Des « rosiers à jeter » dont on ne se débarrasse pas : Les Miniatures

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Les Miniatures ont fait progresser le marché des roses dans le dernier quart du XXe siècle. Ils font partie des rosiers que l’on a toujours affectionnés pour la petitesse de leurs fleurs et ils sont aujourd’hui une plante de consommation courante.

Le Groupe des Miniatures est un ensemble complexe de cultivars (1*) de petite taille, présentés en pot. On en connaît peu l’histoire, et celle de leur développement en Europe moins encore. C’est sur cet aspect que des éclaircissements peuvent être apportés.

Des rosiers miniatures, mais pas nécessairement de petite taille

Les rosiers miniatures sont, par définition, des arbustes à petit développement, mais la hauteur n’a pas toujours été leur caractère le plus déterminant. Dans les formes anciennes, c’est la taille réduite de la fleur qui a retenu l’attention, et les buissons pouvaient atteindre une taille moyenne. L’exemple en est ‘Cécile Brünner’ (Ducher, 1881) : le rosier ne dépasse pas 40 cm, la forme arbustive atteint 2 mètres et le « sport » spontané grimpant jusqu’à 6 mètres. Pour la plupart, ces rosiers provenaient de Rosa chinensis var. minima, introduit en Europe comme botanique. Mais, on compte aussi, parmi les ancêtres, des mutations naines de Polyantha, ainsi que des hybrides.

Des rosiers botaniques, dits miniatures, aux Miniatures proprement dits

Des rosiers à fleurs réduites, plus grands que les miniatures modernes et qui sont des mutations naines de Galliques et de Centfeuilles, ont été cultivés en Europe dès le XVIIe siècle : ‘Pompon de Bourgogne’ (une variété de Centfeuilles) est de ceux-là.

Les premières mentions fiables d’un Miniature datent du début du XIXe siècle et se rapportent au R. chinensis var. minima déjà cité, apparu sous des noms qui ont beaucoup varié. De ces ancêtres sont issus ‘Pompon de Paris’, ‘Caprice des Dames’ et ‘Rosier de Lawrance’ à floraison remontante, dont le succès s’est maintenu au plus haut entre 1830 et 1850. Il s’agissait de nouveautés destinées aux dames, vendues en pot avec les petits bouquets.

Après un long oubli, le regain d’intérêt est venu avec la découverte, en 1917, d’un rosier sur le rebord d’une fenêtre dans un village du Jura suisse. Identifié comme une espèce nouvelle (des études génétiques ont déterminé depuis qu’il s’agissait d’une mutation de ’Old Blush’), il a été cultivé sous le nom de R. rouletii, d’après Roulet, médecin-colonel de l’armée suisse, qui l’avait repéré. Le rosier a été utilisé par deux hybrideurs, le Hollandais J. De Vink (‘Tom Thumb’ syn. ‘Peon’, 1936) et l’Espagnol P. Dot (‘Perla de Alcanada’, 1944).

À l’origine de nos Miniatures d’aujourd’hui, R. rouletii et ses descendants sont de très petits rosiers, de 20 cm. L’intérêt de R. rouletii tient au fait que ses gènes sont dominants lorsqu’on le croise avec de grands rosiers.[/vc_column_text][vc_media_grid element_width= »6″ item= »masonryGrid_BlurOut » grid_id= »vc_gid:1583421972103-d721b056-d24f-0″ include= »17448,17449″][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

Les Miniatures deviennent américains

‘Peon’ de J. De Vink, diffusé très tôt aux États-Unis, est devenu un succès commercial sous le nom de ‘Tom Thumb’ (‘Tom Pouce’) (2*). Les rosiers miniatures venaient de trouver leur vocation de produit de consommation, se prêtant à la décoration des jardinières et des tables de fête.

En effet, leur développement a été favorisé grâce à l’obtenteur américain R. Moore qui avait entrepris, dans les années 1940, un programme consistant à se servir de gènes plus faciles à intégrer que ceux de R. rouletii. Moore développa deux lignées originales et ces deux lignées, avec une troisième issue de ‘Zee’ (un grimpant issu d’un croisement ‘Carolyn Dean’ x ‘Peon’), furent les sources d’une extraordinaire multiplication de formes. Pendant ce temps, le marché en Europe restait confidentiel, malgré des obtenteurs efficaces, comme P. Dot, F. Meilland, De Vink, de Ruiter, Kordes, dont les meilleures ventes se réalisaient aux États-Unis.

Au cœur des rosiers miniatures en Europe : inventivité française et taylorisme danois

En Europe, le profil de ces plantes n’enthousiasmait pas la clientèle. En qualité, cependant, la production était du niveau des cousins américains : ‘Zwergkönig’ syn. ‘Dwarf King‘ (1954) et ‘Zwergkönigin’ (1955, Kordes), ‘Baby Masquerade’ (1955, Tantau), ‘Happy’ syn. ‘Alberich’ (1954, De Ruiter) sont des créations de cette époque.

