Le jardin idéal pour pollinisateurs

Vincent Albouy

Les pollinisateurs sont attirés par les fleurs sauvages, comme cette andrène rousse qui butine un pissenlit - © V. Albouy
Les pollinisateurs sont attirés par les fleurs sauvages, comme cette andrène rousse qui butine un pissenlit – © V. Albouy

Attirez les pollinisateurs dans votre jardin. Ils sont bénéfiques pour vos productions. Commencez par abandonner les pesticides chimiques et plantez des végétaux à fleurs, sans oublier la flore spontanée. Vincent Albouy nous apporte ses conseils pour réussir un jardin idéal.

Certaines pratiques sont bénéfiques à l’ensemble des insectes pollinisateurs, c’est à dire visitant les fleurs et pouvant transporter du pollen. Très nombreux, ils appartiennent à divers groupes dont les principaux sont les coléoptères, les thrips, les guêpes, les mouches, les papillons et les abeilles. Pensez à l’abandon ou à la réduction significative de l’usage des pesticides et pas seulement des insecticides. Plantez de haies fleuries à base d’essences locales (saules, prunellier, merisier, cornouillers, sorbiers, aubépine…). Laissez une place pour la flore spontanée (fleurs des prés et des champs, ronces, lierre…) dans certaines zones périphériques de votre jardin, comme la haie et son ourlet.

Abeille mellifère dans une fleur de courgette - © V. Albouy
Abeille mellifère dans une fleur de courgette – © V. Albouy

Attirez les abeilles

Si vous souhaitez aider les pollinisateurs qui ont un impact visible sur les productions de votre jardin, l’éventail des espèces à prendre en compte est bien plus réduit. Les principales cultures plus ou moins dépendantes de la pollinisation animale dans un jardin d’amateur se classent en trois grandes catégories : arbres fruitiers (amandier, cerisier, kiwi, pêcher, poirier, pommier, prunier), petits fruits (Cassissier, fraisier, framboisier, groseillier, melon, myrtille) et légumes-fruits (aubergine, concombre, courge, poivron, tomate). L’abeille mellifère, c’est à dire l’abeille des ruches, est le pollinisateur le plus efficace pour la plupart de ces cultures. Seuls le cassissier, l’aubergine et la tomate sont pollinisés principalement par les bourdons. Les autres abeilles comme les andrènes, les halictes, les osmies, etc., solitaires et sauvages, jouent un rôle secondaire mais peuvent pallier au moins en partie l’absence des pollinisateurs principaux. Les autres groupes, des coléoptères aux papillons, ne jouent qu’un rôle très marginal dans les productions du jardin, sauf dans quelques cas si vous produisez vous-même vos graines.

Bourdon des champs butinant
(à droite) Bourdon des champs butinant un pommier – © V. Albouy – (à gauche) Osmie cornue sur un cerisier en fleurs – © V. Albouy
Andrène des sables - © V. Albouy
Andrène des sables – © V. Albouy

Chatons à butiner

Bourdons et abeilles solitaires ont besoin de butiner de la fin de l’hiver à l’automne pour élever leurs larves. La plupart des femelles hivernantes de bourdon reprenant leur activité avant la fin de l’hiver, plantez un saule à leur intention si vous avez de la place dans la haie. Elles viendront butiner ses chatons qui s’ouvrent au moment de leurs premiers vols. Laissez aussi fleurir les plantes sauvages les plus précoces, comme le pissenlit, le lamier ou la ficaire, à la base de la haie ou dans un coin tranquille du jardin laissé en friche. Les premières abeilles solitaires à émerger bénéficieront aussi de ces ressources.

Offrez des fleurs

Vous pouvez organiser vos parterres fleuris de façon à offrir aux pollinisateurs des ressources en nectar et en pollen tout au long de la belle saison. Dans votre planification, n’oubliez pas que les populations d’abeilles sauvages sont les plus nombreuses au printemps et au début de l’été. C’est donc en cette période qu’il faut offrir les parterres les plus fournis, alors que c’est en été et en automne que les colonies de bourdons sont les plus populeuses. Préférez les fleurs des jardins d’autrefois et les variétés à fleurs simples, les plus proches possibles du type sauvage. En effet, les hybrides, fleurs doubles ou pompon, ont souvent perdu les organes producteurs de nectar ou de pollen. Variez au maximum le choix des espèces, pour que butineuses à langue courte comme à langue longue puissent trouver leur bonheur. Et n’hésitez pas à faire une place aux modestes fleurs sauvages, d’une beauté souvent discrète. Au potager, le carré des aromatiques, les engrais verts et les bandes fleuries peuvent aussi procurer des fleurs intéressantes à butiner.

