De l’usage des drones en espaces verts

De ces nouvelles prises de vues aériennes qui font rêver dans les reportages télévisés à la livraison de colis à domicile (un projet d’Amazon), les drones semblent sur le point de tenir leurs promesses. Quelles en sont les utilisations possibles en espaces verts ?

Les drones figurent parmi les innovations technologiques susceptibles d’être utilisées dans les métiers du paysage, tant en conception qu’en gestion des espaces. Si la Ville de Bourges (18) s’y intéresse à ce jour pour des usages très spécifiques, les initiatives privées se multiplient et rivalisent d’imagination pour développer leur gamme d’utilisation.

Du film à la régulation des corbeaux

Notre première idée a été de faire réaliser par caméra embarquée un support de présentation pour le passage du jury national des Villes et villages fleuris en 2019. Il s’agira d’un film de quelques minutes, qui sera projeté en boucle lors l’accueil des jurés. Au-delà de l’aspect plaisant de cette démarche, l’objectif est de mettre en valeur des atouts paysagers propres à notre ville et dont l’impact n’est pas si évident à montrer dans le timing d’un jury national : les marais classés de 135 hectares situés à quelques centaines de mètres de la Cathédrale dont on devine à peine la présence, les grandes voûtes arborées de centaines de grands platanes maintenus en port libre en plein centre urbain le long du Canal de Berry et la qualité architecturale des jardins historiques, par un vol à l’intérieur des arches végétales du Jardin Art déco des Prés-Fichaux.

Une autre piste d’application concerne la régulation des corbeaux, qui nidifient bruyamment dans les branches, au grand malheur des riverains et des automobilistes soucieux de leur carrosserie. L’idée est d’effaroucher les volatiles pendant la construction des nids pour les inviter à aller voir ailleurs si les arbres sont plus accueillants. Une autre possibilité est de détruire les nids pendant la période autorisée, mais cette application n’est pas encore suffisamment développée car elle nécessite des drones très performants. Cependant, la mise en œuvre est complexe car le vol de drones en agglomération est soumis à des règles très strictes : fermeture au public du site de survol, autorisation des autorités de contrôle aérien, navigation à vue, respect du domaine privé…

Lutte contre les nuisibles

Dans le cadre de la lutte contre les chenilles processionnaires du pin, nous procédons actuellement par surveillance des vols en été, et par pièges à phéromones et traitement ciblé au BT (Bacillus thurengiensis) en septembre-octobre sur les sites publics les plus sensibles. Les drones pourraient compléter utilement la lutte par projection de produits de confusion sexuelle avant la période de ponte en été. Là aussi, la pertinence de la méthode est soumise aux autorisations administratives de vol et à l’interdiction de principe des traitements phytosanitaires aériens en France. Enfin, nous imaginons également des applications dans la lutte contre le frelon asiatique (localisation et destruction des nids), le contrôle sanitaire des grands arbres (inspections de couronne) et le repérage des plantes invasives ou des embâcles le long des cours d’eau.

Des drones pour la filière

Au-delà de notre réflexion très locale, d’autres applications sont expérimentées pour la filière des espaces verts. La plupart nécessitent un couplage des drones avec une intelligence artificielle et une analyse de l’image performante. Nous pouvons citer les plus courantes à ce jour, comme la surveillance des sites escarpés, la cartographie détaillée et le géoréféren­cement, la prise de vue pour un traitement des images en 3D en aide à la conception (utilisés en réalité augmentée, ces outils favorisent en outre la « vente » des projets ou une meilleure implication du public dans des démarches collaboratives), la détection des carences ou des maladies, la programmation des intrants en conséquence (1 680 ha de vignes sont ainsi surveillés en Champagne), le transport de tondeuses-robots sur des sites géolocalisés difficilement accessibles, tels que les toitures végétalisées, la reforestation par largage de semences et de fertilisants (expérimentation aux États-Unis avec une escadrille de quinze appareils emportant 15 kg de graines chacun et capables de reconnaître les zones propices)…

La mise en œuvre des drones en espaces verts dépendra bien évidemment des progrès technologiques, de l’évolution de la réglementation pour leur emploi et de l’intérêt à agir.

Emmanuel Bajard

Directeur du Service des espaces verts de la ville de Bourges, membre du comité de rédaction de Jardins de France