La santé du jardinier : comment éviter les pièges du jardinage
Les plantes, les animaux et les produits phytosanitaires peuvent influer sur la santé du jardinier. La terre et sa vie microscopique, bénéfique pour nos plantes, cachent également des dangers. Si le souci de santé le plus fréquent lié au travail de la terre reste le lumbago, d’autres pathologies sont également à connaître.
Le lumbago est dû à une tendinite des muscles du dos liée à de mauvaises postures. Le kinésithérapeute va soulager les douleurs et surtout, montrer les gestes à proscrire et les postures à adopter pour éviter la récidive. Un traitement antalgique et la poursuite d’une activité physique, même minime, garantissent une guérison rapide en favorisant la cicatrisation des muscles, tendons et ligaments atteints.
Le tétanos a chuté de façon spectaculaire grâce à la vaccination. En France, dans la période 2012-2017, 35 cas ont été déclarés dont huit décès. Le bacille Clostridium tetani se trouve sous forme de spores inactives dans la terre et le tube digestif des mammifères – équins, bovins, caprins – crottins et bouses participant donc à sa dissémination. Lors du contact avec une plaie, les spores se transforment en bacilles qui secrètent une endotoxine attaquant le système nerveux, provoquant des spasmes et des contractures musculaires extrêmement douloureuses. Les antibiotiques sont efficaces sur les bacilles mais l’endotoxine ne s’épuise spontanément qu’en trois semaines. La vaccination antitétanique est efficace, sans contre-indication, et prévient l’apparition de la maladie. Penser à ne pas oublier les rappels tous les vingt ans jusqu’à 65 ans puis tous les dix ans.
Les dermatites sont liées au contact de la peau avec certaines plantes qui produisent des substances allergisantes pour certaines personnes ou toxiques pour tous. La forme aiguë associe des lésions prurigineuses incitant au grattage, marquées par des placards rougeâtres associés à des vésicules et des bulles. La forme chronique, en cas de répétition des contacts, entraîne un épaississement de la peau avec des crevasses pouvant s’infecter. Le chrysanthème, le bulbe de tulipe, le lys et la primevère sont les plantes domestiques les plus fréquemment en cause pour l’allergie, alors que le latex de l’euphorbe, les feuilles de la rhubarbe et du sumac le sont pour la toxicité de contact.
Les dermites photo-toxiques nécessitent la conjonction d’un contact avec la plante et de l’exposition au soleil. Par conséquent, il faut être vigilant lors du débroussaillage au soleil de la carotte sauvage, de la rue, du panais et surtout de la berce du Caucase. Les lésions siègent sur les zones de peau découvertes et exposées : avant-bras, décolleté, visage, dos des mains, réalisant des phlyctènes douloureuses qui pourront longtemps laisser des traces voire des cicatrices.
Les pesticides, surtout herbicides, insecticides et fongicides, sont tous nocifs pour la santé à divers titres et divers degrés. Les traitements avec les produits chimiques de synthèse ne sont plus autorisés dans nos jardins aujourd’hui. Ils pouvaient être causes de fatigue, maux de tête, vomissements, malaises, dermatoses, justifiant cette interdiction. Leur emploi à grande échelle dans les cultures intensives est reconnu responsable d’un impact sur le déroulement de la grossesse, sur le risque de malformations congénitales et sur la baisse de la fertilité masculine et, également, sur la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate, de la vessie et des testicules, les tumeurs cérébrales, les mélanomes et certaines leucémies. La difficulté d’identification des responsables est due aux mélanges et à la succession des traitements. Dans nos jardins, désherber les allées gravillonnées avec le mélange vinaigre et sel, la binette pour les massifs et employer les procédés biologiques tels que les larves de coccinelles, le Bacillus thuringjensis, les nématodes, le pyrèthre et les biopesticides qui sont en devenir, contribuent à modifier progressivement nos habitudes.
La maladie de Lyme est une maladie infectieuse due à une bactérie spirochète appelée Borrelia burgdorferi, transmise par l’intermédiaire d’une piqûre de tique infectée. Dans la ville de Lyme aux États-Unis, dans les années 1970, un nombre anormalement important d’arthrites a pu être rattaché aux piqûres de tique. La borrelia siège dans le tube digestif de la tique et nous est transmise par sa salive lors de la piqûre. Au contact de notre sang, elle devient active et migre dans la peau, générant une rougeur visible qui se déplace pendant plusieurs jours : l’érythème migrant. À ce stade, le traitement antibiotique empêchera toute complication, mais nous ne sommes pas toujours conscients d’avoir été piqué par une tique, sa piqûre étant rendue indolore grâce à un anesthésique qu’elle injecte. En l’absence de traitement, la borrelia peut « attaquer » différents organes, source de maladies articulaires, cardiaques et neurologiques souvent plusieurs mois ou années après la piqûre initiale. Heureusement, seulement 30 % des tiques sont porteuses de la borrelia attrapée après morsure d’animaux sauvages eux-mêmes infectés (écureuils, cerfs, mulots, campagnols). Travaux agricoles et promenades en forêt doivent inciter à bien se couvrir et à bien s’examiner en rentrant.
La leptospirose est due à une bactérie spirochète Leptospira, transmise par des animaux infectés, surtout des rongeurs, essentiellement le rat et le ragondin, qui l’éliminent par leurs urines. La contamination se fait par l’intermédiaire de l’eau de végétaux ou de boues souillées par ces urines. Ces bactéries survivent jusqu’à six mois dans l’eau douce et les sols boueux. Chez l’homme, une peau saine est un barrage efficace contre les leptospires mais une blessure, même minime, suffit à servir de porte d’entrée. La maladie est le plus souvent peu grave, sous forme de syndrome grippal sensible au traitement antibiotique. Mais de façon imprévisible, elle peut évoluer vers des troubles sévères avec plus de 10 % de mortalité, associant un syndrome infectieux, un ictère intense, une insuffisance rénale aiguë avec une anurie et des hémorragies diffuses. Il faut donc porter l’attention sur une désinfection rapide de la moindre plaie en cas de contact si le jardin est proche d’une rivière ou d’un plan d’eau où vivent des ragondins.
La distomatose hépatique (douve du foie) est due à Fasciola hepatica, ver plat de 2 à 3 cm, parasite du foie des ovins et des bovins. La douve vit dans leurs canaux biliaires, se nourrissant de tissu hépatique où elle grandit et pond ses œufs évacués, avec les selles. Commence alors le cycle de la douve. De l’œuf naît une larve qui migre vers une limnée (escargot d’eau), se transforme en « mini-têtard », puis se fixe sur une plante aquatique qui sera absorbée par l’ovin ou le bovin. L’homme se contamine en mangeant du cresson ou du pissenlit sauvage ramassé dans une prairie fréquentée par des ovins ou des bovins, proche d’un plan d’eau. La douve s’installe dans ses voies biliaires provoquant une cholécystite aiguë avec colique hépatique, fièvre, frissons, nausées, démangeaisons et ictère qu’il faut traiter en urgence par des antiparasitaires efficaces à base de Triclabendazole. Il pourrait s’agir d’une zoonose ré-émergente favorisée par le dérèglement climatique.
Cet éclairage sur les risques de santé dans nos parcs et jardins ne doit évidemment pas altérer notre plaisir d’y travailler et de s’y reposer. Soyons conscients de notre environnement. N’oublions pas les rappels du vaccin antitétanique.
Dr Alain Roullier
Membre de la société d’horticulture de Tourain