Les cultivars obtenus par Koster entre 1930 et 1950 à la suite d’heureuses mutations ont même connu, aux périodes des fêtes de fin d’année, un succès durable dans nos pays. On lui doit ‘Dick Koster’, dont le sport très connu ‘Mothersday’ (syn. ‘Fête des Mères’) a été introduit par Grootendorst en 1949. Les rosiers greffés et vendus en pot ressemblaient alors plus à des Polyantha qu’aux Miniatures américains.

Une génération plus tard, en 1965, la maison Meilland se fait remarquer avec ‘Starina’, haut de 30 cm, qui représente alors le Miniature idéal. Après ce succès, Marie-Louise Meilland et son fils Alain engagent, au début des années 1970, un programme avec des succès, dont Orange Meillandina® (MeIjikatar 1982, syn.’Orange Sunblaze’) qui a marqué le début de la série des Meillandina®.

L’idée géniale de ce programme revient à R. Richardier, gendre de Mme Meilland, qui a proposé des Miniatures capables de poursuivre naturellement la floraison à l’intérieur et de rejoindre le jardin. Les Meillandina finissent leur floraison sans abscision des fleurs (3*).

Au Danemark, pays des plantes en pot, S. Jensen met au point une méthode de culture extrêmement innovante en se servant d’une variété miniature créée par Francis Meilland (‘Scarlet Gem’ 1961). Le cycle de production est « court », réalisé entièrement sous serre chauffée et éclairée. Les boutures piquées à plusieurs par pots de 10 cm sont enracinées directement dans le pot de culture sous une bâche en plastique transparent posée sur les plantes.  L’enracinement est rapide, suivi de deux phases de culture de 6 à 8 semaines avec un pincement en fin de première phase. En moins de quatre mois à partir du bouturage, un produit fini et fleuri peut être offert au consommateur.

Inspiré par le succès de ‘Orange Meillandina’, Jensen effectue des essais avec les différents Meillandina4. Le marché du rosier miniature en pot à très grande échelle prend son essor et, de quelques dizaines de milliers de pots en 1978, il atteint plus de 30 millions d’unités vendues à la fin des années 1980.

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Mondialisation des Miniatures

Les obtenteurs n’ont pas tardé à travailler dans la même voie. De Ruiter, avec Red Rosamini® (1987), Poulsen, auteur de Victory Parade®, en tête des ventes au début des années 2000, Kordes, avec les gammes Lilliputs® et Kordana®, R. et H. Eskelund, jeunes pionniers danois de la culture robotisée qui ont accompagné S. Jensen et qui sont aujourd’hui à la tête de Rose Forever ApS, avec les gammes Roses Forever®, Infinity® et I Am Different®.

Accueillis avec moquerie quand ils sont apparus sur les rayons des supermarchés et destinés à être jetés après avoir végété dans un cache-pot, ces rosiers se trouvent maintenant dans le monde entier. Ils sont désormais reconnus et des progrès sont encore possibles.

© J.-C. Brodbeck

Mais quels progrès ?

Le développement des Miniatures européens doit être regardé comme une suite continue de programmes techniques et commerciaux qui se rejoignent, se combinent et se renouvellent.

De la production de plant greffé en cycle long, on est passés à une production en cycles courts de multiboutures directes en pots sous serre et en production douze mois sur douze. Puis est apparu à la fin du XXe siècle, chez Rose Forever ApS, un nouveau profil de petites plantes à fleurs surdimensionnées, obtenues par traitement des plantes avec des produits nanifiants.

Les Miniatures sont maintenant des plantes aux fonctions biologiques falsifiées. Devenus un groupe de cultivars dont le maintien ne repose que sur des critères techniques et de profit, ils sont menacés de partager un jour le sort des fleurs coupées si le « retour au jardin » devait continuer à être ignoré.

 

Jean-Claude Brodbeck
Membre de la SNHF

Jacques Mouchotte
Ancien directeur de la recherche aux Éts Meilland, membre du conseil scientifique de la SNHF

 

(1*) Stricto sensu, miniature n’est pas synonyme de nain. Un rosier miniature est une plante dont toutes les parties sont réduites dans la même proportion. Un rosier nain est un rosier atteint de nanisme.

(2*) D’après une base récente de données généalogiques des roses, on compte 465 descendants de ce cultivar dans toutes les catégories de rosiers.

(3*) Le cycle de production de boutures qualifié de « cycle long » dure de 14 à 16 mois avec une dormance hivernale déclenchée par le froid.

(4*) Sélection et production visaient un but unique : la capacité de fournir 90000 pots (de 5 à 13 cm) par semaine pendant la haute saison du printemps dans des serres entièrement mécanisées et sous contrôle automatisé, dont la production atteignait 200 pots au m2. J. Mouchotte « Pot roses in Europe » in Miniature Roseworld, winter 1993-4, vol. X, n° 4.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]