Frileuse tomate…

Le printemps, avec ses jours plus doux et plus chauds, peut inciter à planter les tomates plus tôt que par le passé. En réalité, il convient de rester prudent, le froid et le gel, parfois tardifs, peuvent s’avérer des ennemis redoutables pour le fruit en forme de cœur.

Symptômes caractéristiques en « face de chat » © D. Veschambre

Depuis quelques années, tout incite à planter les tomates et autres légumes d’été de plus en plus tôt, parfois dès le 10 ou 15 avril, un mois souvent bien ensoleillé et doux, avec l’idée, peut-être, que le réchauffement climatique devient une réalité. Pour répondre à cette demande, l’offre de plants bien développés est de plus en plus précoce dans les jardineries, certains présentant des fleurs et parfois un ou deux jeunes fruits formés. Les déconvenues ne sont pourtant pas rares : plantes souffreteuses, fleurs avortées, fruits déformés et même nécessité de replanter à la suite d’un gel inopiné…

Le réchauffement effectif donné par les experts climatologues serait une augmentation d’environ 1 °C de la température moyenne depuis vingt ans. Ce n’est pas pour autant que les basses températures sont éliminées, et encore moins le risque de gelées tardives meurtrières. Certains estiment même que le risque de dégâts aux cultures par gel tardif serait accru. En effet, seul le nombre de jours de gel tardif serait diminué mais pas les dates d’occurrence : survenant sur des plantes plus développées, le gel serait donc encore plus meurtrier.

Le réchauffement effectif donné par les experts climatologues serait une augmentation d’environ 1 °C de la température moyenne depuis vingt ans. Ce n’est pas pour autant que les basses températures sont éliminées, et encore moins le risque de gelées tardives meurtrières. Certains estiment même que le risque de dégâts aux cultures par gel tardif serait accru. En effet, seul le nombre de jours de gel tardif serait diminué mais pas les dates d’occurrence : survenant sur des plantes plus développées, le gel serait donc encore plus meurtrier.© D. Veschambre

Des difficultés de croissance

Originaire des régions côtières du Pérou et du Mexique, la tomate est une plante de chaleur qui ne supporte pas la fraîcheur et encore moins le froid : elle gèle irrémédiablement à -1 °C. Pour une plante adulte, l’optimum de croissance se situe entre 25 °C et 30 °C le jour. Les températures optimales pour la nouaison se situent entre 21 ° et 25 °C le jour, avec un minimum de nuit de 17 ° à 19 °C. Au printemps les températures sont rarement à ce niveau. Il faut aussi considérer les températures limites.

On considère que le « zéro végétatif » de la tomate est +7 °C : à cette température et en dessous, sa croissance s’arrête et elle prend une couleur bleue violacée, signe d’une mauvaise absorption du phosphore. En dessous de +5 °C peuvent survenir des nécroses irréversibles. Si les températures deviennent plus clémentes par la suite, la croissance peut reprendre mais avec un retard significatif. Toutefois, ce retard serait en fin de compte bénin, s’il n’y avait des dégâts sur les fruits, notamment du premier bouquet.

Tomate avec « fermeture éclair ». Ce symptôme peut se cumuler avec celui de « face de chat » -min © D. Veschambre

Des défauts de développement des fruits

Une basse température nocturne, entre 10 et 15 °C, survenant trois semaines avant le début de la floraison et pendant la floraison peut provoquer des crevasses typiques du fruit en forme de trous pouvant faire penser à une « face de chat » (cat facing). Ces symptômes présentent des intensités variables en fonction de la sensibilité des variétés. Ces crevasses, entourées de zones dures, pénètrent assez profondément le fruit : pour le consommer, un épluchage sera nécessaire.

Les basses températures au printemps s’accompagnent souvent d’une faible luminosité et d’une forte hygrométrie, conséquences d’une météorologie nuageuse et pluvieuse. Ceci peut contrarier le bon déroulement de la pollinisation, donc de la nouaison et du développement des fruits, notamment du premier bouquet.

La tomate est une espèce avant tout autofertile et autopollinisée. Le pollen libéré par les étamines doit parvenir au stigmate, pour ensuite pouvoir féconder les ovules et obtenir ainsi un développement correct du fruit. La conformation de la fleur suppose un pollen libre d’aller de façon anémophile, depuis les anthères jusqu’au stigmate (même si occasionnellement des insectes peuvent apporter une aide favorable à ce transfert en agitant les fleurs).

Si l’air est trop humide, les grains de pollen vont rester agglomérés et ne pourront « voler » des fentes staminiques jusqu’au stigmate. Les anthères vont, en outre, avoir tendance à adhérer à l’ovaire, ceci pouvant occasionner par la suite une ligne liégeuse sur le fruit, d’une forme typique en fermeture éclair (« zip »). Ce défaut reste esthétique, le fruit n’étant pas véritablement altéré.

En revanche, le faible nombre de graines formées, voire pas de graines du tout, peut avoir des conséquences plus dommageables : la fleur peut avorter et chuter, ce qui réduit le nombre de fruits formés sur le bouquet, le ou les fruits formés resteront petits, creux, présentant des faces aplaties, avec une médiocre qualité gustative (acide, peu sucré, pas de saveur).

Abriter temporairement la jeune plantation ?

Il peut être tentant de protéger la plantation grâce à un abri bas provisoire en plastique PE (polyéthylène). Ceci permet d’augmenter les températures de jour et ainsi d’activer la croissance. Ceci reste favorable moyennant quelques précautions. Tout d’abord, aérer tous les jours sera indispensable pour bien sécher l’air sous cet abri et ainsi faciliter la pollinisation. Ensuite, il faudra considérer que l’abri en PE n’est pas une protection antigel ! Sa transparence aux ondes infrarouges laisse échapper, durant la nuit, la chaleur accumulée dans le sol pendant le jour : en fin de nuit, il fera aussi froid sous l’abri qu’à l’extérieur et même parfois plus froid si la nuit est claire et ventée (phénomène d’inversion de température).

La date de la plantation des tomates : un point essentiel pour la réussite

Traditionnellement, dans de nombreuses régions, le 1er mai est la date avant laquelle il est hasardeux de planter des tomates en plein air. On peut en revanche, à cette date, planter des plantes bien développées avec des fleurs épanouies, si toutefois les prévisions météorologiques sont favorables. Sinon, il est plus prudent de garder ses plants en un lieu protégé des températures trop fraîches.

Cette date du 1er mai pourra être avancée de huit à dix jours sur le littoral méditerranéen, voire un peu plus sur la Côte d’Azur. Il sera au contraire nécessaire de retarder la plantation au 6 ou 8 mai dès que l’altitude dépasse 300 à 500 mètres. Les plantations trop précoces qui ne seraient pas compromises par une météorologie peu clémente ne permettront, en fin de compte, qu’une avance de quelques jours de l’entrée en production, par rapport à une date plus tardive et sûre : l’avantage s’avère donc bien mince par rapport aux risques encourus.

 

Daniel Veschambre
Membre du conseil scientifique de la SNHF et du comité de rédaction de Jardins de France