Des astéracées pour illuminer le pied des murs

Qu’on le veuille ou non, vivaces ou annuelles, les astéracées font partie de notre quotidien et s’y invitent facilement, quel qu’en soit le vecteur de dissémination. Retour sur leur installation, participative, à Toul (Meurthe-et-Moselle).

L’expérience de Toul, ville de Lorraine au cœur médiéval, démontre l’adaptabilité des astéracées dans un milieu urbain très contraignant. Afin de recréer une trame verte en cœur de ville, les habitants sont incités, depuis 2014, à participer au plan de végétalisation mis en place par la municipalité, afin de favoriser la biodiversité en milieu urbain, d’entretenir des plantations ou de faire accepter les plantes spontanées au droit de leur propriété.

 

Contraintes d’adaptabilité (facteurs édaphiques)

Toul est une ville au climat parfois très tranché. Les fortes amplitudes thermiques entre saisons (notamment entre l’hiver et l’été) et au sein d’une même saison peuvent conduire à un véritable enfer pour la vie végétale.

De plus, selon l’orientation de la rue, les pieds des façades ou des murets ne bénéficient pas de la même lumière, subissent des courants d’air plus ou moins tourbillonnants, font l’objet d’une très forte réverbération l’été, endurent toutes sortes de pollutions, du sel de déneigement aux déjections animales en passant par les hydrocarbures, et ne reçoivent pas les quantités d’eau « naturelle » suffisantes.

Les rues font l’objet de travaux de terrassement divers, constitués de matériaux aux granulats de toutes sortes, formant un espace où la terre végétale n’a que peu de place, voire pas du tout.

 

Des plantes cultivées, mais pas seulement !

La municipalité a pris le parti, pour les propriétaires qui en font la demande, de créer gracieusement une plantation de pied de façade « clé en main » selon le concept suivant : création de plates-bandes de 0,15 à 0,20 mètre de large au pied de leurs façades ou murets, découpage des revêtements de surface, évacuation des déblais, apport de terre végétale sur 0,10 à 0,15 mètre de profondeur, fourniture et plantation d’une gamme de plantes vivaces sélectionnées selon les contraintes identifiées, accompagnement à l’entretien durant une année, arrosage, désherbage, taille, conseils prodigués.

Du fait des critères de sélection retenus (capacité de couverture, limitation des adventices, résistance au stress hydrique, floraison, qualité ornementale, harmonie de la gamme), les astéracées représentent 34 % de la gamme de plantes proposées.

 

Ces plantes que les particuliers adorent

Très rapidement, les propriétaires les plus courageux, car il faudra assumer l’arrosage et l’entretien, amènent leur touche printanière, le plus souvent avec des plantes dites annuelles. Les astéracées représentent l’essentiel des végétaux rapportés. Les plus fréquentes sont les rudbeckias (vivaces et annuelles), les tagetes (œillets et roses d’Inde), les zinnias, les gaillardes, les anthémis et les Cosmos.

À l’image d’une friche industrielle, les pieds des façades peuvent se transformer en un véritable milieu pionnier. Dans celui-ci, les astéracées, vivaces ou annuelles, couramment rencontrées, sont représentées par les asters (A. lanceolatus Willd, A. novi-belgi L, A. novae-angliae L), la vergerette du Canada (Conyza canadensis L Cronq), la solidage du Canada (Solidago canadensis L), l’achillée millefeuille (Achillea millefolium), le pissenlit (Taraxacum officinale F. H. Wigg), le séneçon commun (Senecio vulgaris L).

Ces plantes considérées, pour la plupart, comme invasives font l’objet d’une attention particulière de la part de la Ville qui doit sensibiliser les propriétaires à cette problématique de dissémination et donc d’élimination. Ainsi, les astéracées, cultivées ou spontanées, accompagnent notre quotidien pour le meilleur et pour le pire, selon les contextes.

