Forsythia : un genre diversifié

Arbuste ornemental des plus communs, le forsythia peut être hybridé, muté, bouturé. Les formes rencontrées sont variées afin de surprendre et ravir les collectionneurs et les amateurs. À la rencontre d’un genre.

Le forsythia est un arbuste ornemental commun de nos jardins. Appartenant à la famille des Oleaceae, il est proche des lilas, jasmins, frênes et oliviers. Originaire d’Asie, à l’exception d’une seule espèce européenne, il figure en bonne place dans la pharmacopée asiatique traditionnelle. C’est dans ces régions que la variabilité naturelle s’est manifestée par hybridation ou mutations naturelles, mais c’est principalement en Europe et en Amérique du Nord que sa diversification horticole s’est poursuivie, par hybridation plus ou moins bien contrôlée et par traitements mutagènes, donnant naissance à un certain nombre de variétés multipliées par bouturage.

Diversité spécifique du genre

D’assez nombreuses espèces botaniques ont été décrites à partir de caractères morphologiques tels la structure de la moelle des rameaux, la forme des feuilles et des pétales et la longueur des pédicelles. La couleur des fleurs, d’un jaune plus ou moins intense, distingue le Forsythia du genre botaniquement le plus proche, Abeliophyllum, souvent commercialisé sous le nom de « forsythia blanc ». Actuellement, on dénombre treize espèces dont six en Chine, quatre en Corée, deux au Japon et une en Europe. Naturellement diploïdes, les deux genres cousins portent 28 chromosomes. La diversification par voie sexuée est favorisée par un mécanisme que l’on retrouve également chez la primevère et la salicaire, l’hétérostylie. Un plant de forsythia porte des fleurs d’un seul type, brévi- ou longistylées. Une fleur brévistylée est caractérisée par un style court caché par les étamines dont la longueur est plus importante. Un forsythia brévistylé ne peut donc se croiser qu’avec un forsythia longistylé (porteur d’un style qui surplombe les étamines). Cette caractéristique favorise ainsi la diversification. L’apparition de formes à feuillage panaché est la démonstration la plus évidente de l’existence des mutations naturelles.

Bourgeons de forsythia témoin et forsythia modifié, porteur d’un gène de biosynthèse d’anthocyanes © A. Cadic
Une autre forme de diversification : l’emploi de techniques horticoles, ici greffage du F. ‘Courtasol’ Marée d'or, rampant sur une tige d’un forsythia vigoureux © A. Cadic

Les analyses moléculaires des génomes nucléaires ou chloroplastiques révèlent des différences qui, le plus souvent, ne se manifestent pas visuellement. Au moins deux mutations naturelles ont été sélectionnées et sont encore commercialisées : ‘Spring Glory’ en 1942 dans l’Ohio, issue de F. x intermedia ‘Primulina’, et ‘Lynwood’, en Irlande du Nord, en 1957, issue de F. x intermedia ’Spectabilis’.

F. manshurica et sa variété ‘Vermont Sun’ ont 42 chromo- somes et pourraient provenir d’un croisement entre une forme tétraploïde à 56 chromosomes et une forme diploïde à 28 chromosomes sans intervention humaine. L’espèce a été introduite de Mandchourie au Japon en 1929, du Japon au Canada en 1940 et de là, dans le Vermont (États-Unis) où la variété a été sélectionnée pour sa résistance au froid et dénommée.

Diversité orientée

En dehors de l’espèce F. europea, découverte dans les Balkans en 1897, l’introduction en Europe des forsythias a débuté en 1833 par celle de F. suspensa var. sieboldii puis s’est poursuivie, en 1844, par celle de F. viridissima. Vers 1880, un plant observé dans un jardin botanique allemand, F. x intermedia, a souvent été décrit comme un hybride des deux premières et élevé au rang d’espèce nouvelle. Ceci a été infirmé par les analyses de l’ADN chloroplastique. Depuis cette époque, de très nombreuses variétés ont été obtenues par semis, le plus souvent de manière non contrôlée. Dans le même temps, des variations d’espèces ont été intro- duites à partir de leurs zones d’origine comme F. suspensa var. fortunei, F. suspensa ‘Atraucaulis’.

