L’amélioration du sol par le compost

René GuénonPatrice Cannavo

La matière organique est une composante fondamentale de la fertilité et la durabilité des sols[1]. L’amélioration d’un sol, qu’il soit agricole ou forestier, de jardin d’agrément ou potager, passe d’abord par un bilan agronomique puis, éventuellement, par la mise en place d’un plan de redressement. Si le niveau de matière organique n’est pas suffisant par rapport à l’objectif, un apport de matière organique exogène sera effectué. En France cet apport se fait majoritairement sous forme de composts[2].

Le compost est couramment utilisé pour un apport de matière organique, comme ici dans un jardin partagé à Paris - © J.-F. Coffin
Le compost est couramment utilisé pour un apport de matière organique, comme ici dans un jardin partagé à Paris – © J.-F. Coffin

La qualité d’un compost varie en fonction de nombreux paramètres. Le premier est la qualité des matériaux utilisés (déchets organiques en tout genre, écorces de pin, boues, digestats, effluents…). Le second concerne les techniques de compostage (aération, temps de maturation…) utilisées pour aboutir à un produit stabilisé, hygiénique, semblable à un terreau. Selon l’objectif que l’on souhaite atteindre, il convient d’adapter la dose et la fréquence d’apport en fonction de la qualité fertilisante de l’amendement (composition indiquée sur l’emballage).

Pour enrichir le sol

Les effets d’un apport de compost sur les sols ont été étudiés dans différents contextes. Il se traduit généralement par un enrichissement du sol en carbone, en azote et en phosphore organique et minéral. Cependant, le niveau d’enrichissement et sa durée dépendent de la qualité du compost utilisé.

Les effets bénéfiques de ces apports organiques sont multiples : ils augmentent la capacité des sols à retenir l’eau nécessaire au fonctionnement microbien, notamment par l’augmentation de la porosité des sols, mais également par leur capacité propre à retenir l’eau. La stabilité des agrégats du sol est renforcée par l’apport des molécules du compost qui diminuent la mouillabilité, par l’apport des substances humiques[3] et des polysaccharides microbiens excrétés et au pouvoir agrégatif. De plus, l’apport de matières organiques facilement dégradables augmente la biomasse et la respiration microbienne indiquant que la ressource organique est facilement utilisable.

Un équilibre à respecter

L’équilibre entre les éléments est très important, notamment le C/N[4] considéré comme stable autour de 10 (10 atomes de C pour 1 atome de N). Un apport de compost dans un sol déjà riche en carbone limite la nitrification[5], ce qui peut s’avérer un facteur limitant de la productivité végétale. Inversement, dans un sol pauvre, cet apport stimule la minéralisation nette de l’azote (transformation de l’azote organique en azote minéral).

Les premières questions à se poser pour une stratégie d’apport de compost sur un sol sont : un apport de matière organique est-il nécessaire ? Quel type de compost, quelle dose apporter et à quelle fréquence ?

Un apport à calculer

En fertilisation d’entretien, c’est-à-dire pour maintenir le taux de matière organique, il convient de calculer les pertes annuelles (cf. tableau) qui sont fonction de la teneur en argile et en calcaire du sol. Sur un sol sableux non calcaire, ces pertes sont les plus importantes (170 g MO /m2/an) alors qu’un sol sableux contenant du calcaire, perdra deux fois moins de matière organique (0,85 g MO / m2/an). Sur un sol argilo-sableux, les pertes annuelles ne sont que de 34 g et de 70 g MO / m2/an pour un sol avec et sans calcaire. Il conviendrait donc d’apporter un compost de déchets verts (terreau horticole) pour une fertilisation d’entretien de 1,3 ou 0,7 L de compost /m2/an pour compenser les valeurs citées ci-dessus pour un sol sableux et de 0,3 ou 0,5 L de compost /m2/an pour un sol argilo-sableux.

Tableau : valeurs de référence pour les pertes de matière organique annuelle en fonction de la texture d’un sol et apport de composts pour compenser ces pertes

Pertes de MO (g/m2/an) Apport de compost (40% MO) en L /m2/ an
Texture sol calcaire sol non calcaire sol calcaire sol non calcaire
Sableux 85 169 0,7 1,3
Sablo-limoneux 85 169 0,7 1,3
Sablo-argileux 42 85 0,3 0,7
Limono-sableux 85 169 0,7 1,3
Limono-argileux 42 85 0,3 0,7
Limoneux 85 169 0,7 1,3
Argilo-sableux 34 68 0,3 0,5
Argileux 21 42 0,2 0,3
Argilo-limoneux 34 68 0,3 0,5

Tenir compte de la culture

Au final, un apport de compost se raisonne en fonction des propriétés chimiques d’un sol, de son usage et des propriétés fertilisantes de l’amendement. La dose et la fréquence d’apport de compost doivent être adaptées à un type de culture[6] tout en évitant les risques sanitaires. On évitera, par exemple, un compost de déchets ménagers domestiques (risque sanitaire non maitrisé) sur une culture maraichère racinaire se consommant crue (par exemple carotte, radis etc…) car en contact direct avec la partie qui se consomme. Il conviendrait alors d’effectuer une culture intermédiaire après cet amendement organique (type engrais vert à enfouir) et avant cette culture maraichère ou simplement d’attendre quelques mois après l’amendement.

[1] Lire dans ce dossier l’article de R. Guénon et celui de P. Cannavo et S. Charpentier « Diagnostic de la qualité des sols ».

[2] En France, la valorisation en agriculture des matières fertilisantes et supports de cultures est régie par deux principes fondamentaux : les matières valorisées doivent présenter un intérêt agronomique, être inoffensives pour l’homme, les végétaux, les animaux et l’environnement. En particulier, les composts sont soumis à réglementation pour éviter les problèmes d’eutrophisation en phosphore et en azote mais également pour éviter le risque de pollution aux métaux lourds (Cd, Cr, Pb, Zn).

[3] Voir l’article du même auteur dans ce dossier

[4] Rapport carbone sur azote

[5] oxydation des ions ammonium en nitrite puis en nitrate par des microorganismes particuliers

[6] Concernant les cultures elle-même on peut conseiller (Jean Noël Plages, Conseil scientifique de la SNHF) :

  • De ne pas mettre de compost si on envisage une culture de légumes feuilles (laitues, épinards par exemple). Ces légumes sont sensibles aux attaques de champignons du sol genre Sclerotinia, Pythium, Rhizctonia…
  • De ne pas utiliser aussi pour certains légumes racines comme carotte, radis pour des raisons de développement normal de la racine.
  • De prévoir un apport pour tous les choux, les céleris, les betteraves mais aussi fèves, pois et haricots si l’apport se fait au bêchage en hiver bien avant les semis.

 

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