 

Les pieds de façades à Toul : retour d’expérience

L’aventure des plantes en pieds de façades ou de murets a commencé en 2014. Une communication récurrente accompagnée de bouche-à-oreille a suffi pour susciter l’envie et la multiplication des plantations à travers les rues de la ville intramuros. Le principal échec identifié aujourd’hui se résume à un pignon de mur ne recevant aucune précipitation et fortement détérioré par les excréments des chiens et chats.

Il serait donc bien difficile et incohérent d’évincer les astéracées de la liste de plantes proposées, tant celles-ci tiennent leur place. Comment se priver d’un Echinacea purpurea à la floraison si spectaculaire, ou encore d’un aster d’automne aux multiples couleurs ? Que dire encore de l’Echinops ritro à l’inflorescence bleu azuré surplombant la flore voisine ?

 

Francis Grandjean
Responsable du service des espaces verts de la ville de Toul

SOURCES

Mce-Bretagne vivante – « Végétalisons nos murs et nos trottoirs » – méthodologie
Guide de végétalisation des pieds de façades-Ville Toul

 

SITES INTERNET

www.tela-botanica.org
www.monde-de-lupa.fr
www.ecosociosystemes.fr/composees.html

Paroles d’expert : Olivier Brière Ingénieur-conseil en fleurissement et aménagement urbain

Quelle place laisser aux Astéracées dans l’aménagement urbain et le fleurissement des massifs ? Jardins de France a posé la question à un spécialiste.

 

De par leurs caractéristiques morphologiques et physiologiques, les Astéracées offrent une gamme particulièrement intéressante en fleurissement de massifs. Pouvez-vous nous dire quelle est votre pratique à leur égard dans les plans de fleurissement que vous proposez aux communes ?

 

Je peux parfois les utiliser de manière classique mais, de plus en plus, je compose un fleurissement de saison qui fonctionne sur l’ensemble de l’année. Il faut alors un à deux ans pour obtenir une composition aboutie. Pour ces types de massifs, j’utilise beaucoup les Astéracées, notamment les asters, qui fleurissent de juin à septembre (ex. : Aster laterifolius). C’est une gamme nécessaire, qui va venir après d’autres plantes plus fleuries et qui va donner une seconde lecture au massif à partir d’août. L’effet visuel sera plus ou moins rapide la première année selon les espèces et les conditions d’implantation. Je les laisse, même les dahlias, en sol et protège leur emplacement, la majorité reprendra ensuite.

J’utilise beaucoup moins les Coreopsis, trop souvent traités en paquets. De même, je me sers assez peu des Rudbeckia, par souci d’originalité. Ce sont surtout des plantes « de première année » qui fonctionnent tout de suite avec un impact visuel important. Je les emploie essentiellement à cet effet. J’utilise également assez peu les Echinops (sauf Echinops bannatica) et les Anaphalis.

J’emploie davantage les Echinacea et les Erigeron. Ces derniers sont particulièrement intéressants dans le sud de la France, quand on les laisse bien grandir en vrais massifs. Je leur réserve alors un quart de mètre carré par pied. C’est très graphique, notamment en accompagnement de plantes isolées plus imposantes. Plus au nord, je vais plutôt m’en servir en pied de mur et en fleurissement de premier plan, que l’on laisse se développer en beaux ensembles et non simplement en bourrage.

S’il y avait un principe général à mes compositions, ce serait de ne pas utiliser les Astéracées pour leur facilité mais plutôt pour leur unicité graphique et floristique. Je mélange parfois avec des arbustes ou en superposition avec d’autres plantes dans un sol drainant adapté : achillées et spirées par exemple. Cette pratique est notamment issue de l’observation de désherbages ratés ! En prévision de la fin de saison, on peut également les associer avec des cornouillers ou des graminées d’automne.

Je m’inspire beaucoup de ce qui se passe spontanément dans la nature. Cela demande une certaine ouverture d’esprit, qui m’intéresse beaucoup.

 

Propos recueillis par Emmanuel Bajard

Directeur du service des espaces verts de la ville de Bourges, membre du comité de rédaction de Jardins de France