La noue de Vélizy : nettoyer les eaux de ruissellement naturellement

Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines, a choisi d’utiliser une noue et des plantes dépolluantes pour retraiter une partie des eaux pluviales qui s’écoulent dans les étangs de la forêt de Meudon, légèrement en contrebas. Un chantier écolo en somme.

Un peu d’histoire et de géographie

Le centre-ville de Vélizy-Villacoublay (Yvelines), a été urbanisé dans les années soixante sur un plateau argileux qui domine la vallée de la Seine de plus de 150 mètres. Cette situation avait retenu l’attention de Louvois, ministre de Louis XIV, qui en avait profité pour alimenter les fontaines de son château de Meudon. Ses ingénieurs ont entrepris des travaux dont les vestiges sont encore bien présents, creusant des rigoles, construisant des aqueducs, aménageant des réservoirs qui collectaient l’eau du plateau.

Les urbanistes du XXe siècle, lors de la construction de la ville nouvelle de VélizyVillacoublay ont repris cette idée et créé trois émissaires pour évacuer les eaux pluviales de ruissellement vers l’étang du Trou au Gant, réaménagé pour cet usage. Cet étang se trouve dans la forêt domaniale de Meudon, une cinquantaine de mètres en contrebas de la zone urbanisée. Lors de pluies abondantes, lui-même se déverse par gravité dans les étangs d’Ursine et des Écrevisses situés dans le quartier de Vélizy bas.

Peut-être l’île flottante de l’étang du Trou au Gant, d’une surface de 25 mètres carrés, composée d’une structure en bois de chêne supportant des nattes végétalisées, sert-elle être de frayère pour les poissons qui le peuplent ? © Ville de Vélizy-Villacoublay

Et la noue dans tout cela ?

Un assemblage de gabions empierrés ralentit le courant d’eau et assure la retenue des déchets les plus grossiers © Ville de Vélizy-Villacoublay

Deux des émissaires sont des conduites enterrées qui alimentent des bassins de décantation et d’assainissement avant le rejet des eaux dans l’étang.

En revanche, le troisième émissaire débouchait directement à mi-pente dans la forêt, pour rejoindre l’étang sous forme de ruisseau. Au fil du temps, les eaux de ruissellement ont fini par creuser dans l’argile et la couche de sable de Fontainebleau une sorte de « canyon » de plus de quatre mètres de profondeur, encombré de divers déchets.

Après un examen approfondi des solutions possibles, la municipalité de Vélizy a fait le choix d’une démarche écologique et a décidé de la création de la noue-prairie humide qui réalisera un phytotraitement des effluents. Ce choix a mobilisé un important budget municipal (250 000 euros). L’ensemble des travaux s’est échelonné sur plusieurs mois à partir d’octobre 2017.

La noue relie la sortie de l’émissaire qui recueille les eaux pluviales collectées dans le quartier du mail à l’étang du Trou au Gant. Elle se déploie sur une longueur de 250 mètres. On peut distinguer trois parties successives : la chute d’eau, la noue proprement dite, et le « delta » à l’entrée de l’étang. Un assemblage de gabions empierrés (les gabions sont des cages parallélépipédiques en fort grillage remplies de blocs de pierre compactés d’un volume de près d’un mètre cube) ralentit le courant d’eau et assure la retenue des déchets les plus grossiers.

La noue proprement dite est une rigole peu profonde (80 cm environ), de faible pente, dont le fond est étanché par un géotextile spécial (géo-synthétique benthonique ou GSB). Sa fonction est de conduire lentement les eaux de ruissellement jusqu’à l’étang pour qu’elles se dépolluent progressivement sans s’infiltrer dans les sables de Fontainebleau sous-jacents. Sur ce géotextile, des nattes en fibre de coco biodégradables permettent à la végétation hélophyte (plantes de marais) de prendre racine et de croître pour jouer son rôle dépolluant, tout en favorisant une certaine évapotranspiration. Ces effets sont accentués par la présence de gabions élémentaires tous les dix mètres. Cela provoque des ralentissements successifs du flux d’eau et crée des petites mares auprès de chaque gabion.

