Le jardin d'ornement : chaque plante à sa place !

Gilles Galopin

Notre jardin se compose d’organismes vivants qui évoluent dans le temps vers un espace équilibré et pérenne. Lors de sa réalisation, le jardinier doit prendre en considération l’ensemble de ses composantes dans leur globalité et leur dynamique. Le bon choix de plantes en fait partie mais ne suffit pas pour autant à créer le petit monde du jardin…

Comment bien réussir l’alchimie entre l’homme, les plantes et leur environnement ? Le choix de chaque élément au jardin, dont celui des végétaux, ne peut être raisonné que dans une cohérence globale. La plante présente une grande capacité d’adaptation. Son immobilité apparente ne lui laisse souvent que deux choix : s’adapter ou mourir. S’adapter dans sa phase d’installation et s’adapter tout au long de sa vie, car les deux facteurs avec lesquels elle va composer, l’environnement et l’homme, restent en constant mouvement.

 

« En vert », malgré tout

Privés ou publics, les diff érents espaces paysagers sont classés, selon la Fédération Française du Paysage, en 24 types d’aménagements dont les fondements sont liés à l’usage, à la localisation dans le paysage urbain, périurbain ou rural, aux dimensions et à la nature de l’espace, plus ou moins artifi cialisé. Les tendances sociétales ouvrent la place aux espaces avec une gestion plus respectueuse de l’environnement mais également avec des fonctionnalités alimentaires et de bien-être plus affichées, dans une urbanisation croissante qui concentre près de 80 % de la population française en milieu urbain. On distingue deux types d’espaces dans lesquels la part du végétal peut varier de moins de 25 % à 100 %, avec bien sûr tous les intermédiaires possible : un espace naturel dans lequel les choix d’aménagement respecteront au mieux l’équilibre écologique initial ; un espace très artifi cialisé où tous les choix réalisés devront être raisonnés pour construire un nouvel écosystème.

 

Le rôle du jardinier

À la fois décideur et utilisateur, l’homme est la première composante à prendre en compte dans la conception du jardin et dans le choix des végétaux. Il intervient par ses choix (type d’espace et végétaux plantés) et par ses actes. Parmi ceux-ci, la plantation, qui conditionnera l’espace et la qualité de l’environnement racinaire de la plante pendant toute sa durée de vie. Mais également la taille qui peut être nécessaire pour maintenir la plante dans un volume constant ou pour mettre en valeur certaines de ses propriétés ornementales (floraison, couleur du bois par exemple). Le savoir-faire du jardinier est donc important, il doit prendre le temps d’observer la plante pour connaître ses besoins et ses modes de développement. Plus le milieu sera artifi cialisé, plus la plante sera dans une situation fragilisante et plus l’intervention du jardinier sera déterminante.

Le choix de la plante portera également sur sa forme, qui pour chaque espèce ou cultivar sera définie par une hauteur et une largeur données à l'âge adulte compris entre 15 et 30 ans.

 


L’environnement naturel ou artificiel

Un cadre de vie naturel présente un équilibre biologique mesurable par la flore et la faune spontanée. Les propriétés climatiques et édaphiques sont déterminantes pour le choix des plantes. Les catalogues des pépiniéristes proposent aujourd’hui les végétaux de milieux acides ou basiques, les plantes d’ombre ou de soleil, de sol sec ou humide, ou encore adaptées aux différentes températures hivernales. En milieu artificialisé, la composition du substrat peut être défi nie en fonction des exigences des végétaux souhaités. Cependant, la reconstitution d’un sol présente souvent deux contraintes : une activité microbienne pauvre qui peut pénaliser l’assimilabilité des éléments minéraux par la plante et donc une réduction de croissance et l’apparition de chloroses ; un volume réduit, qui lorsqu’il est totalement étanche, provoque une réduction du volume racinaire, une gestion difficile de la disponibilité en eau et un vieillissement accéléré de la plante. Quant à l’environnement aérien, fortement minéral en milieu urbain, il peut provoquer des élévations de température et une diminution de l’humidité de l’air qui conduisent souvent à des défi cits hydriques et des brûlures du feuillage. Un environnement artificialisé peut provoquer des réactions physiologiques inhabituelles telles qu’un décalage de la période de floraison ou la chute des feuilles en été.

