Des romarins en verger de pommiers comme stratégie de biocontrôle

Les plantes aromatiques présentent un intérêt en biocontrôle dans la lutte contre les ravageurs. Un dispositif expérimental de l’Inrae Gotheron, dans la Drôme, a permis d’étudier les effets de l’implantation de romarins dans un verger de pommiers.

Les associations de plantes sont connues pour apporter des bénéfices à l’une des plantes ou des bénéfices réciproques. Les plantes dites « de services » sont utilisées dans l’objectif de remplir certaines fonctions au service de la culture principale, comme la fourniture d’azote avec des légumineuses ou la fourniture de ressources pour les auxiliaires. Dans des systèmes spécialisés tels que les vergers, divers assemblages végétaux, souvent multifonctions, sont ainsi mis en oeuvre : couverts du sol, haies de bordure…

Des plantes aromatiques pour contrôler les ravageurs

Les plantes aromatiques sont particulièrement intéressantes dans l’objectif de contrôler les ravageurs car elles émettent des composés organiques volatiles (COVs) qui peuvent avoir un effet direct sur leur comportement ou leur reproduction (1*) [1, 2] et/ou un effet indirect en favorisant les auxiliaires [3]. Ainsi, les auxiliaires peuvent être attirés par les COVs et/ou favorisés par la présence de ressources fournies par ces plantes aromatiques (ressources florales, proies alternatives, habitat). Si ces mécanismes présentent un intérêt certain pour la protection agroécologique du verger, la mise en oeuvre de systèmes opérationnels associant fruitiers et plantes de services reste encore à explorer. Il faut en effet identifier les plantes induisant les effets attendus et les associer de manière opérationnelle dans le verger pour maximiser ces effets tout en permettant la réalisation des opérations culturales. Des travaux ont permis d’identifier des plantes aromatiques ayant un effet répulsif vis-à-vis de pucerons [1] (2*). La quantité et la nature des COVs émis dépendent toutefois de différents facteurs : l’environnement (tels la température, l’humidité, le vent), les pratiques (irrigation, taille), le stade phénologique (comme l’émission accrue pour les tagetes après floraison) ou encore la variété [2]. Enfin, les effets répulsifs interviennent à courte distance de la plante de service [1] : associer fruitiers et plantes aromatiques va clairement questionner la densité de plantation de la plante de service et son agencement spatial dans le verger.

Des romarins contre les pucerons

Dans ce contexte, un dispositif expérimental associant romarins et pommiers a été implanté en 2016 sur l’unité Inrae Gotheron (Drôme) en vue d’évaluer en verger l’effet répulsif du romarin démontré au laboratoire et sous tunnels [1, 2]. Le choix du romarin a également été motivé par sa pérennité, en cohérence avec la longévité du verger. Les effets attendus étaient doubles : un effet répulsif, d’une part, ciblant le développement du puceron cendré dans les colonies au printemps et/ou son vol de retour à l’automne (3*), et d’autre part l’attraction d’auxiliaires aphidiphages. Les romarins ont été implantés dans quatre placettes d’un verger en agriculture biologique planté en 2005 (variété Melrose) et comparés à des placettes conduites selon les pratiques usuelles (enherbement). Un mélange de cinq variétés de romarins, fourni par l’Iteipmai (4*), a été utilisé afin d’avoir un large spectre d’émission de COVs. Pour densifier au maximum la présence de romarins tout en permettant le passage d’engins et une circulation lors d’opérations manuelles (taille, éclaircissage, récolte), une bande enherbée a été conservée au niveau de l’emplacement des roues du tracteur ; les romarins ont été introduits sur le rang et dans l’inter-rang à des densités d’environ 2,5 à 3,5 plants/m2 (Figures n° 1 et n° 2).

Figure n° 1 : Romarins implantés entre les rangs et sur les rangs de pommiers (dispositif expérimental Inrae Gotheron) © T. Dardouri

Des romarins contre les pucerons

Dans ce contexte, un dispositif expérimental associant romarins et pommiers a été implanté en 2016 sur l’unité Inrae Gotheron (Drôme) en vue d’évaluer en verger l’effet répulsif du romarin démontré au laboratoire et sous tunnels [1, 2]. Le choix du romarin a également été motivé par sa pérennité, en cohérence avec la longévité du verger. Les effets attendus étaient doubles : un effet répulsif, d’une part, ciblant le développement du puceron cendré dans les colonies au printemps et/ou son vol de retour à l’automne (3*), et d’autre part l’attraction d’auxiliaires aphidiphages. Les romarins ont été implantés dans quatre placettes d’un verger en agriculture biologique planté en 2005 (variété Melrose) et comparés à des placettes conduites selon les pratiques usuelles (enherbement). Un mélange de cinq variétés de romarins, fourni par l’Iteipmai (4*), a été utilisé afin d’avoir un large spectre d’émission de COVs. Pour densifier au maximum la présence de romarins tout en permettant le passage d’engins et une circulation lors d’opérations manuelles (taille, éclaircissage, récolte), une bande enherbée a été conservée au niveau de l’emplacement des roues du tracteur ; les romarins ont été introduits sur le rang et dans l’inter-rang à des densités d’environ 2,5 à 3,5 plants/m2 (Figures n° 1 et n° 2).

