La taille en vert : Acharnement, torture ou attentions ?

Les opérations en vert constituent un ensemble d’opérations de taille qui ont pour but de compléter et même, si besoin, de rectifier ou d’anticiper certaines interventions de la taille en sec de l’hiver sur les formes jardinées.

intervention en vert © D. Retournard
taille en vert à gauche et taille Lorette à droite le 17 juin © J.-L. Boulard

Les interventions de taille en vert s’effectuent pendant la période de végétation (printemps-automne) et portent aussi parfois le nom de taille d’été ou taille herbacée. Elles modifient les courants de sève et la disposition des branches pour permettre une transformation des bourgeons végétatifs (yeux) vers les bourgeons à fleurs à l’endroit le mieux approprié pour obtenir une belle et bonne récolte de fruits. Il n’est pas rare que certaines personnes, en voyant des arbres fruitiers conduits en formes fruitières maîtrisées, nous reprochent de leur faire subir de mauvais traitements : il faut pourtant faire la part des choses. Car tailler un arbre, ce n’estpas seulement couper et jouer du sécateur. C’est aussi installer « un dialogue » avec l’arbre pour concevoir avec lui un avenir associant une honnête récolte et une longévité sans embûche. N’oublions pas que l’arbre est un être vivant qu’il est indispensable de comprendre, même s’il faut un peu de patience et beaucoup d’attention.

La taille en vert doit être raisonnable et raisonnée

Il faut donc, avant de commencer à tailler, observer et réfléchir à la répartition de la sève et à ce que l’arbre peut faire, en fonction de sa nature, de la vigueur de la variété et de la richesse du sol. Si on n’applique pas ces principes, on ne taille pas, on raccourcit… et on fait des sottises ! Aucune variété n’est semblable à une autre, il est donc difficile d’utiliser une méthode unique. Chaque espèce a ses particularités, et il faut savoir s’adapter. Évidemment, la taille en vert ne peut pas être effectuée n’importe comment. Il y a des règles de base qu’il faut connaître. Mais il n’y pas besoin d’être un expert pour réussir à les maîtriser.

Pas de sectarisme

La taille est là pour donner à l’arbre un équilibre entre une production de fruits raisonnable et une vie saine et aussi longue que le permettent l’espèce et la variété. Il est évident que, parfois, elle est utilisée uniquement pour accélérer et/ou augmenter la production, mais ce n’est pas là une bonne chose : ceci finit par affaiblir l’arbre et raccourcir sa vie. Une taille appliquée sans adaptation à tous les arbres ne peut qu’être destructrice pour de très nombreux individus.

Un principe simple : supprimez l’inutile

L’idée est de faire disparaître tout ce qui est considéré comme inutile : toutes les ramifications, quelle qu’en soit la nature, qui absorberaient de la sève en pure perte, sachant que de toute façon, nous les ferons disparaître lors de la taille d’hiver. Sur l’arbre, ne doivent rester que les rameaux utiles pour la formation des charpentières et des coursonnes (1*), bien évidemment des fruits, mais aussi suffisamment de feuilles pour alimenter ces fruits. Comptez environ 40 feuilles par fruits et de 1 à 2 kg de fruit par mètre linéaire de branche charpentière.

Résultat au 23 juillet © J.-L. Boulard

Idem le 25 mars © J.-L. Boulard

Agissez le plus tôt possible

1. Première intervention: l’ébourgeonnement (photo n° 1)
Plus cette opération est effectuée tôt, plus on économise de sève. Il est donc préférable d’intervenir par ébourgeonnement (suppression des bourgeons inutiles) afin de détourner, au profit des yeux à conserver, une grande quantité de sève qui aurait été absorbée en pure perte. L’ébourgeonnement réclame beaucoup de discernement et s’applique sur les bourgeons des arbres soumis à des formes jardinées. On supprime dès que possible, pour parfaire la formation, par exemple sur une palmette en U, les yeux qui naissent sur le devant ou sur le derrière des branches charpentières, ou les bourgeons trop rapprochés sur les prolongements.

2. Deuxième intervention: le pincement (photo n° 2)
Pratiquée au moment opportun, cette opération permet d’orienter la sève d’un arbre soumis à une forme jardinée vers les yeux des prolongements des branches charpentières, et ainsi de les aider à garder leur dominance, par suppression de la concurrence. Le pincement peut aussi, dans une certaine mesure, provoquer ou aider à la fructification en soutenant une transformation plus rapide des yeux à la base des coursonnes.

