Coquerets et pépino : Des Américains dans votre jardin (première partie)

Les coquerets (Physalis spp.) et le pépino (Solanum muricatum) sont des espèces qui appartiennent à la grande famille des Solanaceae. Originaires du continent américain, ils faisaient partie de la vie des civilisations pré-colombiennes et avaient des usages variables comme plantes alimentaires, médicinales ou rituelles. Voici leur histoire et leurs caractéristiques, en deux parties. Cette première partie est dédiée aux coquerets, vous retrouverez le pépino dans un prochain numéro de Jardins de France.

Photo n° 1: Fruits et fleurs de Physalis peruviana © W. Palme, Höhere Bundeslehr und Versuchsantalt für Gartenbau, Vienne, Autriche

 

Les coquerets, un peu d’histoire

Des vestiges d’espèces de physalis exhumés de sites archéologiques au Mexique témoignent de leur utilisation alimentaire depuis le Xe siècle av. J.-C. Juste après la conquête de l’empire aztèque par les Espagnols, les usages multiples de plusieurs espèces de physalis, cultivés ou sauvages, sont décrits dans le Codex de Florence (1*)
(Figure n° 1). Les physalis américains sont décrits dans les herbiers dès le XVIe siècle, notamment P. philadelphica, originaire du Mexique et d’Amérique centrale, et P. peruviana, originaire des Andes du Nord. Ce dernier a été introduit en Afrique du Sud par les colons européens au début du XIXe siècle, puis en Australie, sous le nom de « groseille du Cap ». Les coquerets américains sont distincts de la lanterne magique, ou amouren-cage (P. alkekengi (2*)), d’origine européenne et asiatique, dont l’usage actuel est principalement ornemental du fait de la couleur du calice orange vif à maturité.

Figure n° 1: Jardin aztèque au XVIe siècle. Bien que le dessin soit imprécis, on reconnaît, au premier plan et de gauche à droite, un bananier, un maïs, un piment et un plant de physalis. Extrait du Codex de Florence, Florence, The Biblioteca Medicea Laurenziana, ms. Med. Palat. 220, libro 10, capitolo 29, f.136r. Autorisation de reproduction MiBACT

 

Botanique et biologie du coqueret

Le genre Physalis comporte de 75 à 90 espèces, originaires principalement d’Amérique tropicale et tempérée. Le genre est caractérisé par des fleurs solitaires, jaunes ou blanches, avec des macules sombres et des fruits enveloppés par un calice renflé et parcheminé. Sauf rares exceptions, les espèces de physalis sont diploïdes (2n = 24).

La nomenclature botanique des physalis est un domaine confus. Les noms corrects des principales espèces dont les fruits sont consommés sont les suivants :

P. peruviana L. On le trouve aussi sous le nom de P. edulis Sims. Sous les tropiques, l’espèce a le double statut de plante cultivée et d’adventice. Elle est tétraploïde (2n = 48).

P. philadelphica Lam. Selon les sources, P. ixocarpa Brot. ex Hornem est considéré comme un synonyme ou comme une espèce différente. P. philadelphica existe à la fois sous forme cultivée et sous forme adventice dans son aire d’origine. Son régime allogame est dû un système de reproduction auto-incompatible.

P. grisea (Waterf.) M. Martinez = P. pubescens L. var. grisea est originaire du nord-est des États-Unis, où il est commercialisé. Cette espèce est souvent appelée à tort P. pruinosa, ce qui est la source de nombreuses confusions.

Les fruits d’autres espèces sont également consommés. C’est le cas de P. maxima Mill. (plus connu sous le nom de P. pruinosa L.), originaire du Mexique et d’Amérique centrale, ainsi que de l’adventice tétraploïde P. angulata L.3 , originaire d’Amérique centrale et du Sud. Ces deux espèces sont très proches phylogénétiquement de P. grisea.

Les termes descriptifs communs à tous les physalis utilisés pour leurs fruits sont « cerise de terre » et « coquerets », mais il existe une abondance d’autres noms communs (Tableau n° 1).