Romarins et pommiers, association réussie

Les romarins se sont correctement installés dans la parcelle : un taux de mortalité plus élevé a été constaté sur le rang de pommiers où les conditions ne sont pas optimales pour cette espèce (ombre, irrigation localisée des pommiers) par rapport à l’inter-rang (non irrigué, plus ensoleillé). Le taux varie en fonction des variétés. Des espèces annuelles adaptées aux conditions ombragées et humides, qui permettent le travail du sol à la fin de leur cycle végétatif, seraient plus appropriées sur le rang. Enfin, le port de l’arbuste et sa croissance sont à considérer pour couvrir le sol au plus vite et limiter le désherbage. Aucune concurrence vis-à-vis du pommier (vigueur, rendement) n’a été relevée dans ce verger âgé de 12 ans à la plantation des romarins. Lors des relevés de 2019 et 2020, l’abondance du puceron cendré au printemps est plus faible en présence de romarins, avec une différence significative à plusieurs dates par rapport aux pommiers enherbés.

 

Figure n° 3 : Carte de prédation avec oeufs de carpocapse (durée d’exposition de trois jours). Le nombre d’oeufs exposés puis restants sont comptés. Le taux de pédation est le nombre d’oeufs disparus divisé par le nombre d’oeufs exposés. Les pucerons et oeufs de carpocapse exposés ont été plus fortement prédatés dans les placettes avec romarins par rapport à un enherbement de verger classique © T. Dardouri

 

Par ailleurs, des effectifs plus élevés de larves de syrphes sont relevés en présence des romarins : leur action de prédation limite très certainement les effectifs de pucerons, même si le dispositif ne permet pas de dissocier l’effet de répulsion (ou altération du comportement) du puceron de la prédation par les auxiliaires.

Les autres prédateurs observés dans les colonies de pucerons (coccinelles adultes et larves, larves de cécidomyies) ne se différencient pas entre les deux modalités étudiées.

Enfin, le parasitisme (pucerons momifiés) est plus élevé en présence de romarins en 2020. Plus globalement, la présence de romarins favorise l’abondance d’araignées et de carabes au sol, d’araignées sur les troncs (recensées par bandes-pièges) et d’auxiliaires dans la frondaison du pommier.

Ceci pourrait s’expliquer par la présence de proies liée à la biomasse de cette strate arbustive de romarins et à leur floraison précoce. Enfin, les taux de prédation mesurés par exposition de proies sentinelles sont plus élevés en présence de romarins (Figure n° 3).

 

 

En conclusion, ces travaux ont permis d’identifier les points à considérer pour réaliser l’association fruitiers-plantes aromatiques au sein du verger. Il s’agit de choisir l’espèce ou les espèces, ainsi que les variétés, au regard des effets attendus, de prendre en compte les contraintes de circulation dans le verger, de satisfaire les besoins de la plante de service (eau, ensoleillement…), de déterminer la période de plantation (dès la plantation du verger ou plus tard), de valoriser ou non cette plante de service (comme la récolte mécanisée possible en inter-rang), etc. L’idée est de trouver le compromis entre densifier pour obtenir les effets désirés et réaliser les opérations culturales usuelles en verger (mécanisation, opérations manuelles). La contrainte d’interdiction de traitement en présence de fleurs dans le verger et le coût d’installation de la plante de service sont également à considérer. Divers travaux d’expérimentation en cours à l’Inrae et dans les stations régionales permettront d’optimiser ces modalités d’association qui reconsidèrent l’utilisation de l’espace de production et ses multifonctions.