Installez une ruche

Le meilleur moyen de voir son jardin visité par les abeilles mellifères consiste à y installer une ruche, à condition de pouvoir la placer dans un coin tranquille et de l’isoler par une haie, un mur ou une palissade jointive d’au moins 2 m de hauteur, pour éviter piqûres et conflits de voisinage. Une ruche de pollinisation, dont le miel n’est pas récolté, demande peu de soins et vous risquerez moins d’exciter les abeilles, donc de provoquer des piqûres. A défaut, il vous faut compter sur d’éventuelles colonies dans votre voisinage. Avec la vogue de l’apiculture urbaine, l’abeille mellifère est probablement l’un des insectes les plus communs dans les villes.

Trois types de ruches au fond d’un jardin
Trois types de ruches au fond d’un jardin : Dadant (à G), Veuille et Warré – © V. Albouy

 

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Bourdon des champs butinant une bourrache VA
Bourdon des pierres butinant une phacélie – © V. Albouy

Des espèces pour bourdons

Voici un choix d’espèces particulièrement attractives pour les bourdons :

1)   Parterre fleuri : bourrache, pavot, lin, digitale, centaurées, rose trémière, gueule de loup, bruyère, callune

2)    Pelouse fleurie : pissenlit, trèfle des prés, sainfoin, anthyllide, lotier, centaurées

3)    Zone en friche : lamier blanc, vipérine, ronce

4)    Haie basse : groseillier à fleurs, weigélia

5)    Carré d’aromatiques : romarin, thym, sauge officinale, lavande

6)    Engrais verts : Phacélie, moutarde blanche

 

Coins tranquilles pour solitaires

Bourgade d'halictes sur une pelouse
Bourgade d’halictes sur une pelouse piétinée © V. Albouy
Dasypode abeille a culotte
Dasypode, appelée aussi abeille a culotte, sortant de son terrier  © V. Albouy

Les abeilles solitaires ont besoin de sites particuliers pour nidifier. Aménagez-les à leur intention dans les coins tranquilles du jardin. Un grand tas de terre sableuse laissé contre un mur dans un coin tranquille et ensoleillé, des plages de sol nu (allées piétinées au milieu de la pelouse par exemple) permettent aux espèces terricoles comme les halictes, les dasypodes ou les andrènes de creuser leur terrier. Si vous en avez la possibilité, aménagez de petites falaises de terre orientées à l’est ou au sud en entaillant une pente. Des anthophores et autres espèces fouisseuses préférant les surfaces verticales pourront venir y installer leur terrier. Quand vous taillez buissons et arbustes à moelle (rosier, buddléia, sureau, ronce …), laissez des chicots pour que les espèces dites « caulicoles » puissent y creuser leurs galeries. Gardez du bois mort dans votre haie pour les osmies, les xylocopes ou les anthidies.  

Nichoirs en tous genres

Osmie cornue bouchant le trou d'un nichoir
Osmie cornue bouchant le trou d’un nichoir dans lequel elle a installé́ ses cellules  © V. Albouy
Un hôtel à insectes peut abriter plusieurs types de nichoirs destinés aux abeilles solitaires
Un hôtel à insectes peut abriter plusieurs types de nichoirs destinés aux abeilles solitaires  © V. Albouy

Si votre jardin manque d’endroits favorables, vous pouvez compenser en partie par la pose de nichoirs. Les plus efficaces et les plus durables sont fabriqués à l’aide de sections de bambou ouvertes à une extrémité et fermées à l’autre par un nœud et rassemblés en botte. Mais toutes les tiges creuses d’un diamètre intérieur compris entre 2 et 10 mm peuvent convenir, notamment la paille des céréales ou les tiges de roseau. La même recette est applicable pour aider les espèces préférant loger dans des tiges à moelle. Vous pouvez également offrir à vos abeilles sauvages un morceau de branche morte artificiel en perçant des trous dans une bûche ou un bloc de bois dur (chêne par exemple) sans les traverser et en ébarbant soigneusement l’entrée.  

Posez ces nichoirs à proximité immédiate des cultures et des parterres de fleurs. Accrochez-les sur un mur à 1 ou 2 m de hauteur, à l’abri d’un auvent ou du renfoncement d’une fenêtre, ou bien fixez-les sur des piquets, toujours dans un endroit bien ensoleillé une bonne partie de la journée, orientation est ou sud-est.

Bourdons bien logés

Occupant souvent les trous du sol et autres anfractuosités pour y installer leur nid, les bourdons ne connaissent pas la crise du logement. Les nichoirs mis à leur disposition sont rarement occupés spontanément. Ils apprécieront bien plus un ourlet d’herbes hautes le long de la haie ou un amoncellement de pierres, un tas de rondins qui augmenteront les opportunités de s’installer. Laissez les feuilles mortes s’accumuler sous les arbres et arbustes de la haie, un tapis de mousse se développer dans quelques coins sombres et tranquilles pour procurer des sites d’hivernage aux jeunes femelles fécondées à l’automne qui fonderont les nouvelles colonies au printemps.

Couvain de bourdon des champs dans un nichoir
Couvain de bourdon des champs dans un nichoir – © V. Albouy
Reine de bourdon terrestre cherchant un trou pour nicher
Reine de bourdon terrestre cherchant un trou pour nicher – © V. Albouy

 

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