Que font les collectivités territoriales pour l’agriculture des aires urbaines ?

Marianne HédontAurore Micand

Au croisement des mondes agricoles, urbains et de la société civile, les initiatives en lien avec l’agriculture urbaine s’inventent dans tous les espaces, du milieu urbain dense jusqu’à l’extérieur de l’espace métropolitain, de l’amateur au professionnel. Les élus et les services des collectivités sont des interlocuteurs privilégiés, car ils agissent sur les politiques publiques et la planification de la ville en lien avec aménageurs et paysagistes. L’émergence et la vie d’une politique ou d’un projet sont également très liées à l’histoire du territoire ou du lieu, aux contraintes économiques ou environnementales, aux demandes sociétales, aux dynamiques humaines et aux potentialités agricoles.

S’appuyer sur l’historique et la dynamique locale : l’exemple de Strasbourg

Prenons l’exemple de Strasbourg. L’édification de la ville est étroitement liée à la présence des jardins nourriciers et guérisseurs qui la jalonnaient dès le Moyen-Âge. Strasbourg a ainsi réussi à préserver des espaces à cultiver et les a même diversifiés pour répondre aux attentes de tous les usagers. Ainsi la ville compte 4 800 jardins familiaux sur 150 hectares. L’offre s’est élargie avec la création de 24 jardins partagés, où les parcelles de 4 à 6 ares sont cultivées à plusieurs et prétextes au lien social, six potagers urbains collectifs rassemblent des microparcelles individuelles destinées à des cultures vivrières, trois vergers collectifs et quarante jardins d’école. Tous sont réalisés sur du foncier appartenant à la ville et font l’objet de contrats (mise à disposition gratuite ou location) ou de conventions tripartites pour les jardins pédagogiques (ville, école, inspection académique). La diversité des modèles de jardins est perçue comme un facteur de succès et comme un facteur de résilience face aux mutations de la ville et de sa gouvernance.

Magasin de producteurs la Nouvelle Douane, dans le centre-ville de Strasbourg (67). L’action publique de certaines collectivités tend à privilégier une double politique : agricole et alimentaire - © Aurore Micand/Plante & Cité
Magasin de producteurs la Nouvelle Douane, dans le centre-ville de Strasbourg (67). L’action publique de certaines collectivités tend à privilégier une double politique : agricole et alimentaire – © Aurore Micand/Plante & Cité

Installer des espaces de culture et les valoriser : l’exemple de Lille

Les collectivités peuvent soutenir les initiatives d’agriculture urbaine de différentes manières, avec plus ou moins de moyens humains et financiers. D’abord facilitatrices pour la mise en place du projet (accompagnement administratif, apport d’expertise des différents services), elles peuvent s’engager plus en portant l’investissement nécessaire au projet ou mobiliser leurs terrains (réserve foncière) ou encore leurs bâtiments pour la mise en place de l’activité. Parmi les projets d’agriculture urbaine, plusieurs s’invitent dans l’espace public : dans les rues (installations temporaires) ou dans les parcs (jardins familiaux ou partagés, activités de production professionnelle). Installer des activités de type agricole, qu’elles soient amateures ou professionnelles, modifie les usages de ces espaces. Ainsi, dans Lille-Sud, en renouvellement urbain, le projet ANRU1 Nice-Cannes 2009-2014 propose un jardin pensé à la fois comme un espace de cultures et un lieu de vie ouvert sur le quartier. Différents types d’espaces ont été créés : 30 % de la surface sont clôturés (parcelles de jardins familiaux, jardin d’insertion et jardin pédagogique), les autres espaces sont ouverts et partagés (verger de maraude et arboretum d’espèces locales, prairies de fauche, lieux de promenade et sportifs, abris et composteurs collectifs). Les espaces de culture ont été conçus comme une partie intégrante du parc avec un important cadre végétal, basé sur des arbres et arbustes à fruits comestibles. Le service des Parcs et Jardins a mobilisé du temps de personnel sur place, pour aller vers une gestion participative par les habitants, en parallèle du programme d’animation des associations locales. Lien social, éducation à l’environnement et à l’alimentation, préservation du paysage, biodiversité, économie circulaire, de nombreux projets d’agriculture en milieu urbain n’existent pas uniquement pour une fonction de production agricole stricte.

1 Agence nationale pour la rénovation urbaine

Jardin des cultures à Lille-Sud (59). L'agriculture urbaine, amateure ou professionnelle, fait désormais partie des politiques d'agglomérations - © Plante & Cité/Louise Seguin
Jardin des cultures à Lille-Sud (59). L’agriculture urbaine, amateure ou professionnelle, fait désormais partie des politiques d’agglomérations – © Plante & Cité/Louise Seguin

Développer une politique agricole alimentaire : l’exemple de Montpellier

Pour contribuer à un développement territorial cohérent, l’action publique de certaines collectivités tend à privilégier une double politique : agricole et alimentaire. Une volonté politique initiale suffisamment forte est indispensable à une action territoriale durable. Afin de combiner de manière optimale circuits courts et circuits longs, productions locales et productions extérieures, plusieurs projets d’agglomérations et de métropoles affichent une dimension interterritoriale, comme à Montpellier. Depuis 2014, la mobilisation des élus communaux et intercommunaux menée par Montpellier Méditerranée Métropole (3M) a permis d’élaborer une politique agro-écologique et alimentaire de territoire au portage institutionnel fort. Dans le cadre du « Pacte de confiance métropolitain » (2014-2020), une conférence des maires hebdomadaire a été mise en place comme instance de débat et d’arbitrage sur les grandes orientations de la métropole, dont la politique agro-écologique et alimentaire fait partie. Pour élaborer cette politique, 3M a sollicité un groupe multidisciplinaire de chercheurs et organisé deux grands ateliers réunissant élus et agents. Ensemble, ils ont construit un réel cadre politique commun autour duquel ont été fédérés les élus.

À LIRE

Plante & Cité, Terres en villes, 2017. Agir pour les agricultures des aires urbaines. Guide d’aide à la décision. Plante & Cité, Angers, 145p.