Le kiwi : un fruit qui donne la pêche au Sud-Ouest

« Malgré une apparence ingrate, le kiwi bénéficie d’une bonne réputation », indique François Lafitte, un des acteurs majeurs du développement de la production de ce fruit en France. Voici l’histoire du parcours vitaminé de cette plante, depuis la Nouvelle-Zélande jusque dans le Sud-Ouest, et de l’organisation des professionnels qui a permis son développement sur le marché français et à l’international.

Verger de kiwis jaunes Oscar © Art Sensible

Les actinidias constituent une grande famille botanique », indique François Lafitte. De la famille des Actinidiaceae, Actinidia deliciosa (peau duveteuse) est l’espèce de kiwi la plus réputée, avec Actinidia arguta, le kiwaï (petit et à peau lisse). Le kiwi est connu depuis le début du XXe siècle, en France et en Europe, notamment au Jardin des Plantes de Paris, où un spécimen frôle les cent ans. « D’abord connu comme une drôle de plante poussant comme une liane, le kiwi fut introduit en France comme production fruitière dans les années 1970-1971 », ajoute François Lafitte. Deux ingénieurs agro, Henri Soyez et Henri Pédeluc, en importèrent de Nouvelle-Zélande, où des pépiniéristes avaient amélioré cette plante, originaire de Chine, pour en faire des variétés fruitières. « J’étais curieux de voir le développement de ce fruit par mon voisin Henri Pédeluc qui avait planté, en 1965, un verger spécifique. » Celui-ci a, d’ailleurs, été le fondateur dela Sikig, société de production et de mise en marché du kiwi. Dépassant le stade de simple curiosité, le kiwi se développe dans les années 1970-1974 comme production fruitière dans plusieurs régions : la Corse, le Sud-Est, les vallées des Gaves et de l’Adour, le sud des Landes.

Selon François Lafitte, le kiwi français bénéficie d’une image positive © Art Sensible

Création de la SCAAP Kiwifruits de France

En 1979, à l’âge de vingt ans, François Lafitte plante son premier verger personnel sur l’exploitation familiale alors qu’il n’a pas encore fini ses études d’ingénieur agricole à l’école Purpan de Toulouse. Par la suite, il agrandit le domaine en acquérant d’autres terres. Pour se former à la production de kiwis, au niveau des techniques de production et de commercialisation, il effectue des stages à l’étranger: en Californie (Université de Davis), en Nouvelle-Zélande…

Après une période de réflexion pour organiser la production et la commercialisation, il crée en 1982, avec Guy Poylecot et des producteurs de sa région, la coopérative SCAAP Kiwifruits de France*.

Oscar, un kiwi estampillé « Label France » © Art Sensible

Un potentiel régional

« À l’époque, nous avions besoin de la maîtrise technique. Nous éprouvions aussi des incertitudes, comme savoir si notre climat était propice », précise François Lafitte, qui subodorait que la région de l’Adour offrait un certain potentiel pour la production de ce fruit, dont une terre fertile. « Nous avons subi quelques incidents climatiques comme le gel, mais nous avons appris au fil des années à nous en prémunir. Et c’est par tâtonnements et progressivement que les techniques culturales ont été mises au point. »

Un deuxième problème s’avérait le challenge de la commercialisation du kiwi. « Nous étions une vingtaine de producteurs à chercher des débouchés. Le marché français était loin d’être conquis. Il existait une bonne dynamique en Allemagne, seul pays européen où la consommation de kiwis était développée. Dans les années 1980, ce pays était notre unique débouché et nous leur vendions notre production, qui s’élevait à environ 60 tonnes. »

 

Naissance d’une dynamique

Le développement de la production de kiwis a pris de l’ampleur en 1982, après un accord avec le grossiste Pomona et la création de la marque commerciale Oscar. « Cela nous a permis de conquérir le marché français en commercialisant le kiwi dans différentes villes françaises. De vingt producteurs au départ, notre groupe a atteint environ soixante membres dans les années 1990. »

Mais les producteurs français rencontrent des difficultés, confrontés à la concurrence de l’Italie qui avait beaucoup développé sa production, notamment grâce à des aides de l’État italien. « Cela a entraîné une saturation de ce marché “exotique” et pas encore reconnu comme un produit de consommation courante. » À cela s’ajoutait une dévaluation de la lire italienne, ce qui a rendu encore plus compétitifs les produits transalpins. « Nous avons alors entamé plusieurs actions syndicales et revendications avec les distributeurs ainsi que des actions de promotion auprès des consommateurs. » En cette période difficile, plusieurs entreprises ont dû déposer le bilan.

