Des plantes couvre-sol pour éviter le désherbage

Le projet PLACOHB a permis l’évaluation de plantes couvre-sol pour limiter l’entretien et la présence d’adventices dans les jardins, en production ou dans les zones difficiles d’entretien. Les critères recherchés chez ces plantes dépendent du lieu et des objectifs d’implantation.

Tapis de Thymus longicaulis en bordure de parcelle de production hors-sol © T. Hebbinckuys

 

Dans le cadre du projet PLACOHB (plantes couvresol comme contribution au contrôle des adventices et à la promotion de la biodiversité, 2017-2019), une gamme de plantes couvre-sol a été évaluée afin de limiter le développement des adventices au sein de diverses filières (horticulture ornementale, maraîchage, viticulture, arboriculture…).

En effet, la gestion de la flore spontanée dans les jardins ou en production nécessite des interventions de désherbage manuel ou mécanique, des tontes ou encore, dans certains cas, l’utilisation de produits phytosanitaires.

Dans le cadre de l’horticulture ornementale, certaines zones sont difficiles d’entretien et représentent de ce fait un vivier potentiel d’adventices qui peuvent ensuite contaminer les cultures situées à proximité. Ces zones sont notamment le pied des bâtiments, les espaces libres entre les tunnels, les bords de serre ou encore les bordures de parcelle de production. Il a alors été émis l’idée d’implanter des plantes couvre-sol, rigoureusement sélectionnées selon plusieurs critères, afin d’occuper l’espace et ainsi de limiter le développement des adventices.

 

 

Ces plantes sont majoritairement des vivaces pour ne pas avoir à les réimplanter chaque année. Leur aspect purement ornemental passe au second plan mais n’est évidemment pas négligeable. Toute la gamme des plantes couvre-sol existante n’a pas pu être testée. Les espèces choisies relèvent surtout de l’expérience des partenaires, des résultats de projets précédents et également de la bibliographie. Les critères recherchés chez ces plantes couvre-sol sont de plusieurs types.

Des plantes sans entretien

Tout d’abord, le but étant de réduire la main-d’oeuvre liée aux désherbages, il faut évidemment que la plante couvre-sol ne nécessite pas d’entretien : pas de tonte, pas d’arrosage, pas d’engrais non plus. Ainsi, les plantes évaluées sont souvent sélectionnées dans la gamme des plantes de montagne (Corse, Caucase, Balkans, etc.). Elles se satisfont d’une terre pauvre, de peu d’eau et présentent de ce fait généralement un volume de végétation limité, ce qui est parfait pour les bordures de parcelles de production.

Fleur de Phuopsis stylosa © T. Hebbinckuys
La plante couvre-sol va sublimer le pied de la plante principale, voire elle débordera du pot et créera une cascade de feuilles et de fleurs © T. Hebbinckuys

Limiter les adventices

La plante doit limiter la présence des adventices, soit par un développement rapide et par conséquent, en agissant par compétition spatiale, soit par allélopathie (1*), c’est-à-dire que la plante sélectionnée va sécréter des substances empêchant l’implantation d’autres espèces. Dans cet exemple, nous pouvons notamment citer la piloselle (Pilosella officinarum) qui, via ses racines, sécrète des exsudats limitant la germination des autres espèces spontanées. Ainsi, une fois cette espèce bien implantée, le tapis formé est quasiment exempt d’autre espèce végétale. Avec des feuilles rases et pileuses et une floraison banale, l’aspect ornemental de cette espèce est limité mais son intérêt contre les adventices est certain. De même, Herniaria glabra est une plante intéressante en sol sec, en alternative au gazon. Cependant, sa concurrence envers les adventices est plutôt restreinte, on préférera alors l’installer dans un sol déjà pauvre en adventices.

LES PATATES DOUCES SONT PLEINES DE RESSOURCES !

© Thierry Moreau, paysagiste-concepteur

 

L’année dernière, j’ai planté des patates douces en rang entre
mes tomates et mes cucurbitacées.  Elles ont rapidement couvert une superficie d’un à deux mètres carrés par pied :
effet couvre-sol garanti.

Cette année, j’ai donc décidé d’utiliser cette propriété pour limiter les herbes indésirables entres les tomates et les poivrons, en complément d’un paillage. L’idée est d’installer entre les rangs de tomates les patates douces en quinconce. Elles viendront couvrir le sol, protéger les pieds des tomates et produire des tubercules si la météo le permet.