Le rôle des plantes

Les plantes hélophytes choisies pour assurer la fonction de dépollution sont des vivaces, rustiques de nos régions : majoritairement Iris pseudoacorus et Carex sp., pour les ancrages racinaires, Lytrun salicaria, Lysymachia vulgaris et Filipendula ulmaria pour les plantes fleuries.

Ces plantes ont été cultivées en aquaculture sur des nattes de fibre de coco avant leur mise en place de façon à assurer un bon enracinement. Huit espèces sont utilisées, avec une densité de 18 à 20 plantes au mètre carré.

Les berges de la noue, normalement non submergées, sont peu pentues et plantées de graminées et d’espèces communes, demandant peu d’entretien et un fauchage sommaire. On trouve mélangés ray-grass, fétuques, dactyles, plantain, trèfle, lotier… L’ensemencement des berges est effectué de manière traditionnelle par projection d’un mélange d’eau, de graines et d’engrais. La noue débouche, en partie amont de l’étang, dans la zone roselière par une sorte de delta de pente très faible qui complète la sédimentation qui s’est poursuivie tout son long. Lors de l’étude de faisabilité de ce projet, les prévisions de dépollution par la noue étaient que soixante-dix pour cent des matières en suspension, des hydrocarbures et des divers métaux seraient retenus ou éliminés par la noue.

Agrémenter les abords de l’étang

Toute cette réhabilitation a été complétée par deux actions destinées à agrémenter les abords de l’étang lui-même, qui sont accessibles par les nombreuses allées qui sillonnent la forêt domaniale de Meudon : le reprofilage et la replantation des berges et la création d’une île flottante.

La pente des berges de l’étang a été atténuée de manière à bien maintenir en place les nattes végétalisées et à éviter l’érosion ultérieure lors des fluctuations du niveau de l’eau. Les plantes utilisées sont les mêmes que celles de la noue, ce qui complète l’action de dépollution tout en agrémentant l’aspect esthétique et floristique des rives.

La noue et une mare temporaire © Alain Le Borgne

L’île flottante ajoute de l’originalité à ce projet. D’une surface de 25 mètres carrés, elle est composée d’une structure en bois de chêne, dont la flottabilité est assurée par des plaques de liège, qui supporte des nattes végétalisées. L’ensemble est ancré dans le fond de l’étang. Très rapidement, cette île a servi de refuge de nidification aux oiseaux qui fréquentent l’étang : canards, poules d’eau… Et peut-être de frayère pour les poissons qui le peuplent !

Cette technique de gestion des eaux de pluie qui ruissellent depuis la partie urbanisée de Vélizy-Villacoublay s’inscrit dans une démarche plus générale d’aménagement écologique du cadre de vie de cette cité. La noue est un système passif, fiable, qui présente un faible coût d’entretien et une faible empreinte d’artificialisation par rapport aux systèmes classiques. Son pouvoir épurateur assure un approvisionnement des étangs en eau de qualité améliorée, ce qui doit contribuer au renforcement de la biodiversité dans cette partie de la forêt de Meudon.

Alain Le Borgne
Membre de la section fuchsias et pélargoniums de la SNHF

 

Je remercie Frédéric Hucheloup, adjoint au maire de Vélizy-Villacoublay, chargé des travaux, de l’aménagement urbain et du cadre de vie ainsi que Guerric Courson, directeur de la voirie et de l’environnement, qui m’ont facilité cette rédaction en particulier en me fournissant une documentation précieuse.

 

Une courte séquence vidéo réalisée par l’équipe du journal télévisé de Vélizy peut être visionnée sur : http://www.velizytv.fr/jt-velizy/le-jt-du-22-decembre-2017/ (à partir de 0’ 56”)