 

Sylvaine Simon et Tarek Dardouri
Unité Expérimentale Recherche intégrée
Inrae Gotheron

(1*) (2*) Voir l’article de Noëlle Dorion dans ce dossier.
(3*) Limiter le vol de retour du puceron cendré sur pommier depuis le plantain, plante-hôte secondaire, permet de réduire la reproduction et l’infestation au printemps suivant.
(4*) Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles

RÉFÉRENCES

[1] Ben Issa R. Étude de l’effet de plantes de service (PdS ) sur l’installation d’une population du puceron Myzus persicae (Hemiptera Aphididae) : mise en évidence du rôle des composés organiques volatils (COVs). Agronomie. Université d’Avignon, 2014. Français. NNT : 2014AVIG0658. tel-01079443.
[2] Dardouri T. Implication des composés organiques volatils dans la capacité des plantes de service à perturber le comportement et les performances de Myzus persicae (sulzer) le puceron vert du verger. Autre [q-bio.OT]. Université d’Avignon, 2018. Français. NNT : 2018AVIG0702. tel-02178970.
[3] Song B, Tang G, Sang X, Zhang J, Yao Y, Wiggins, N. Intercropping with Aromatic Plants Hindered the Occurrence of Aphis citricola in an Apple Orchard System by Shifting Predator-Prey Abundances. Biocontrol Science and Technology. 2013;23:381-395.

L’arbre au service de la régulation climatique

L’agroforesterie est reconnue pour ses nombreux bénéfices techniques, environnementaux (1*) qui portent notamment sur l’atténuation du changement climatique. En climat tropical, l’effet est probant. Qu’en est-il en climat tempéré ? C’est l’objectif des recherches de plusieurs équipes françaises dans des contextes divers : étude des bénéfices apportés en situation de prairie et d’élevage ovins (2*), dans un système céréalier (culture de douze variétés de blé dur (3*)) ; dans les deux cas en conditions méditerranéennes et en présence ou non de peupliers ou de frênes.

Évolution des températures diurnes et nocturnes dans le système agroforestier

Des relevés heure par heure ont montré que l’ombre des arbres diminue la température diurne en moyenne de 2 °C. Cette diminution peut atteindre 4 °C dans les parties les plus chaudes de la parcelle et pendant les jours les plus chauds. Au contraire, les températures nocturnes augmentent de 1,5 °C et jusqu’à 3 °C par nuit claire. L’effet régulateur du micro-climat d’un système agroforestier en zone méditerranéenne est donc une réalité. Cependant, il faut se demander quel est l’impact des modifications thermiques et lumineuses (- 50 % de radiations dans certains cas) dans les parcelles.

Agroforesterie et élevage ovin

Les prairies agroforestières ne changent pas de composition floristique mais subissent un retard de développement corrélé au degré d’ombrage. Ainsi, malgré une baisse de productivité parfois importante, ces surfaces expriment leur potentiel plus tard en saison, avec des plantes de meilleure valeur alimentaire pour les ovins. En cas de compétition trop importante entre arbres et prairie, il est recommandé aux éleveurs d’étêter les arbres, renouant ainsi avec des pratiques ancestrales de coproduction de fourrage, de bois énergie et de bois litière. Enfin, les arbres vont fournir l’ombre bienvenue pour les animaux.

Agroforesterie et culture de blé dur

Comme pour la prairie, on observe un retard de développement de la culture ainsi qu’une baisse de productivité caractérisée par une diminution du nombre de grains par épi. Ce résultat s’explique par une baisse insuffisante des températures nocturnes qui privilégie la perte, par respiration, des réserves accumulées pendant la journée (photosynthèse) au détriment de la construction de biomasse. En revanche, cet effet est intéressant quand il s’agit de limiter l’effet du  gel. Ces résultats globaux sont toutefois à nuancer selon que le blé est à proximité des arbres ou même sur le côté sud ou nord de ceux-ci. Ainsi le bénéfice de l’agroforesterie est réel face au stress thermique mais le risque de perte de productivité augmente de façon plus ou moins supportable selon qu’il s’agit d’élevage ou d’une culture céréalière.

N. Dorion

(1*) Voir dans Jardins de France, l’article de Pierre-Éric Lauri www.jardinsdefrance.org/agroecologie-et-agroforesterie-les-benefices-de-larbre/
(2*) Béral C, Andueza D, Ginane C, Bernard M, Liagre F, Girardin N, Émile JC, Novak S, Grandgirard D, Deiss V, Bizeray
D, Moreau JC, Pottier E, Thiery M, Rocher A. 2018. Agroforesterie en système d’élevage ovin : étude de son potentiel dans le cadre de l’adaptation au changement climatique. 158 p. www.parasol.projet-agroforesterie.net/
(3*) Inurreta-Aguirre HD, Lauri PE, Dupraz C, Gosme M. Yield Components and Phenology of Durum Wheat in a Mediterranean Alley-Cropping System. Agroforest Syst. 2018;92:961-974. https://doi.org/10.1007/s10457-018-0201-2