Des hybridations contrôlées ont été effectuées au Canada et en Pologne utilisant F. ovata comme géniteur pour introduire la résistance au froid dans des variétés plus vigoureuses et plus ornementales. Les premiers travaux de recherche sur le genre ont été effectués par un cytogénéticien américain, Karl Sax. Il a utilisé la colchicine pour provoquer le doublement du nombre de chromosomes. Au début des années 1940, il a ainsi produit une variété à 56 chromosomes, ‘Arnold Giant’, qui n’a pas connu une grande carrière commerciale mais qui a été recroisée par F. x intermedia ‘Spectabilis’ pour donner, en 1944, une population dénommée « Farrand Hybrids ».

Traitements mutagènes

En France au début des années 1970, puis à nouveau aux États-Unis, des traitements mutagènes utilisant le rayonnement gamma ont été entrepris. Ces traitements, réalisés sur des bourgeons végétatifs en hiver conduisent presque inévitablement à des structures en chimère où les cellules non mutées et les cellules mutées se concurrencent pour reformer un méristème viable. Ceci nécessite la mise en place d’un protocole destiné à favoriser les cellules mutées pour récupérer des plantes entières homogènes pour le(s) caractère(s) muté(s). Des mutants assez nombreux ont été obtenus, parmi lesquels un mutant à feuillage semi-persistant dont les feuilles possédaient une cuticule à la face supérieure et deux fois moins de stomates à la face inférieure.

Des mutants plus compacts ont aussi été obtenus : un mutant de F. viridissima qui n’a pas été retenu en raison de sa floraison peu spectaculaire, un mutant de F. x intermedia ‘Vitellina’, ‘Courtadic’ Melisa, rapidement abandonné du fait d’un état chimérique qui, au cours de la multiplication accélérée retournait au type vigoureux de départ. Plus importante a été la découverte d’un mutant de la variété ‘Spring Glory’, le seul à produire une quantité importante de fruits. La récolte de ces fruits et le semis des graines ont donné une population exprimant une diversité importante sur la vigueur, l’abondance de la floraison, la nuance du jaune et la précocité de floraison.

Les plantes obtenues, toutes passées par la fécondation, ne pouvaient pas être en chimère. Une sélection a donné naissance aux variétés ‘Courtasol’, ‘Courtacourt’, ‘Courtaneur’ et ‘Courdijau’, plus connues sous leurs noms de marque Marée d’or (Gold Tide), Boucle d’Or, Mêlée d’or et Casque d’Or (Golden Peep). En Corée, un mutant panaché de F. koreana, ‘Seoul Gold’, multiplié en masse en culture in vitro, a donné naissance à un variant à feuillage uniformément doré sensible au plein soleil. Dans les années 1990, la variété F. x intermedia ‘Spring Glory’ a été génétiquement modifiée par insertion d’un gène de la chaîne de biosynthèse des anthocyanes avec pour objectif la modification de la couleur des fleurs. Des plantes trans- géniques ont été obtenues. Mais l’expression du gène a été trop faible pour cacher la couleur jaune. Ce matériel n’a pas été conservé.

Fleur de forsythia longistylée (porteuse d’un style qui surplombe les étamines) © A. Cadic

Conclusion

La diversité est devenue bien plus importante dans nos jardins que celle que l’on aurait pu imaginer au début du XXe siècle. Des introductions nouvelles, des mutations spontanées, la variation dans les semis, puis des programmes organisés de sélection pour modifier la résistance au froid, la polyploïdie, la dimension des fleurs, le volume des plantes, la précocité de floraison… en sont responsables.