Le bilan GES : De la fourche à la fourchette !

Les médias se font l’écho de plus en plus pressant du souci posé par les émissions de gaz carbonique, responsables du réchauffement climatique et moteur principal du changement global. L’alimentation, et donc l’agriculture, est souvent montrée du doigt. Que recouvre réellement cette préoccupation pour les produits horticoles ?

Effectuer un bilan gaz à effet de serre (GES) consiste à calculer l’ordre de grandeur des émissions des gaz qui présentent un pouvoir de réchauffement global (PRG). Ces émissions sont exprimées en grammes, kilogrammes ou tonnes d’équivalent gaz carbonique (CO2) par unité considérée et sur une durée définie (souvent une année).

D’abord un inventaire puis des calculs

Le bilan GES peut être réalisé pour toutes les entités physiques et même virtuelles : un individu, un objet, une entreprise, une collectivité, un territoire, mais aussi pour un voyage en train ou en voiture, un évènement ou même un SMS ou un e-mail. Il constitue une estimation, en l’état actuel des connaissances, par un calcul approché qui repose sur des données sources. Celles-ci sont appelées facteurs d’émissions. Elles sont établies à partir d’études scientifiques publiées : les analyses de cycle de vie (ACV, voir encadré p. 65). Chaque facteur d’émission pris en compte est multiplié par les quantités concernées.

Dans l’esprit des ACV, le bilan GES prend en compte toutes les étapes de la « vie » d’un produit : pour les produits alimentaires, c’est bien l’idée de la fourche à la fourchette puisque le bilan GES prend en compte les émissions depuis le champ de production jusqu’à l’assiette du consommateur.

L’analyse du cycle de vie d’une pizza, de l’atelier de fabrication au consommateur © A.Z.
DIFFÉRENTES DÉFINITIONS DU PÉRIMÈTRE DE L’ANALYSE DU CYCLE DE VIE D’UN PRODUIT ALIMENTAIRE

Tout élément chiffré en matière d’émission de CO2 doit être accompagné d’une indication sur ce périmètre, sous peine de ne pas savoir de quoi on parle ! D’autant qu’il existe une multiplicité de situations, qui peuvent donner des résultats très différents, rendant toute moyenne sans grande signification. Ceci a d’ailleurs conduit à réaliser un inventaire des cycles de vie (ICV) pour chaque produit « portes de la ferme(2*) » (source Agribalyse®). À cette variabilité va s’ajouter celle de l’itinéraire depuis le site de production jusqu’au magasin : emballage, transport, stockage en frigo, des stades très émetteurs de GES.

Les facteurs d’émissions et la Base Carbone®

En France, la Base Carbone® regroupe l’ensemble des facteurs d’émissions. Elle est gérée directement par l’Ademe et reste accessible gratuitement à tous après inscription (http://bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil). C’est un immense tableau de plus de 14 000 lignes actuellement. Les facteurs d’émissions peuvent être retrouvés par mots-clés.

QUELQUES EXEMPLES (source Agribalyse®, sauf mention, il s’agit des émissions « aux portes de la ferme »)
EXEMPLE D’UNE ENTREPRISE DE PRODUCTION DE JUS ET SIROPS : ÉMISSIONS GLOBALES DE L’ENTREPRISE ET OBJECTIFS DE RÉDUCTION

Calcul du bilan GES : Bilan Carbone® et GHG Protocol

La méthode de calcul Bilan Carbone® a été mise au point par l’Ademe, qui en a confié la gestion à une association de prestataires spécialisés, l’ABC (Association Bilan Carbone). Utilisée avant tout au niveau français, elle est proche du standard international (GHG protocol), mais elle en diffère par la façon de répartir certaines émissions (les immobilisations par exemple). Cet outil est un tableur permettant de réaliser automatiquement le calcul après avoir rentré les données. Tout Bilan Carbone® comporte une proposition de plan d’action avec des objectifs de réduction à long terme. La méthode comporte aussi une version pour les particuliers (hors activité professionnelle) sous la forme d’un tableur avec didacticiel à télécharger sur http://avenirclimatique.org/micmac/index.php Le bilan GES a été conçu comme un outil de diagnostic pour les entreprises et les territoires. Il se révèle aussi, en multipliant les évaluations pour un même produit, un outil indispensable à l’écoconception des itinéraires techniques dans le secteur horticole comme dans les autres.

Daniel Veschambre
Membre du comité de rédaction de Jardins de France

(1*) GES : gaz à effet de serre
(2*) Bilan GES au stade « produit prêt à partir de l’exploitation »

L’ANALYSE DU CYCLE DE VIE (ACV), UNE DÉMARCHE SCIENTIFIQUE COMPLEXE

Les bases scientifiques de l’évaluation des impacts environnementaux de l’activité humaine reposent sur la quantification d’éléments liés aux produits et activités et sur l’estimation de leurs impacts. Cette quantification est réalisée sur toute la « vie » du produit, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à l’élimination des déchets finaux. (cf. périmètre de l’ACV, p. 63).

Pour y parvenir avec une validité suffisante, l’analyse doit prendre en compte des cas concrets, représentatifs en nombre suffisant pour en tirer des moyennes fiables. Les résultats sont exprimés selon les catégories d’impacts, en valeurs physiques ou en équivalents de composés chimiques par unité de poids (g/kg ou kg/t) :

Approches globales et complètes, sauf oubli coupable dans l’analyse, les ACV constituent l’adossement scientifique indispensable à toute approche multicritère des impacts environnementaux. Leur nombre se multiplie malgré la lourdeur du travail scientifique et des vastes bases de données nécessaires pour les réaliser.

L’Ademe coordonne le programme Agribalyse® pour les produits agricoles, en partenariat avec l’Inra, les instituts techniques agricoles, le Cirad, les coopératives et le ministère en charge de l’Environnement, afin de mettre en place une base de données homogène et transparente regroupant notamment les ACV pour ces produits.

En pratique toutefois, pour comparer des produits ou pour assurer la communication grand public, les ACV ne sont pas facilement utilisables.

La plupart des pays ont recours à un seul critère : les émissions globales de gaz à effet de serre (GES) exprimées en CO2e(2*).

En effet, les GES ont des effets directs sur le changement climatique, selon le 5e rapport du GIEC, les effets comparés de pouvoir de réchauffement global (PRG) seraient les suivants :

Les trois premiers représentent à eux seuls 98 % des GES au niveau planétaire.

(1*) Émissions de gaz carbonique et de protoxyde d’azote.
(2*) Émissions directes de CO2 et N2O, de C2H4 et dégradation de la couche d’ozone par les halocarbures.