Le biocontrôle : un petit pas pour le jardinier, un grand pas pour sa santé?
Depuis 2019, l’utilisation des pesticides de synthèse par les jardiniers amateurs est interdite. Des solutions alternatives, comme le biocontrôle, existent et ont montré leurs effets positifs sur la santé et l’environnement. Le biocontrôle nécessite cependant une certaine maîtrise. Découvrons ces méthodes de protection des végétaux dont l’usage se développe.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation des pesticides de synthèse s’est démocratisée auprès des jardiniers amateurs. Du fait de leur faible coût et de leur effet immédiat, ils ont changé les pratiques des jardiniers. Il a fallu plusieurs dizaines d’années pour constater leur effet néfaste sur la santé et l’environnement (faune et flore). Mésusages et surdosages sont à l’origine de cet effet néfaste. Cette prise de conscience collective a conduit à la mise en place de différents plans d’action pour réduire l’utilisation des pesticides en France qui se sont concrétisés, pour les jardiniers amateurs, en 2019, par l’interdiction d’utiliser des pesticides de synthèse. Désormais les différents produits autorisés présentent une très faible toxicité aussi bien pendant l’application que lors de la consommation des fruits et légumes récoltés. C’est le cas des produits de biocontrôle, des produits labélisés Agriculture biologique ou des produits à faible risque. En revanche, ces produits nécessitent une nouvelle approche de la part des jardiniers.
Qu’est-ce que le biocontrôle ?
Le biocontrôle représente un ensemble de méthodes de protection des végétaux qui s’inspirent des interactions entre les espèces animales ou végétales dans un milieu naturel. Ils sont regroupés en quatre catégories : les macro-organismes (insectes, araignées, acariens, petits mammifères), les micro-organismes (bactérie, virus, champignons), les médiateurs chimiques (phéromones), les substances naturelles d’origine animale, végétale ou minérale. Alors qu’auparavant le jardinier disposait d’un pesticide de synthèse répondant à un problème, l’efficacité des produits de biocontrôle n’est obtenue que s’ils font l’objet d’une stratégie d’ensemble, intégrant les pratiques culturales, la diversification des cultures, la qualité des sols, les choix variétaux et l’observation des végétaux. Lors de l’application, le jardinier doit prendre en compte le seuil de nuisibilité et la temporalité d’utilisation du produit, fondée sur le stade de développement du ravageur.
Le jardinage sans pesticide au bénéfice de la santé du jardinier
Les produits de biocontrôle sont peu nocifs pour la santé et pour l’environnement. Des indicateurs permettent de valider cet argument.
• L’autorisation de mise sur le marché (AMM): à l’exception des macro-organismes, les produits de biocontrôle sont soumis à une AMM qui garantit une innocuité pour l’utilisateur, le consommateur, la faune et la flore ;
• La mention danger: c’est une phrase qui décrit la nature et le degré de dangerosité d’une substance. La plupart des produits de biocontrôle ne portent pas cette mention;
• La limite maximale de résidus (LMR): après l’application d’un pesticide, les substances qui le composent peuvent se retrouver dans les aliments. Ce sont des résidus. Les pesticides de synthèse sont affectés d’une LMR. Les substances à très faible impact sur l’environnement et la santé humaine n’ont pas de LMR. Ainsi, 62 % des substances qui composent les produits de biocontrôle, ne possèdent pas de LMR contre seulement 1 % des pesticides chimiques (annexe IV règlement CE n° 396/2005). Les fruits et légumes cultivés avec des substances sans LMR sont plus sains et plus respectueux de l’environnement.
Les produits de biocontrôle sont donc bénéfiques pour la santé de l’applicateur, du consommateur mais aussi des personnes profitant du jardin, comme les enfants. L’arrêt des pesticides agit également sur la santé psychique. Le changement d’approche du jardinage se traduit par une observation régulière des plantes dans leur milieu pour une meilleure compréhension du vivant. Ce temps d’observation peut être un véritable moment d’apaisement face au stress de la vie moderne.
