La Roseraie départementale du Val-de-Marne, à L’Haÿ-les-Roses : restauration d’un jardin historique

La Roseraie départementale du Val-de-Marne, à L’Haÿ-les-Roses, fait actuellement l’objet d’une rénovation globale des structures. Précédemment aux travaux, une étude approfondie de la valeur patrimoniale avait été réalisée. Le fait à remarquer est que les auteurs de cette étude rejoignaient les intentions du créateur, exprimées dans une interview de 1914, récemment sortie de l’oubli.

La Roseraie départementale du Val-deMarne, fondée en 1894, a vieilli et la beauté des rosiers en fleurs ne parvenait plus, ces dernières années, à cacher les dégâts du temps. Les visiteurs s’en inquiétaient ouvertement. Pendant ce temps, dans la discrétion de ses bureaux, la Direction des espaces verts et du paysage du département du Val-de-Marne préparait un projet de rénovation, publié en septembre 2017. Les travaux devaient commencer en janvier 2018.

Le programme des travaux

Reprise des limites des allées/massifs et rénovation des plantations.
Février 2018 : mise en place du terreau.

Reprise des limites des allées/massifs et rénovation des plantations.
Avril 2018 : engazonnement

On mettra en avant ce qui, dans le programme, est particulier à une roseraie monumentale dont L’Haÿ représente le type le plus accompli. La phase préparatoire des travaux a été consacrée à des essais de plusieurs années pour trouver des solutions de remplacement aux buis attaqués et aux produits phytosanitaires de synthèse, désormais interdits. Sans résultat probant, toutefois, à L’Haÿ-les-Roses comme ailleurs. Le point de départ du programme a été la constatation que le tracé d’origine du jardin menaçait de s’effacer et que les treillages présentaient des dégradations qui devenaient irrémédiables.

Les maux diagnostiqués étaient la disparition des buis attaqués par la pyrale du buis (Cydalima perspectalis) et deux types de champignons, Volutella et Cylindrocladium, le tracé fluctuant des limites allées/pelouse, du fait de la découpe annuelle des bordures des pelouses à la bêche et de l’herbe qui empiète sur les allées, la confusion des limites allées/massifs de rosiers, entre terre, paillage et gravillons, qui se mélangeaient, la fragilisation des treillages, dont une partie seulement, le pavillon central et les deux berceaux, a été restaurée en 2015 grâce à un mécénat.

D’où trois enjeux : la préservation de l’esthétique générale, la conservation du tracé historique, la gestion simplifiée du jardin pour un seul objectif, la rénovation globale de tous les éléments structurants du jardin, horizontaux et verticaux, comprenant buis, surfaces engazonnées et treillages. Le phasage des travaux a été établi en tranches annuelles, devant être exécutées pendant la fermeture de la Roseraie au public, d’octobre à mai.

Reprise des limites des allées/massifs et rénovation des plantations.
Mai 2018 : en fleurs.

La première tranche, du printemps 2018 au printemps 2019, comprenait l’arrachage de tous les buis, la pose de voliges en bois devant les bordures à replanter, la fourniture et la plantation du tiers des buis résistants en raison des stocks disponibles (*1), la pose de voliges en pin à l’arrière, la réfection de la pergola, des ailes et des clôtures.

La deuxième tranche courra de l’automne 2020 à l’automne 2023. Elle consistera au lancement du contrat de multiplication des deux tiers restants des buis et à leur plantation trois ans plus tard. Au terme du programme, 2 300 mètres linéaires allée/ pelouse auront été fixés par des bordures, en essayant de trouver une solution définitive pour remplacer les découpes à la bêche, 5 km de bordures auront été replantées de 41 500 pieds de buis dont le calibrage 12/20 devrait assurer les meilleures chances de reprise, et 250 m3 de terre végétale auront été fournis et mis en œuvre. Entre le printemps 2018 et le printemps 2019, le montant total des travaux engagés devrait s’élever à 767 829 €. Ces travaux ne concernent en rien la collection des rosiers, qui ne bougera pas des emplacements qu’elle occupe : soit 250 espèces, botaniques et hybrides d’origine horticole, et 3 200 variétés de culture.

