Coton : suivez le fil…

Bruno Bachelier

Les différents stades de la fleur de Cotonnier Gossypium hirsutum L. : fleur épanouie, fleur fécondée, capsule verte, capsule à maturité - © Bruno Bachelier-Cirad
Les différents stades de la fleur de Cotonnier Gossypium hirsutum L. : fleur épanouie, fleur fécondée, capsule verte, capsule à maturité – © Bruno Bachelier-Cirad

Le cotonnier a été domestiqué par l’Homme à des époques comparables, il y a au moins cinq millénaires, en Amérique, en Afrique et en Asie. Les plus anciennes traces d’exploitation textile remontent à une période située entre – 2 500 et – 3 000 ans. Elles correspondent à des fragments de vêtements, découverts au Pakistan (vallée de l’Indus) et au Pérou. Quant à l’origine du mot “coton”, elle proviendrait du sanscrit “karpasa-i” ou de l’arabe “qutun” ou “kutun” (Parry, 1981).

Le principal commerce cotonnier connu, au début de l’ère chrétienne, conduisait les caravanes de l’Inde vers l’Égypte. A partir du IXe siècle, les Sarrasins introduisent la plante en Sicile et en Espagne, d’où elle gagne le pourtour méditerranéen, à la faveur des invasions successives (Jeanguyot, 2008). Dès le XIVe siècle, les explorateurs du Nouveau Monde signalent sa présence en Amérique Centrale et en Amérique du Sud. L’introduction en Amérique du Nord date de 1536. Mais c’est à partir du XVIIIe siècle, grâce à d’importantes avancées techniques (égreneuse, métier à tisser…) et à la révolution industrielle, mais aussi à cause de conflits (Guerre de Sécession) et de conquêtes (colonisation), que la culture cotonnière connait sa plus grande extension, contribuant au développement industriel et social de nombreuses régions : États-Unis, Australie, Afrique, Inde, Chine, Asie Centrale…

Une culture mondiale

Le cotonnier est aujourd’hui la première plante textile mondiale. Il est cultivé dans une soixantaine de pays. Dans les pays en voie de développement, il constitue encore une importante culture de rente pour de petits producteurs et se situe aux premiers rangs des produits exportés.

Quatre espèces sont cultivées : deux diploïdes (Gossypium herbaceum L. et G. arboreum L.) et deux amphidiploïdes (G. hirsutum L. et G. barbadense L.). G. hirsutum est d’importance économique majeure : elle fournit 90 % de la production mondiale de fibres de coton (environ 25 millions de tonnes par an). Ces quatre espèces sont cultivées pour les fibres que portent leurs graines. Elles font cependant figure d’exception au sein du genre Gossypium, la majorité des espèces sauvages ne produisant pas de fibre, ou des fibres non filables. L’évaluation de ces espèces sauvages souligne néanmoins leur intérêt en amélioration variétale pour le contrôle du photopériodisme, de la longueur de cycle, de la résistance au stress hydrique, de la résistance aux ravageurs et aux maladies ou de caractéristiques technologiques de la fibre et de la graine. Les cotonniers sauvages constituent donc autant de sources potentielles d’amélioration des cotonniers cultivés. Actuellement, les trois quarts de la production mondiale de coton sont issus de cultures transgéniques (résistance à des déprédateurs ou à des herbicides).

Médaillon représentant des fleurs fructifères de coton (cathédrale Saint-Jean de La Valette) - © D.R.
Médaillon représentant des fleurs fructifères de coton (cathédrale Saint-Jean de La Valette) – © D.R.

Les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem, après avoir été chassés de Rhodes par les Turcs, vinrent s’installer en 1530 sur l’Ile de Malte que Charles Quint leur donna en échange d’un faucon chaque année. C’est une ile sans source d’eau douce. Il faut donc récolter et stocker l’eau de pluie. Les chevaliers y entreprirent de cultiver du coton, d’où la déforestation massive toujours visible. Il n’y a pas eu longtemps des cultures et plus du tout aujourd’hui. Cependant, on peut encore voir les témoignages de cette époque florissante dans les médaillons représentant des fleurs fructifères de coton, sur certaines riches demeures ou dans la Cathédrale Saint Jean de La Valette.