Avec leur organisation, comme le Bureau interprofessionnel du kiwi, les professionnels ont pu imposer le produit français, valorisé par l’obtention de la certification « Origine France ». La région a également obtenu son IGP Kiwi de l’Adour. Les producteurs français ont pu ainsi justifier la pratique de meilleurs prix. « La période était complexe mais a constitué une charnière dans notre parcours grâce à notre coordination, sinon les productions seraient restées une curiosité sans atteindre de dimension commerciale. »

La récolte dans un verger de kiwis jaunes © Art Sensible

Un développement freiné par la maladie

Les années 2000 voient le développement des plantations, avec de nouveaux producteurs, des regroupements de coopératives permettant une nette amélioration de la commercialisation à l’étranger (Espagne, Asie, Chine, Vietnam, Taïwan, Singapour, Malaisie… et même Australie !). Le haut de gamme, la qualité et la notoriété ont permis le développement des débouchés pour arriver aujourd’hui à une production s’élevant entre 45 000 et 50 000 tonnes.

Les années 2010 abordent une phase plus complexe, avec des problèmes techniques de production dus, en particulier, à l’apparition de la bactériose du kiwi (Pseudomonas syringae pv. actinidiae). « Nous avions développé des variétés nouvelles comme la Gold, qui s’est avérée être un foyer d’infection. Nous avons dû en arracher une bonne partie avant de reconstituer les vergers. »

La profession se mobilise pour trouver des solutions de lutte. Il en existait en Nouvelle-Zélande mais avec l’utilisation de produits non homologués en Europe. La méthode a été de recenser les variétés de pieds mâles porteurs de la maladie, qu’ils diffusent, et de sélectionner des pieds sains résistants. La protection par le cuivre a été préconisée à titre préventif. « Nous sommes capables de vivre avec cette maladie si nous veillons à la prévention. »

Un avenir prometteur

« Le kiwi n’est qu’une petite espèce fruitière, ce qui explique qu’il n’y ait pas de grands programmes de recherche », déplore François Lafitte. Il y a eu cependant des travaux menés en collaboration avec l’Inra et au niveau européen. Avec le CTIFL, des recherches ont été conduites, notamment au sujet de la conservation du fruit. Un résultat de ces travaux est l’exemple de la variété Hayward « la plus connue, la plus productive, la plus qualitative, avec des qualités de conservation ». Des variétés nouvelles ont été développées, comme le kiwaï (Actinidia arguta) ou le Nergi (cf. encadré page précédente).

« En termes de prospective, l’avenir du kiwi français semble prometteur. Nous avons su organiser une gestion de la qualité, avec une économie de produits phytos. La plante est relativement résistante aux maladies. Le kiwi français bénéficie d’une image positive, surtout dans un contexte de diminution des produits phytosanitaires. Il est bien placé dans les cultures vertueuses », conclut François Lafitte qui a omis d’évoquer sa passion pour le rugby. Mais n’y aurait-il pas un rapport entre le kiwi et le ballon, comme leur ovalité ?

 

Jean-François Coffin
Journaliste et membre du Comité de rédaction de Jardins de France

 

* Outre la présidence de la SCAAP Kiwifruits de France, François Lafitte est également président de Primland, entreprise en charge de la commercialisation des kiwis, administrateur du BIK (Bureau interprofessionnel du Kiwi), président d’Interfel, et, depuis peu, de la Chambre de commerce et d’industrie des Landes. Il copréside également le club de rugby de Peyrehorade (Landes).

 

À LIRE

Le kiwi (Actinidia sp.) : origine, biologie florale et diversification variétale, Yves Lespinasse, Jardins de France n° 635

UN PETIT NOUVEAU: LE NERGI

Espèce fruitière voisine du kiwi, l’Actinidia cordata, dont le nom commercial est Nergi, est issu de la recherche du Plant and Food Research (Nouvelle-Zélande). La SCAAP Kiwifruits de France s’est associée à ce programme pour son développement en Europe. La variété « Hot Gem », qui en est issue, est introduite depuis 2009, après un accord signé en 2005 avec la Nouvelle-Zélande. D’abord cultivée en pépinière en 2010, la première plantation en verger a été réalisée en 2011. Le Nergi est un fruit de petite taille, récolté de septembre à novembre, très apprécié par les consommateurs, notamment ceux des pays du nord de l’Europe.

La SCAAP Kiwifruits de France a beaucoup investi pour sa production et sa promotion. Outre la France, elle a créé des vergers en Espagne, au Portugal et même en Italie.

www.scaap.fr