La cohérence préservée du projet initial

À l’origine de la Roseraie que nous connaissons, il y a un premier projet. Après quelques années de retraite consacrées à cultiver les roses, Jules Gravereaux (*2) a réuni une collection qui déborde largement les limites du potager où elle avait été installée. Il fait appel à un paysagiste de grand renom, Édouard André (*3), et les deux hommes s’entendent si bien que le projet, réalisé en 1899 et publié dans la presse horticole, connaît un succès immédiat.

Le fonctionnement du plan est un modèle du genre. Il s’agit, dans la Roseraie, de la partie en triangle dont le portique au vase Médicis marque l’un des angles. Le rapport de la Direction des espaces verts et du paysage montre clairement la hiérarchisation des types d’allées inventer par le créateur et il est heureux qu’elle ait été systématiquement reprise dans les agrandissements postérieurs. La diversité des structures verticales fait aussi partie des imperceptibles subtilités de l’aménagement. Plus que dans tout autre jardin, les treillages sont les supports indispensables à la présentation des variétés sarmenteuses. Mais, leur nature est d’être des architectures de fantaisie et c’est le cas à L’Haÿ-les-Roses, avec les embellissements plus tardifs et plus spectaculaires apportés au moment du dernier agrandissement de 1910.

Inchangée depuis, la Roseraie peut être analysée de nos jours comme un jardin représentatif du style composite des Beaux-Arts de la IIIe République. L’effet est saisissant et la composition d’ensemble est parfaite.

Le plan voulu par Jules Gravereaux, transmis exactement comme il était à sa mort en 1916.

La roseraie de l’intelligence

Jules Gravereaux s’est expliqué sur la grande cohérence du projet initial, dans un article publié, en 1914, dans Rose Annual : « La roseraie purement décorative attire un temps l’attention mais ne la retient pas […] La roseraie de collection est le résultat d’une coopération intime entre l’amateur de roses et le paysagiste. Elle satisfait à la fois l’œil et l’esprit. Le visiteur est guidé par celui qui a su comment sélectionner tout ce que la rose peut offrir.  » Et il ajoutait plus loin : « Cette roseraie mérite la qualification que M. Corpechot (4*) a si heureusement appliquée aux jardins de Le Nôtre, celle de roseraie de l’intelligence.  »

Jean-Claude Brodbeck
Membre de la SNHF

 

(1*) Toutes les variétés de buis étant exposées aux attaques de la pyrale, le gestionnaire a le choix de les remplacer par une autre plante (Ilex crenata est gélif, Euonymus japonicus ou Lonicera nitida sont trop poussants…) ou de replanter un buis résistant aux champignons en luttant et en intervenant chaque année sur le déroulement du cycle de vie de la pyrale. C’est la seconde solution qui a été retenue et trois variétés ont été choisies : Buxus microphylla ‘Faulkner’, Buxus microphylla ‘Green Beauty’ et Buxus sempervirens ‘Sufruticosa’.

(2*) Voir au sujet de J. Gravereaux (1844-1916), l’article de Daniel Lejeune, « Jules Gravereaux, une vie pour les roses », dans les Cahiers de Jardins de France, n° 4 – Édition 2017, ou https://www. jardinsdefrance.org/jules-gravereaux-une-vie-pour-les-roses/

(3*) Le plan de la première Roseraie de 1899 illustre l’article de Daniel Lejeune. Édouard André, 1840-1910 : botaniste voyageur, professeur d’architecture et des serres à l’École nationale d’horticulture de Versailles, auteur de L’Art des jardins : traité général de la composition des parcs et jardins, 1879.

(4*) Lucien Corpechot. Les Jardins de l’intelligence. Paris, 1912.

