Deux ravageurs redoutables des palmiers à connaître pour en limiter les dégâts

Nombreux sont les ravageurs des palmiers: plus de 130 ont été décrits dans le monde.
Mais seuls quelques-uns font des dégâts pouvant induire la mort de leur hôte, et notamment deux,
particulièrement nocifs, arrivés en France ces dernières années.

Symptome affaissement houpier
Symptôme caractéristique d’affaissement du « houpier » lié au charançon rouge du palmier © Fredon Corse

Le papillon du palmier, Paysandisia archon

Originaire d’Argentine, le papillon du palmier, Paysandisia archon a été observé pour la première fois en Europe en 1990 et dans le sud est de la France en 2001. Aujourd’hui, il est présent dans tout le sud métropolitain et en Corse, et a également été signalé en Bretagne et Pays de la Loire. La dissémination se fait par les échanges de plantes, mais aussi par son vol, jusqu’à 3 km par jour. Le papillon du palmier (entre 9 et 11 cm d’envergure) se distingue par ses ailes antérieures brun verdâtre et ses ailes postérieures orange, avec une large bande noire transversale contenant cinq ou six cellules blanches. Les adultes apparaissent de la mi-mai à fin septembre et volent aux heures les plus chaudes. Il y a un seul cycle par an. Ils deviennent sexuellement matures rapidement et les œufs, dont la femelle peut pondre plus d’une centaine, sont le plus souvent pondus de manière isolée. Les œufs de P. archon sont typiques, de 4,69 ± 0,37 mm, fusiformes, ressemblant à un grain de riz. Juste après l’éclosion, les chenilles pénètrent dans les tissus du palmier où elles se nourrissent pendant plusieurs mois, jusqu’à atteindre une dizaine de centimètres.

Le charançon rouge du palmier, Rhynchophorus ferrugineus

Le charançon rouge est un coléoptère de couleur rouge orangé vif avec des taches noires plus ou moins marquées de 19-42 mm de longueur et de 8-16 mm de largeur. Ce ravageur, identifié en France en 2006, est originaire de l’Asie du Sud-Est. Il a d’abord envahi la plupart des palmeraies de la péninsule arabique, en une dizaine d’années, puis s’est largement répandu sur le littoral méditerranéen, attaquant principalement les palmiers des Canaries (P. canariensis), mais aussi une quarantaine d’autres espèces de palmiers. Il a été récemment observé en Bretagne et Pays de la Loire. Il vole essentiellement en journée de mars à décembre, lorsque la température est assez élevée, parcourant jusqu’à 7 km. Les mâles émettent une hormone d’agrégation, qui entraîne des attaques massives coordonnées provoquant souvent l’effondrement et la mort du palmier. La femelle pond de 100 à 300 œufs dans les tissus des feuilles centrales et des blessures du stipe ainsi que sur les rejets du palmier dattier. Après éclosion, les larves creusent des galeries, s’y nourrissent et y vivent tout leur développement. Le cycle dure entre trois et dix mois.

Par an, on peut en compter un à quatre selon les températures moyennes. Les œufs (2,6 x 1,1 mm) blanc crème, oblongs et brillants éclosent en trois jours. Les larves composées de 13 segments sont jaunâtres sans pattes et atteignent en fin de développement 5 cm. Le cocon est tissé comme une bobine de fil.

Femelle adulte
Femelle adulte du charançon rouge du palmier © Fredon Corse
Phoenix charancons
À Hyères-les-Palmiers, ce Phoenix n'a pas résisté aux charançons © R. Bénézet

Symptômes et diagnostic

Dans le bassin méditerranéen, il faut deux à trois générations avant qu’un palmier (des Canaries, P. canariensis, ou dattier, P.dactylifera) ne soit tué par une infestation de R. ferrugineus. La rapidité du diagnostic et celle de l’intervention sont donc cruciales : il faut rechercher des symptômes et déterminer s’il y a une activité de ravageurs, notamment grâce à des systèmes de piégeage. Les symptômes peuvent passer inaperçus si l’on n’est pas attentif et n’apparaissent souvent que bien après le début de l’infestation.