Description et usages

Physalis peruviana est une espèce pérenne de plus d’un mètre, avec des feuilles pubescentes. Les baies, vertes, tournent au vert-jaune ou jaune-orangé à maturité (Photo n° 1). Elles sont sucrées (13-15 % de matière sèche soluble), très riches en phosphore et leur teneur en vitamine C est proche de celle du citron (50 mg/100 g de matière fraîche). Les fruits sont consommés principalement en frais (fruits, salades, jus, glaces, décoration de plats et gâteaux), mais aussi cuisinés (en plats, sauces, chutneys), sous forme de fruits secs ou en conserve. De nombreuses propriétés médicinales lui sont attribuées.

TABLEAU N° 1: Diversité des noms communs des principales espèces de physalis cultivées pour leurs fruits

P. philadelphica est une annuelle. Du fait de sa biologie florale, l’espèce présente une grande diversité morphologique, notamment parmi les nombreuses variétés locales mexicaines. Haute d’un petit mètre, la plante est presque glabre. Ses fruits sphériques, verts ou pourpres, jaunes à maturité, peuvent atteindre jusqu’à 7 cm de diamètre. Le fruit est cueilli quand il émerge du calice (Photo n° 2). Il est légèrement collant au toucher. La saveur est un peu acide et légèrement plus sucrée que la tomate du fait d’une teneur en matières sèches solubles de l’ordre de 9 %. Les fruits, généralement consommés cuits, donnent une texture liante aux préparations culinaires.

P. grisea est une espèce annuelle, au port prostré, très productive et dont les fruits, plus petits que ceux de P. peruviana, verts puis jaune d’or, tombent au sol à maturité. De saveur aigre-douce, ils sont utilisés en frais, en confiture, en pâtisserie ou en sauces et plats cuisinés.

Culture

Les coquerets se cultivent comme la tomate, mais sont plus tardifs. Ils se contentent de sols pauvres. Le palissage est nécessaire si les plantes sont très végétatives (Photo n° 3). P. peruviana se multiplie par semences, mais on peut aussi en faire des boutures sur des rameaux d’un an. L’espèce est cultivée en annuelle dans les régions tempérées (zéro végétatif à 10 °C). La récolte des fruits mûrs est tardive (quatre à sept mois après semis) mais elle peut être très abondante. Les fruits se conservent plusieurs mois dans leur calice en conditions sèches. En France, le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes préconise un semis en mars-avril, un repiquage, puis une plantation en mai-juin au stade 8 10 feuilles, avec une distance de 1 mètre sur le rang, 2 mètres entre les rangs, et une taille sommaire.

P. philadelphica se multiplie par semences, mais aussi par boutures à partir de tiges présentant des racines adventives. Le zéro végétatif se situe vers 16 °C. La production a lieu deux à trois mois après le semis. Les fruits sont récoltés dès qu’ils ont atteint leur taille maximale. La senescence de la plante est complète quinze à seize semaines après semis.

Conclusion

Les physalis comestibles présentent de nombreux atouts culturels et gustatifs à même de séduire le jardinier amateur. Les plus faciles à se procurer dans le commerce sont P. peruviana et P. philadelphica. Leur culture ne comporte pas de difficulté particulière si l’on est déjà familier de celle des tomates. Le plus difficile sera sans doute de trouver une bonne variété. Les deux espèces invitent cuisiniers et convives à faire preuve d’imagination pour les inclure dans la gastronomie familiale.

 

Marie-Christine Daunay
Inrae, UR1052 génétique et amélioration des plantes, Montfavet

 

Consultable en ligne: https://www.wdl.org/en/item/10096/#institution = laurentian-library

(2*) Cette espèce a été récemment exclue du genre Physalis, et a été placée dans le genre monotypique Alkekengi Mill.

(3*) Son usage est médicinal en Amérique centrale et du Sud, Afrique et Asie du Sud-Est. La plante est toxique pour les bovins et les ovins