique.

 

Une période d’effervescence pour la botanique

L’étude de la botanique connaît une nouvelle dynamique aux XVe et XVIe siècles après une période de latence au Moyen Âge. Elle remonte à l’Antiquité avec des penseurs, largement cités par Fuchs et ses contemporains, tels Aristote, Théophraste, Dioscoride, Pline, Galien, etc. Avec l’humanisme, « savoir livresque et savoir pratique, observation de terrain vont alors de pair et sont indissociables (*1) ». La botanique est dorénavant enseignée à l’université indépendamment de la médecine. Les jardins botaniques ajoutent un volet d’expérimentation à la recherche appuyée sur les écrits. L’arrivée de l’imprimerie permet aussi de réaliser l’un des vœux des humanistes, une plus vaste diffusion des savoirs, voire leur vulgarisation. La Renaissance voit aussi la redécouverte des textes antiques, qui sont réédités et commentés. Les descriptions privilégient les plantes médicinales, les botanistes étant pour la grande majorité des médecins. Leonhart Fuchs, médecin et botaniste, est l’un des fers de lance de ce renouveau.

Une ambition encyclopédique

Fuchs naît en 1501 à Wemding, en Bavière, et obtient son doctorat en médecine en 1524, puis exerce pendant deux ans à Munich. Il se voit ensuite proposer la chaire de médecine à l’université d’Ingolstadt. Son premier traité sur les plantes (Novi herbarii), en collaboration avec Brunfels, paraît en 1531. Appelé à l’université de Tübingen en 1535, on lui confie la chaire de médecine, ce qui lui permet de participer à la réforme dans l’esprit humaniste. Il se tourne de plus en plus vers l’étude pharmacologique des plantes et préconise une amélioration de l’étude de la botanique en invitant les étudiants à observer les plantes dans leur milieu naturel. Pour lui, « il y a autant de plaisir et de jouissance dans l’apprentissage que dans l’observation (*2) ».

Il inclut ainsi des excursions botaniques dans son cursus et illustre ses cours par des schémas et des échantillons de plantes. Il publie sa première œuvre, De Historia Stirpium, en 1542 à destination des universitaires. Elle compte 900 pages et 511 illustrations. Son souhait est de rassembler toutes les espèces végétales qu’il a recueillies en plus de commenter les œuvres d’auteurs antiques.

Comme le précise Klaus Dobat dans la préface de la réédition du New Kreüterbuch (*3), Fuchs réussit avec cet ouvrage, qui paraît en 1543, comme dans le De Historia, à faire la synthèse entre le savoir des médecins grecs concernant les vertus thérapeutiques des plantes et ses propres observations, ce qui l’amène à donner une vue très étendue (et inégalée pour l’époque) de l’organisme végétal. De plus, il fournit dans cette œuvre une large sélection d’espèces végétales : 500 plantes sont ainsi représentées, dont 400 sont des plantes sauvages de la flore européenne, le reste, nommé « plantes cultivées », est originaire de pays étrangers.

Une bonne partie des plantes sont décrites ou représentées pour la première fois. La découverte de ces espèces provient de ses excursions à Tübingen ainsi que de ses voyages. On trouve également les premières illustrations des grandes plantes de l’économie mondiale telles que le poivron, le maïs, etc., mais également des raretés originaires d’Asie et d’Afrique, comme l’Impatiens balsamina que Fuchs a fait pousser dans le jardin des Béguines à Tübingen, qu’il a utilisé à des fins scientifiques.

Rigueur scientifique et accessibilité de la connaissance au plus grand nombre

Cette familiarité issue de l’observation directe se révèle dans la manière dont il décrit les plantes. Ce sont ainsi le développement des végétaux avec l’éclosion des fleurs et la maturité des fruits, le lieu de croissance et l’habitat qui sont mentionnés et détaillés de manière minutieuse.

Il publie en allemand et non en latin, cherchant par là même à toucher un large public et plus seulement des universitaires. Il inclut les conditions de culture des plantes médicinales afin que tout un chacun puisse les cultiver. Le classement demeure alphabétique selon le nom grec des plantes mais il y adjoint les noms communs. Fuchs structure le plus souvent ses descriptions en sept paragraphes : « nom », « genres », « forme », « lieu de croissance », « temps », « nature et complexion » et « puissance et effet ».

La qualité de cet ouvrage réside également dans les illustrations, fruit du travail de trois artistes : Albrecht Meyer, Heinrich Füllmaurer et Veyt Rudolff Speckle. Fuchs les valorise d’ailleurs en publiant leur portrait gravé en fin d’ouvrage. Il guide les artistes, notamment concernant les plantes sauvages pour lesquelles il est le seul à connaître les périodes de floraison et de fructification. Le New Kreüterbuch paraît en deux éditions : l’une en noir et blanc, l’autre de luxe avec les gravures coloriées, comme il est d’usage à cette époque et compte tenu du coût de ces éditions.

Dans la dernière partie de sa vie, Fuchs entreprend de publier la suite de son histoire des plantes. Cette œuvre ne sera malheureusement jamais éditée. Son manuscrit compte 1 500 illustrations et est conservé à la Bibliothèque nationale  utrichienne. L’ensemble de son œuvre fait de Fuchs l’un des pères de la botanique allemande.

 

Smaël Boudia, Emmanuelle Royon
Responsables de la bibliothèque de la SNHF

 

(*1) Ariane Lepilliet. Le De Historia Stirpium de Leonhart Fuchs : histoire d’un succès éditorial (1542-1560). Mémoire de Master CEI. Lyon : ENSSIB, juin 2012, p. 19
(*2) Ibid. p. 19
(*3) La bibliothèque de la SNHF possède l’édition 2001 de Taschen.