Pour le papillon du palmier :
• Perforation des palmes ;
• Présence de trous et de galeries dans le tronc (palmiers à feuilles palmées) ou à la fois dans le tronc et les rachis des
feuilles (palmiers à feuilles pennées);
• Desséchement prématuré des palmes, notamment centrales ;
• Développement anormal des palmes centrales et des bourgeons auxiliaires ;
• Du bruit à l’intérieur du tronc ;
• De la sciure agglomérée et/ou des exuvies nymphales sur le stipe ;
• Des adultes volants ;
• Des œufs dans les fibres du palmier;
• Sans symptômes évidents, des larves à l’intérieur du tronc.

Pour le charançon rouge du palmier, les éléments de diagnostic sont :
• Présence d’encoches sur les palmes ;
• Chute anormale de palmes vertes ;
• Désaxement des palmes du pinceau central;
• Présence de sciure et/ou de cocons à la base des palmes.

Larve et cocon
Larve et cocon du charançon rouge du palmier © Fredon Corse
Stades charançon rouge
Les différents stades de développement du charançon rouge du palmier: cocon, larve, chrysalide et adulte © Fredon Corse

La protection

Avec la réduction des moyens de protection autorisés, défendre les palmiers contre ces deux ravageurs est devenu une opération délicate. P. archon ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière, à l’inverse de R. ferrugineus sur le territoire de l’Union européenne en tant qu’Organisme réglementé non de quarantaine (ORNQ), au titre du règlement (UE) 2016/2031. La réglementation impose alors un seuil de présence à 0 % pour R. ferrugineus concernant les matériels de multiplication destinés à la plantation. Cette réglementation européenne est complétée par une réglementation spécifique française de lutte obligatoire (arrêtés ministériels du 16 avril 2020 et du 25 juin 2019), elle-même complétée par des arrêtés préfectoraux précisant les mesures de lutte et la liste des périmètres de lutte pour les régions concernées. Toute personne est tenue d’assurer une surveillance des palmiers au minimum trimestriellement. En cas de présence ou de suspicion de présence de charançon rouge du palmier, une déclaration doit être faite à la Draaf de sa région ou au maire de sa commune de résidence.

En présence du charançon rouge du palmier, le propriétaire a l’obligation de faire procéder à son éradication par une personne ou une entreprise agréée, soit par la destruction de la seule partie infestée du végétal (suivie de traitements insecticides et fongicides), soit par la destruction totale du végétal.

La protection des palmiers est l’affaire de tous, y compris des structures publiques. Il est important qu’il y ait l’installation du réseau de piégeage afin de suivre l’évolution de ces deux insectes pour en limiter la prolifération. Il est aussi nécessaire de faire un repérage en continu des foyers actifs pour assainir ou abattre les palmiers infestés.

Les stratégies de lutte sont à envisager selon le degré de colonisation :
• En zone largement colonisée, couplage des méthodes préventives et curatives sur un maximum de palmiers puisque l’éradication est devenue impossible ;
• En zone avec les premiers signalements, l’objectif doit être l’éradication;
• En absence de signalements, il faut malgré tout assurer une surveillance continue.

Les méthodes préventives

Une seule technique peut être mise en œuvre directement par un privé : le traitement à base de nématodes entomopathogènes. Néanmoins, il existe des méthodes de bon sens qui limitent les colonisations : éviter la taille des palmiers en période de vol (mars à octobre), le broyage des déchets (palmes…) et éviter de planter des espèces trop sensibles. Un professionnel agréé peut appliquer un traitement avec une spécialité commerciale disposant d’une autorisation pour cet usage.

Dans le cas de P. archon, une protection prophylactique à base de glu est possible en plus. En zone méditerranéenne, les traitements préventifs des palmiers ne sont plus obligatoires.

Les méthodes curatives

Parmi les méthodes curatives, on trouve les traitements à base de nématodes entomopathogènes. Concernant, P. archon, le nettoyage des galeries peut être effectué par curetage mécanique. Enfin, il faut abattre les palmiers dépérissants. En conclusion, la protection des palmiers est l’affaire de tous, d’autant plus que la situation est critique en zone méditerranéenne et la mise en œuvre d’une lutte efficace difficile. Néanmoins, la recherche s’active à mettre au point de nouvelles techniques de protection.

 

François Villeneuve
Membre du Comité de rédaction de Jardins de France