 

La roseraie est ouverte de mai à septembre, tous les jours.
Roseraie départementale du Val-de-Marne
Rue Albert-Vatel
94240 L’Haÿ-les-Roses

 

BIBLIOGRAPHIE

Nadine Villalobos, Béatrice Pichon-Clarisse. Florilège – La Roseraie du Val-de-Marne à L’Haÿ-les-Roses. 2006. Direction des Espaces Verts et du Paysage (DEVP). Dossier du 28 septembre 2017, La Roseraie du Val de Marne à L’Haÿles-Roses. 2017

NOTRE SÉLECTION DE LIVRES

L’équipe de la bibliothèque de la SNHF vous propose une sélection parmi les plus marquantes des dernières parutions. Bonnes lectures

Tous acteurs de la révolution verte : changer de ville, transformer le monde

Merci Raymond, collectif de jardiniers urbains
Les villes connaissent une forte croissance démographique malgré des désavantages de plus en plus nombreux : pollution de l’air, réchauffement climatique qui les transforme en véritables étuves. L’ONU prévoit qu’en 2050, 70 % de la population mondiale vivront en zone urbaine. Le collectif de jardiniers urbains Merci Raymond se propose de donner des pistes pour mener à bien la révolution verte, dont le but est de lutter contre les problèmes liés au réchauffement climatique par la réintroduction du végétal en ville. Elle se situe au croisement de multiples secteurs : l’architecture et l’urbanisme, avec la présentation du projet de Vincent Callebaut, créateur d’une tour hélicoïdale à Taïwan couverte de 25000 arbres ; Manal Rachdi et son projet Mille arbres : des habitations dont « le jardin n’est plus à côté du bâtiment, mais où c’est le bâtiment qui devient un jardin » ; l’agriculture et l’alimentation avec l’hydroponie, etc. Cet ouvrage montre également que la révolution verte est l’affaire de tous, des actions facilement réalisables sont décrites : comment faire son compost, cultiver ses légumes en treillis, créer une jardinière balconnière…
Marabout, 2019, 216 p, 14,90 €

 

Le grand B.A.L

Gilles Clément
Le Grand B.A.L (Banque Assurance Laboratoire) nous narre une dystopie, c’est-à-dire une utopie négative, un scénario catastrophe. Dans ce monde, une guerre a provoqué un désastre climatique causant trois milliards de victimes. Subsistent tout de même des CLANS (centre de loisir alternatif de Nature) et des RAP (réserve animalière protégée), morceaux de nature génétiquement modifiée et hypercontrôlée par l’Homme. Ironiquement, face à cette catastrophe mondiale, l’intrigue du roman s’articule autour de la disparition d’un minuscule animal du nom de Zéphirine, une musaraigne étrusque, dernière représentante du monde naturel. Aux grands consortiums qui considèrent le monde comme une source à exploiter, un personnage oppose le jardin planétaire
– concept propre à Gilles Clément – où « la Terre est considérée comme jardin et suppose que tous les habitants de la planète se comportent en jardiniers. Bons ou mauvais, mais responsables du vivant ».
Actes Sud, 2018, 368 p, 21,80 €

 

Histoire de l’alimentation végétale

Dr A. Maurizio
L’Histoire de l’alimentation végétale est parue dans sa première édition en 1932. Aujourd’hui encore, elle demeure une référence de l’histoire culturelle de l’alimentation humaine depuis la Préhistoire. Cet ouvrage fondamental convoque aussi bien la botanique que la linguistique, l’histoire, l’archéologie et encore bien d’autres disciplines : 700 plantes cultivées y sont présentées. L’auteur consacre de nombreux chapitres au ramassage des plantes, aux techniques de transformation, aux préparations culinaires, aux pratiques culturelles, rituelles qui les accompagnent. Les outils et leur évolution sont traités également et illustrés, le lecteur découvre les utilisations de la pierre à moudre, le mortier, le pilon, la meule, le moulin, etc.
Éditions Ulmer, 2019, 688 p, 39,90 €

Retrouvez toutes les parutions reçues par notre bibliothèque
sur www.hortalia.org