Le bon choix des plantes

Question fondamentale pour le jardinier, le choix des plantes ne présente pas une réponse unique. Dans la grande diversité botanique que nous offre le monde végétal, les choix sont multiples mais doivent respecter les attentes du jardinier d’un point de vue ornemental, ainsi que l’adéquation agronomique de la plante avec l’espace de vie dans lequel elle va évoluer. Danstous les cas, les connaissances des caractéristiques du milieu d’origine de la plante sont essentielles pour nousrenseigner sur ses préférences édaphiques et climatiques, critères prédominants du choix. Si nous prenons l’exemple d’Hydrangea macrophylla (Saxifragacées), hortensia originaire des forêts humides japonaises, nous privilégierons la plantation dans des situations présentant une humidité relative forte, c'est-à-dire sous un couvert végétal, ou proche d’une source d’humidité avec un sol humifère.
Le choix de la plante portera également sur sa forme, qui pour chaque espèce ou cultivar, sera définie par une hauteur et une largeur données à l’âge adulte compris entre 15 et 30 ans. Cette forme devra donc être compatible avec l’espace disponible sans exercer un eff et envahissant non contrôlé sur les plantes ou les infrastructures voisines. Cette forme naturelle peut être modifi ée par des environnements contraignants. C’est le cas de Thuja occidentalis (Cupressacées), originaire de l'Est de l'Amérique du Nord et adapté aux sols riches et humides; et à une humidité atmosphérique élevée. Cette espèce peut exister sous forme d'arbre à tronc unique en lisière, d'arbre multi-troncs en milieu complètement ouvert, ou de buissons en sous-bois fermé (Edelin, 2008).
La forme peut également être modifiée par la taille dont la conséquence est d’autant plus importante que la plante présente une ramifi cation monopodiale[1]. Chez un arbre tel que lagestroemia indica (Lytracées), une taille précoce peut conduire défi nitivement à un port arbustif.

 

Floraisons, écorces, feuillages…

Le choix de la plante portera également sur sa floraison qui peut être évaluée par sa couleur, sa densité et sa période dans des conditions naturelles. La densité peut être modifi ée par le jardinier s’il peut identifier les axes florifères et favoriser leur expression par la taille. Si elle est correctement effectuée, elle ne doit pas traumatiser la plante ou l’affaiblir mais stimuler et anticiper ses processus de développement naturels.
La période de floraison peut être étalée chez les plantes à fl oraison estivale par un étalement de la date de taille au printemps, technique couramment appliquée chez Hydrangea paniculata (Saxifragacées) ou Potentilla fruticosa (Rosacées). La période de floraison peut être avancée chez Ribes sanguinea (Saxifragacées) et Forsythia x intermedia (Oléacées), plantes à floraison printanière et à faible dormance, lorsqu’elles sont mises dans des situations protégées ou abritées.
Enfin, le choix de la plante peut être déterminé par la couleur de son bois ou la panachure de ses feuilles. Pour ses critères, le jardinier peut également intervenir, en taillant et rajeunissant les rameaux de Cornus sanguinea ‘Mid Winter Fire’ (Cornacées) pour augmenter l’intensité et la brillance de ses bois ou en plantant Salix integra ‘ Hakuro Nishiki ’ (Salicacées) en situation ensoleillée pour augmenter la panachure de son feuillage.

Conditions optimales de culture…

Ces différents exemples montrent que la plante a une grande capacité d’adaptation. Cependant, plus on s’éloigne des conditions de son milieu d’origine, plus elle est fragilisée et sensible à desn déséquilibres minéraux, à des maladies ou à des accidents climatiques. Ainsi, les solutions qui visent à un développement optimal de la plante avec un minimum d’interventions et un maximum de garanties nous incitent à choisir des plantes endémiques ou au moins issues de conditions pédoclimatiques proches du lieu de plantation. L’introduction de plantes plus exotiques demande un savoir-faire plus important qui peut constituer un défi pour le jardinier.
La recherche de plantes originales ou innovantes reste un objectif de la filière horticole, mais l’évaluation préalable du comportement de végétaux dans diff érentes conditions pédoclimatiques est nécessaire pour accompagner leur vente et apporter les conseils d’entretien nécessaires pour satisfaire les jardiniers (Bertrand et al., 2007).

 

Savoir plus
  • Bertrand H., Galopin G., Laffaire M., Relion D., 2007. Evaluation de la qualité ornementale d’une collection d’Hydrangea paniculata Sieb. Euro-Trials 2006 – 2007. Astredhor Edition, Paris, (CD-ROM).
  • Edelin C., 2008. Plasticité architecturale de Thuja occidentalis L. Colloque du Groupe d’Étude de l’Arbre, Montpellier, 2-3 octobre 2008.

 


[1] Ramification monopodiale : mode de ramification latérale dans laquelle les rameaux latéraux se développent sans qu'il y ait arrêt définitif du fonctionnement du méristème de la tige principale.