Michel Cambornac

Besoin d’eau

Bien que pérenne, le cotonnier est cultivé essentiellement comme une plante annuelle. Cette annualisation est liée à des raisons climatiques et phytosanitaires, qui rendent difficile ou économiquement peu rentable le maintien de sa culture au-delà d’une campagne agricole. Seules certaines variétés brésiliennes et espèces asiatiques font l’objet d’une exploitation pluriannuelle. Environ 60 % de la production mondiale est obtenue en conditions pluviales. Mais des régions ayant une pluviosité irrégulière ou faible, avec moins de 700 mm d’eau par an (une partie des États-Unis, de l’Égypte, du Proche et du Moyen-Orient…) nécessitent le recours à l’irrigation. Avec par le passé des pratiques aux conséquences environnementales désastreuses, comme l’illustre l’état actuel de la Mer d’Aral…

Floraison étalée

La floraison débute, selon les variétés et les conditions de milieu, 50 à 60 jours après la levée. Cette phase est indéterminée : le cotonnier conserve la faculté de fleurir tant que les conditions le permettent et une reprise de la floraison peut même être observée après un arrêt plus ou moins prolongé. L’une des conséquences est la présence concomitante sur la plante de boutons floraux, de fleurs et de fruits d’âges différents.

La fleur (cf. photos en début de texte) est essentiellement pollinisée par son propre pollen (autogamie). Un taux variable de fécondation allogame est assuré par voie entomophile : chez G. hirsutum, dans les conditions africaines, ce taux dépasse rarement 10 % en fécondation libre. La fécondation intervient quelques heures après l’anthèse, phase de libération du pollen. Elle se traduit par le changement de couleur de la corolle, qui vire au rose. Le fruit, ou capsule, renferme plusieurs dizaines de graines. Composées d’une coque protégeant une amande, elles sont porteuses, chez les espèces cultivées, de fibres, poils unicellulaires se développant à partir de l’épiderme de la coque. A maturité, ces fibres contiennent plus de 90 % de cellulose.

51 espèces recensées

Les cotonniers sont des dicotylédones, appartenant à la famille des Malvacées, à la tribu des Hibiscées et au genre Gossypium L. . A ce jour, 51 espèces sont recensées (Altman, 1995). Leurs aires d’origine se situent en Amérique, en Afrique, en Asie et en Océanie.

Parmi ces espèces, 45 sont diploïdes (2n = 2x = 26 chromosomes). Les 6 autres espèces sont amphidiploïdes (2n = 4x = 52 chromosomes)[1].

Le cotonnier, une plante aux multiples usages

Figure 5. Balle de coton – ©Bruno Bachelier-Cirad

Pour être valorisé au plan économique, le coton-graine, produit brut de la récolte, doit être égrené. Cette opération industrielle a pour but de séparer la fibre et la graine, d’éliminer les impuretés et de conditionner la fibre sous forme de balles de 500 livres (environ 227 kg, figure 5).

La fibre de coton est une matière première, cotée sur le marché boursier, et fait l’objet d’importants échanges à l’échelle internationale. Les cours sont régis par la loi de l’offre et de la demande, par l’état des stocks mondiaux et par les prévisions de production. Les transactions sont notamment réalisées sur la base des caractéristiques technologiques de la fibre : longueur, uniformité, résistance à la rupture, indice de maturité-finesse, couleur, propreté… Largement utilisée dans l’industrie textile, pure ou en mélange, la fibre de coton passe par de nombreuses étapes pour devenir fil, puis tissu ou tricot, jusqu’au produit fini.

Huiles et produits de beauté

Outre la filière semencière, l’essentiel des graines de cotonnier est valorisé dans les filières alimentaire et cosmétique. Chez G. hirsutum, les graines contiennent en effet 20 à 25 % d’huile, sous forme d’acides gras polyinsaturés et saturés. Elle est destinée aux marchés des huiles de table, des savons ou des produits de beauté. Et l’exploitation de l’huile de coton comme biocarburant constitue une voie intéressante pour les pays cotonniers. De plus, les graines contiennent 20 à 30 % de protéines, permettant d’orienter les tourteaux, obtenus après extraction de l’huile, vers l’alimentation des ruminants.

A lire …

– Altman D.W., 1995. Introgressão de genes para melhoria do algodão : contraste do cruzamento tradicional com a biotecnologia. VIII Reunião Nacional de Algodão, 1995/08/28-09/01, Londrina. Dept° de Desenvolvimento de Produtos da Monsento do Brasil Ltda, 32 p.

– Jeanguyot M., 2008. Le coton au fil du temps. Editions Quae, Versailles (FRA). ISBN 978-2-7592-0118-1. 144 p.

– Parry G., 1981. Le cotonnier et ses produits. Collection Techniques agricoles et productions tropicales. Maisonneuve et Larose éd., Paris (FRA). 502 p.

– Le cotonnier, 2016. Coordinateurs Michel Crétenet & Jean-Paul Gourlot. Editeur Quae. Co-éditeur CTA, Presses agronomiques de Gembloux. Collection Agricultures tropicales en poche. 232 pages. ISBN-13978-2-7592-2379-4.

 

[1] Amphidiploïde : tétraploïde issu de la fusion spontanée de deux génomes diploïdes

 

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