Pincer: c’est retrancher, entre l’ongle du pouce et celui de l’index, l’extrémité d’un bourgeon. Le but est donc d’arrêter temporairement l’accroissement de la jeune pousse, qui aurait tendance à devenir trop forte et à défavoriser le bourgeon principal (comme le bourgeon de flèche) où la sève doit se porter. Pincez alors le ou les bourgeons qui concurrencent le bourgeon de flèche en supprimant la rosette de feuilles terminales. À la suite de ce pincement, il se développe souvent un bourgeon anticipé à l’aisselle de la feuille qui avoisine immédiatement le pincement mais sa croissance retardée et de courte durée est moins concurrentielle. On pratique le pincement du mois d’avril jusqu’en septembre, à chaque fois que l’on juge cette opération nécessaire. Surveillez plus particulièrement les bourgeons situés sur le dessus des branches charpentières à cause de leur tendance à « s’emporter ».

3. Troisième intervention: la taille en vert (photo n° 3)
Sur les arbres à pépins : cette opération est délicate et demande une certaine expérience pour choisir le bon moment et, surtout, pour la généraliser à l’ensemble de l’arbre. Cette méthode de taille a été imaginée vers 1920 par Lorette, jardinier en chef de l’École d’agriculture de Wagnonville (Nord), dont l’idée allait jusqu’à supprimer la taille d’hiver. Ces opérations sont épuisantes pour l’arbre et sont plus appropriées aux sujets vigoureux et aux sujets difficiles à mettre à fruits par la taille trigemme (2*).

De juin à septembre, l’allongement des pousses herbacées se ralentit. Leur base se lignifie et la mise à fleurs de l’année n+1 se prépare. L’excès de vigueur d’un rameau est nuisible à l’établissement de la fructification. Ce rameau doit donc être affaibli par des opérations puissantes que l’on pratique au sécateur.

Pratiquée trop tôt, alors que les pousses sont en pleine extension, le reflux de sève que l’on provoque en épointant le rameau peut faire évoluer les dards (3*) non pas vers la fructification, ce qui est la situation normale, mais en bourgeons anticipés.

Pratiquée trop tard, lorsque l’allongement des rameaux est terminé, les yeux restent dormants. L’opération est alors sans effet, voire même néfaste, puisqu’elle supprime des feuilles élaborant la sève.

La bonne période varie donc selon chaque bourgeon au moment où l’allongement du bourgeon ralentit sans être encore arrêté (les deux ou trois dernières folioles laissant entrevoir l’œil terminal). Pour être efficace, il faut donc intervenir plusieurs fois sur un même arbre, juste au bon moment.

Sur la vigne : L’opération est indispensable. Très vigoureuse, cette liane produit du bois et du feuillage inutiles qui se développent au détriment de la formation des grains. Il est donc essentiel de procéder à une taille en vert. Le but est, là encore, de renforcer la taille des rameaux, de limiter l’allongement des sarments et de concentrer plus de sève dans les grappes pour favoriser leur grossissement. Pincez à 1 à 1,50 mètre (plus exactement à deux feuilles au-dessus de la dernière grappe, soit 6 à 7 feuilles) les sarments fructifères ou non. Supprimez les vrilles et les pampres nés des bourillons (faux-bourgeons) situés à la base des rameaux.

 

Denis Retournard
Ancien jardinier au Jardin du Luxembourg

 

REMARQUES POUR LES FRUITIERS À NOYAU

Pour les arbres à noyau (abricotier, amandier et plus particulièrement pêcher), après la nouaison stade I, on ne conserve que 3 à 4 fruits par coursonne. On supprime les bourgeons inutiles. On ne garde que les bourgeons de remplacement (proches de la branche charpentière) et on étête les bourgeons d’accompagnement des fruits à 2-3 feuilles et le tire-sève à 4-6 feuilles situé à l’extrémité de la coursonne.

 

(1*) Rameau taillé court partant de la branche charpentière et destiné à porter des fruits.

(2*) La taille trigemme consiste à anticiper comment les bourgeons se développeront, puis à raccourcir chaque branche en ne laissant que la longueur nécessaire pour qu’un bourgeon à fleurs se développe au printemps suivant avec suffisamment de feuilles pour bien vivre. Cette taille se pratique pendant le repos de végétation.

(3*) Rameau axillaire terminé par un bourgeon capable de donner un rameau fructifère l’année suivante.