Des sources historiques au service des sélectionneurs

Valéry Malécot

Les données historiques apportent des connaissances importantes permettant de préciser l’application des noms, de recenser les variations déjà connues dans un groupe végétal, et aussi de retracer l’histoire de la sélection au sein d’une espèce… Le projet BRIO, Breeding, Research and Innovation on Ornamentals, offre aux entreprises partenaires et obtenteurs, des outils leur permettant d’optimiser la création variétale. Un passé au service du futur…

   Hibiscus syriacus Spartium junceum

Labellisé par le pôle de compétitivité Végépolys, le projet collaboratif BRIO est financé par le FUI (Fonds Unique Interministériel). L’objectif de ce projet est de transférer aux entreprises partenaires des démarches pour optimiser le choix des outils de création variétale et des géniteurs à utiliser pour huit genres ornementaux. Parmi les éléments nécessaires aux choix de ces outils, la compilation et la synthèse des données historiques, souvent dispersées, sont particulièrement importantes, car elles permettent de préciser l’application des noms, de recenser les variations déjà connues dans le groupe, et aussi de retracer l’histoire de la sélection.
Quelques exemples choisis parmi les plantes du programme BRIO permettent d’illustrer les cas nécessitant un recours indispensable aux sources anciennes. Dans le cas de Spartium junceum, les documents plus ou moins anciens donnent un exemple de variation de caractère qui peut avoir un intérêt horticole. Dans le cas des espèces l’Agapanthus umbellatus et l’A. africanus, l’on constate un usage confus de ces deux noms pour désigner, en culture, les mêmes plantes. Un retour aux publications d’origine s’avère alors nécessaire. Enfin, l’exemple d’Hibiscus syriacus illustre toute la difficulté pour retrouver l’obtenteur et le mode d’obtention d’un cultivar précis.


        

L’intérêt horticole des variations au sein d’une espèce

Malgré une homogénéité morphologique certaine des plantes cultivées, des variations ont été décrites dans le cas de Spartium junceum, une plante multipliée par semis. Ainsi, cette espèce a également été nommée Genista odorata par Conrad Moench pour faire référence à l’odeur des fleurs. Par ailleurs, le nom Spartium acutifolium (publié en 1837 par John Lindley) a été proposé pour des individus dont les feuilles ont leur apex [1] aigu et non pas arrondi, et dont les inflorescences sont plus lâches. L’année suivante (en 1838), David Don décrira ce qui semble être le même lot de plantes sous le nom Spartium junceum var. odoratissimum, en précisant que les fleurs sont plus odorantes que celles de la variété type. Si les variations de forme des feuilles sont peu pertinentes dans un contexte ornemental, ces anciennes mentions d’individus plus odorants concernent un caractère qui pourrait être favorisé aujourd’hui.

                

 

Agapanthus africanus © La Belgique HorticoleSur les traces de l’origine et de l’obtenteur…

Parmi les cultivars d’Hibiscus syriacus, il existe une plante à feuillage panaché et à fleurs doubles nommée Hibiscus syriacus ‘Purpureo Variegatus’. C’est l’un des cultivars aux fleurs les plus sombres mais qui ne s’ouvrent jamais, les boutons floraux tombant avant leur ouverture. La première mention trouvée pour ce cultivar remonte à 1868 dans le volume 18 de La Belgique Horticole. La planche 17 de ce volume présente ainsi un Hibiscus syriacus L. flor.[e] purpureo- plenis fol.[iis] argenteo marginatis. En page 277 du texte, c’est le nom Hibiscus fol.[iis] varieg.[atis] et fl.[ore] pleno qui apparaît, en référence à une plante étudiée par Edouard Morren se trouvant dans la pépinière Jacob-Makoy (à Liège). En prime, une note en bas de page 278 signale que " L’hibiscus à feuilles panachées et à fleurs doubles a été annoncé naguère par M. Van Houtte dans ses catalogues. L’établissement de Gendbrugge l’avait reçu d’Amérique. Comme il n’est pas probable que l’hibiscus de Syrie soit spontané aux Etats-Unis, il nous est permis de supposer que cette " monstruosité " s’est montrée fortuitement chez quelques pépiniéristes d’outre-mer. Par contre, aux États- Unis, Liberty Hyde Bailey écrira en 1895, dans son livre Plant Breeding : " Hibiscus syriacus flore pleno variegata : this variety, whose leaves are variegated with yellowishwhite, appeared in 1858 upon a plant with entirely green leaves[2], ". De ces éléments, on peut donc déduire que ce cultivar pourrait être un sport obtenu en 1858 aux USA, et que le parent possible est forcément un cultivar ancien à feuillage vert.

 

Deux noms, une seule plante !

Dans le genre Agapanthus, on trouve de manière confuse les noms Agapanthus africanus et Agapanthus umbellatus, ce dernier nom semblant le plus fréquent. Lorsque l’on reprend les publications originelles de ces deux noms, on se rend compte que Charles Louis L’Héritier de Brutelle (auteur, en 1789, du nom Agapanthus umbellatus) met en synonymie le nom Crinum africanum, publié par Carl von Linné en 1753. Compte tenu des règles de priorité, c’est l’épithète créée par Linné (donc " africanum ") qui doit être associée au nom de genre Agapanthus. C’est ce qu’a fait, le premier, le Baron Johann von Hoffmannsegg en 1824. C’est donc le nom Agapanthus africanus (L.) Hoffmanns qui est à utiliser pour désigner les individus correspondants.

 

 


[1]Apex : l'extrémité d'une racine ou d'une tige

[2Cette variété d’Hibiscus, dont les feuilles sont panachées de jaune-blanc, est apparue en 1858 sur une plante au feuillage entièrement vert.