À cela s’ajoutent les aspects environnementaux. En moyenne, après pulvérisation, un insecticide chimique se dégrade en 39 jours tandis qu’un insecticide d’origine biologique se dégrade en six jours (Deravel, Krier et Jacques, 2014). Les risques de toxicité à l’égard de l’environnement sont par conséquent réduits.
La lutte contre les pucerons, un exemple concret de l’application du biocontrôle
Au printemps, vous observez des pucerons sur vos plantes. La colonie devient de plus en plus envahissante, vous décidez d’agir. Avant 2019, vous auriez pulvérisé un insecticide chimique. Aujourd’hui, l’approche est différente. Avant toute application d’un produit de biocontrôle, il est important d’observer ce qui se passe autour de vos plantes. Il existe de nombreux ennemis des pucerons (larves de coccinelle, de chrysopes, coccinelles adultes…) présents naturellement dans votre jardin (En haut). Pour les favoriser, il est important que votre jardin soit riche en biodiversité végétale qui apportera nourriture et refuge à ces insectes. En observant vos plantes, vous distinguerez des indices de la présence des insectes ennemis des pucerons, comme des momies. Ce sont des pucerons morts parasités par une petite guêpe qui a pondu dans leur corps (Ci-dessus). Si vous n’observez pas la présence d’insectes auxiliaires et que le seuil de nuisibilité des pucerons est important, vous pouvez utiliser en dernier recours un produit de biocontrôle à base de pyrèthre. Ce produit d’origine naturelle est un insecticide non sélectif agissant sur tous les insectes, c’est pourquoi il est important de retarder son utilisation. Ces produits peuvent cependant présenter des risques en cas de mésusage, concernant notamment la dose et la fréquence d’utilisation.
Focus sur la bouillie bordelaise, une substance autorisée au jardin et en agriculture biologique
La bouillie bordelaise est une solution à base de sulfate de cuivre et de chaux qui se présente sous forme de poudre à diluer et à pulvériser sur les plantes. Ce produit dispose d’une AMM en agriculture biologique et est autorisé au jardin. Efficace pour lutter contre les champignons, il est souvent surdosé et utilisé de manière inappropriée. En effet, le cuivre qu’il contient s’accumule dans les sols et nuit à la vie du jardin du fait de sa toxicité. Il est donc essentiel de l’appliquer avec précaution et seulement si nécessaire. Des alternatives existent en lutte préventive avec le Bacillus subtilis, une bactérie qui stimule les défenses des plantes contre certains champignons, ou avec une substance de base comme le bicarbonate de soude en solution curative. Les produits de biocontrôle, lorsqu’ils sont bien utilisés, représentent une bonne alternative à la dangerosité des pesticides de synthèse utilisés avant la réglementation de 2019. Ces produits présentent de nombreux atouts pour l’applicateur, les consommateurs et l’environnement et leur efficacité va de pair avec une observation régulière des végétaux par le jardinier. Celui-ci participe à l’écosystème de son jardin et en tire bien-être et satisfaction personnelle. Toutefois, malgré leur origine naturelle, ces produits de biocontrôle restent à utiliser avec modération. De nombreux jardiniers ont d’ailleurs constaté qu’un jardin sans produits phytosanitaires peut aussi fonctionner grâce à de bonnes pratiques culturales et en acceptant un niveau éventuel de dégâts.
Inès Turki
Chargée de projet Jardiner Autrement
LIENS UTILES
www.jardiner-autrement.fr
www.jardiner-autrement.fr/le-biocontrole/
www.jardiner-autrement.fr/brochure-proteger-plantes-de-jardin-biocontrole/
www.jardiner-autrement.fr/lutter-contre-les-pucerons-a-laide-du-biocontrole-un-tuto-video/