Le cytinet : une plante endoparasite des cistes

David Busti

En vous promenant au printemps en région méditerranéenne dans une garrigue dominée par les cistes (cistaie), avez-vous déjà pensé à rechercher à leur pied la floraison discrète d’une petite plante à fleurs jaunes ? Les racines des cistes sont, en effet, assez fréquemment parasitées par une plante qui n’apparaît hors du sol qu’au moment de sa floraison : le cytinet ou cytinelle (Cytinus hypocistis subsp. hypocistis).

Rencontre avec cet endoparasite couleur de soleil.

Garrigue à cistes à fleurs blanches sur l’île de Porquerolles. Cette garrigue se développe sur sols siliceux méditerranéens soumis à des incendies
fréquents. Elle est dominée par le Ciste de Montpellier et le Ciste à feuilles de sauge, deux espèces pyrophytes dont la germination est favorisée
par le passage d’un feu. À l’arrière-plan, une pinède d’Alep. (Île de Porquerolles, Var, mai 2003 – © David Busti)

Le cytinet est une plante endoparasite qui vit entièrement à l’intérieur des tissus de la plante hôte, sauf au moment de la floraison où elle laisse paraître hors de celle-ci une tige courte à feuilles écailleuses et des inflorescences, ce qui assure sa dispersion. La tige naît sur les racines de la plante hôte ou, bien souvent, à proximité de son collet, ce qui fait du cytinet un parasite épirhize. En outre, le cytinet est une plante holoparasite : il prélève eau, sels minéraux et molécules organiques de l’hôte et, étant dépourvu de chlorophylle, il n’est pas capable d’assurer sa propre photosynthèse (la tige porte des feuilles réduites à des écailles).

Le cytinet se rencontre dans les cistaies se développant sur substrat siliceux et dominées par deux espèces de cistes à fleurs blanches : le Ciste de Montpellier (Cistus monspeliensis), à feuilles allongées et collantes, et le Ciste à feuilles de sauge (Cistus salviaefolius), à feuilles ovales.

En France, il existe deux sous-espèces de cytinet, l’une parasitant les cistes à fleurs blanches, Cytinus hypocistis subsp. hypocistis, à fleurs jaunes et à écailles foliaires brunes, l’autre parasitant les cistes à fleurs roses, Cytinus hypocistis subsp. clusii = Cytinus ruber (Cytinet de l’Écluse = Cytinet rouge), à fleurs blanches et écailles foliaires rouges. Contrairement au cytinet, le Cytinet rouge se rencontre dans les cistaies se développant sur substrat calcaire ou marneux, et dominées par une espèce de ciste à fleurs roses : le Ciste blanchâtre ou Ciste cotonneux (Cistus albidus), reconnaissable grâce à ses feuilles ovales, blanchâtres et veloutées.

Fleur de Ciste blanchâtre. Le Ciste blanchâtre ou Ciste cotonneux (Cistus albidus) est une espèce de ciste à fleurs roses. Ses rameaux sont blanchâtres et veloutés. Il domine des garrigues à cistes sur substrats marneux ou calcaires. (Collines de Nice, Alpes-Maritimes -© David Busti)
Cytinet parasitant une racine de ciste à fleurs blanches. Le cytinet (Cytinus hypocistis subsp. hypocistis) se reconnaît à ses fleurs jaunes et à ses feuilles en écailles foliaires brun orangé. (Île de Porquerolles, Var, mai 2003 – © David Busti)
Cytinet parasitant le collet d’un ciste à fleurs blanches. Le cytinet n’est détectable qu’au printemps, lorsque la tige florifère émerge de la plante hôte. (Île de Porquerolles, Var, mai 2003 – © David Busti)
Cytinet rouge parasitant une racine de ciste à fleurs roses. Le Cytinet de l’Écluse, ou Cytinet rouge (Cytinus hypocistis subsp. clusii = Cytinus ruber), se reconnaît à ses fleurs blanches et à ses feuilles en écailles rouges – © Fabien Tomatis

POUR EN SAVOIR PLUS :

Ozenda & Capdepon, L’appareil haustorial des phanérogames parasites, Revue générale de botanique, 1979

LE CYTINET, SEUL REPRÉSENTANT EN FRANCE D'UNE FAMILLE DE PLANTES TROPICALES

Le cytinet est la seule plante endoparasite de la flore française, et même européenne. Il appartient à la famille des Rafflésiacées, une famille d’endoparasites qui comprend pour l’essentiel des espèces tropicales parmi lesquelles la remarquable Rafflésie d’Arnold (Rafflesia arnoldii) qui fleurit dans les forêts primaires de Sumatra. Sa fleur peut atteindre un mètre de diamètre et 10 kg, ce qui en fait la plus grande (vraie) fleur au monde ! La Rafflésie d’Arnold parasite une liane proche de la vigne (liane du genre Tetrastigma de la famille des Vitacées) : un peu avant sa floraison apparaît au ras du sol sur la tige de la liane une énorme excroissance sphérique (« tumeur ») de la taille d’un ballon de basket, qui finit par s’épanouir pour donner une fleur. La fleur, à odeur fétide, attire des mouches qui la pollinisent. Bien qu’énorme, sa durée de vie s’avère brève (quelques jours), ce qui explique qu’elle soit passée longtemps inaperçue !

Rafflésie d’Arnold parasitant une liane dans une forêt primaire de Sumatra. Tout comme le cytinet, la Rafflésie d’Arnold (Rafflesia arnoldii) est une plante endoparasite. Sa floraison est très éphémère. © PIXATERRA Adobe Stock