© Thierry Moreau, paysagiste-concepteur

 

 

La patate douce n’ayant pas besoin de beaucoup d’eau (selon des jardiniers expérimentés), les plantes viendront prendre le reste de l’irrigation des tomates et l’effet couvre-sol permettra en plus de limiter l’arrosage global. J’espère ainsi gagner en arrosage, limiter les adventices et récolter quelques tubercules de patates douces. Pour cette expérience, j’ai utilisé les variétés trouvées chez mon producteur local : Bonita, Murasaki, Beauregard et Evageline. La patate douce se bouturant très facilement, je pourrai donc conserver mes variétés préférées pour l’année prochaine.

Antoine Dattée, ingénieur en horticulture, ENITHP

Privilégier la reproduction végétative

Enfin, la plante doit privilégier une reproduction végétative (drageons, stolons…) pour éviter que les graines ne disséminent l’espèce dans les cultures voisines et qu’elles-mêmes ne deviennent… des adventices ! Pour ce critère, le champion est Phyla nodiflora (verveine vivace). Dans de bonnes conditions, un tapis de P. nodiflora se forme très rapidement et colonise tous les alentours. Attention dans certains cas, elle peut se révéler trop envahissante et fait d’ailleurs partie de la liste des plantes soumises à recommandations pour ce caractère (2*). Cette plante présente la faculté de résister aux canicules et ainsi de se développer lorsque les autres plantes sont en arrêt de végétation. La floraison est extrêmement abondante, esthétique, et attire énormément les abeilles.

Dans le même registre, les différents thyms, et notamment le Thymus longicaulis (photo d’ouverture p. 42), ont donné des résultats très intéressants. Bien que l’implantation soit plus lente, une fois bien en place, le thym forme un magnifique tapis à la végétation rasante, aux fleurs nombreuses et qui attire également un grand nombre de pollinisateurs. Le thym est, de toutes les espèces testées, celle qui fleurit le plus tôt. Il est cependant peu concurrentiel et donc à réserver aux terrains naturellement pauvres en adventices. Enfin, la plante couvre-sol ayant pour but d’occuper l’espace pour empêcher les adventices de s’installer, il est nécessaire qu’elle ait une implantation rapide.

Parmi les plantes évaluées, le Tripleurospermum caucasicum (camomille tapissante ou pyrèthre gazonnant) offre de loin le développement le plus rapide. Le Phuopsis stylosa (crucianelle) (page précédente à gauche) s’implante également rapidement. Cette espèce est celle dont la végétation est la plus importante (30 cm de haut environ). Elle est plutôt à réserver aux bords de bâtiments, bords de tunnels ou entre-tunnels. Le tapis formé par cette plante est très dense et de ce fait, en plus d’un côté esthétique indéniable, quasiment aucune adventice ne s’y développe.

Dans un jardin, cette espèce est parfaite pour la création de parterres. Des essais ont également été menés sur l’intérêt de végétaliser la surface de pots hébergeant un grand sujet (liquidambar, érable, olivier, etc.) (page précédente à droite). Comme cela a été abordé, l’idée est d’occuper l’espace afin d’empêcher les adventices de s’installer, d’économiser ainsi des désherbages manuels et, dans ce cas précis, d’éviter le paillage. L’aspect ornemental est prépondérant puisque, en plus d’avoir une utilité contre les adventices, la plante couvre-sol va sublimer le pied de la plante principale.

Si la végétation est suffisamment importante, celle-ci va alors déborder du pot et créer une cascade de feuilles et de fleurs. Pour cet usage, Phuopsis stylosa, Veronica cantiana ou encore Thymus longicaulis ont montré des résultats très encourageants. Tous ces critères peuvent difficilement être réunis en une seule plante. Un tableau récapitulatif des espèces testées suivant le critère recherché a été établi afin de sélectionner LA plante la plus adaptée à l’effet recherché. Le projet PLACOHB est terminé mais la thématique des plantes couvre-sol continue d’être travaillée et certaines espèces comme les achillées naines sont actuellement évaluées. Les premières observations sont prometteuses. Toutes les plantes citées dans cet article sont disponibles chez les producteurs de plantes vivaces et, pour la plupart, en jardinerie.

 

Tom Hebbinckuys
Astredhor, Institut technique de l’horticulture

(1*) Voir aussi l’encadré dans l’article sur les composés volatils dans
ce numéro.
(2*) Plantation à éviter dans toutes les zones inondables (cours d’eau
et leurs abords) qui pourraient communiquer avec des prairies
salées inondables. www.codeplantesenvahissantes.fr