La sélection des semences : en quête du meilleur…

Christophe Galbrun

La sélection des gazons en Europe s’est intensifiée à la fin des années 70. Depuis, les sélectionneurs français contribuent à l’amélioration des espèces et des variétés en vue de favoriser la résistance aux maladies, dont la rouille, et de leur comportement estival.

Test de tolérance à l'ombre combiné à la résistance  au piétinement -  © Christophe Galbrun

Les graminées de nos pelouses sont des plantes vivaces, à fécondation croisée (plantes allogames), et anémophiles. Chaque espèce est sélectionnée séparément car le nombre de chromosomes est très variable.
 

Un travail d’observation…

La première étape de la sélection consiste à inventorier la variabilité naturelle. Le sélectionneur prospecte pour les écotypes, la base de travail. On débute par des observations en pépinière, de plante à plante, en notant avec précision le comportement de chacune d’entre elles pendant une période de deux ans : maladies, couleur, précocité, résistance au froid ou à la sécheresse... Les meilleurs sujets sont arrachés puis multipliés végétativement, et leurs clones sont destinés à produire des graines. Les semences obtenues sont semées en micro parcelles d’environ 1 m2, et celles-ci sont observées pour noter le comportement des descendances. C’est ainsi que l’on peut connaître la capacité des plantes à satisfaire les besoins de l’utilisateur : rester vertes, été comme hiver, résister aux maladies cryptogamiques, supporter le piétinement, avoir une croissance faible pour limiter les tontes… tout en gardant une finesse et une densité parfaite garant d’un aspect esthétique irréprochable.

À l’issue de cinq à six années d’examen, de dizaines de notations sur des dizaines de milliers de plantes, les individus les plus intéressants sont choisis. Un assemblage de plusieurs plantes (par précocité, par couleur, par type d’utilisation potentielle), également appelé « polycross », formera le noyau de départ de la nouvelle variété. Deux à trois générations seront encore nécessaires pour stabiliser et homogénéiser la variété.


Pourquoi sélectionner ?

Les objectifs sont multiples. Ils sont d’ordre technique, esthétique mais aussi économique. La difficulté est d’essayer d’améliorer tous ces critères simultanément. Pour le marché professionnel, la résistance au piétinement, le critère numéro un pour les terrains de football ou de rugby, est parfois associée à une exigence particulière pour les hauteurs de tonte (départ de golf, court de tennis). Ce critère peut devenir un casse-tête sur les greens de golfs où seules quelques espèces supportent les trois millimètres règlementaires. La finesse des feuilles, caractéristique des fameux gazons anglais, reste un critère très important. Grâce à la sélection, le ray-grass anglais – considéré à juste titre comme de l’herbe à vache – est devenu aussi fin qu’une fétuque rouge tout en gardant sa vitesse d’installation et sa résistance au piétinement. Le reproche qui est souvent fait aux pelouses de luxe, c’est leur fragilité. Pour cela, des études sont réalisées sur la résistance aux maladies (rouilles, fusarioses, fil rouge…), au froid et surtout à la sécheresse.
Il ne fait pas bon être un gazon quand les décrets d’interdiction d’arrosage tombent ici ou là. Il est donc primordial de préparer nos variétés à ces conditions difficiles. La tonte est souvent vécue comme une corvée. L’objectif est d’espacer les tontes sans que le jardin ne devienne une prairie, mais surtout de diminuer la quantité de déchets. En sélectionnant les plantes à croissance lente et dont la hauteur est limitée (plantes naines), on répond à ce critère. Ainsi, les différences entre variétés fourragères et variétés gazon sont aujourd’hui considérables.
Un autre critère important reste la capacité d’une variété à produire des semences : caractéristique économique souvent incompatible avec l’aspect esthétique. Des essais dans les zones de production de semences sont mis en place avant de lancer les nouvelles variétés sur le marché.
 

Perspectives d’avenir

L’amélioration des variétés gazon est continue. Elle a apporté un réel progrès génétique au cours des dernières décennies. Mais les sélectionneurs sont toujours à l’affût de nouvelles voies possibles. Ainsi, on a redécouvert la résistance à l’ombre de la canche et du pâturin commun. On parle de la kolérie ou des fétuques ovines pour leur capacité à survivre dans des milieux très pauvres, on vente certaines espèces tropicales pour leur capacité particulière (Zoysia pour sa faible « pousse », Paspalum vaginatum pour sa tolérance au sel). Pourtant, les espèces majeures restent le ray-grass anglais, les fétuques rouges et la fétuque élevée. De cette dernière, on peut attendre une évolution dans les prochaines années. Avec sa capacité à résister à la sécheresse, son utilisation pourrait augmenter si on améliore la finesse de ses feuilles. Un type particulier de ray-grass (tétraploïde) pourrait arriver sur le marché grâce à une plus grande rusticité (meilleure résistance aux maladies, au froid et à la sécheresse mais moindre finesse). Enfin, le salut de nos gazons de graminées pourrait venir d’une association avec les légumineuses. Il suffit de trouver les légumineuses adaptées et c’est déjà le cas. Après un trèfle blanc nain, on verra bientôt une luzerne associée à une fétuque élevée pour une meilleure résistance à la sécheresse et pour la capacité des légumineuses à fixer l’azote de l’air.

Mesure de la croissance du gazon - © Christophe Galbrun