Camellia sasanqua : des camellias à floraison d’automne qui aiment le soleil

Martine Soucail

 

La légende dit que tous les Japonais sont les descendants de la déesse Amaterasu, la fille du soleil dont le blason est un Camellia rouge. Le sanctuaire de cette déesse Amaretasu est situé à Isse (Honshu) dans une forêt de Camellia. C’est le lieu de pèlerinage le plus vénéré du Japon.

Camellia sasanqua Jennifer - © Marité Roué

Les Japonais ont deux mots pour décrire le Camellia : ‘Tsubaki’ qui signifie « arbre aux feuilles épaisses » ce qui définit bien le Camellia japonica,  et ‘sasanka’  qui signifie « fleur de thé de montagne » qui est notre Camellia sasanqua.

Les Camellias sont de la famille des Théacées qui, très schématiquement,  rassemblent les genres en 3 groupes :
1. les Gordonia, Schima et Franklinia ;
2. les Stewartia et Hartia ;
3. les Camellia et leurs cousins (Laplacea, Polyspora, et Tutcheria).

Les genres sont ensuite divisés en sous-genres qui eux-mêmes sont divisés en sections et espèces. Selon l’école, le nombre d’espèces répertoriées se situe entre 400 et 120.

Camellia sasanqua Vanessa  - © Marité RouéCamellia sasanqua (couramment appelé « sasanqua ») est une espèce indigène du Japon méridional, dont la floraison s’étale de septembre à janvier. C’est une plante de sous-bois que l’on trouve sur les collines boisées du sud ouest du Japon, sur les îles de Shikoku, Kyushu, et Okinawa, notamment dans l’île de Ryukyu. Il est proche du Camellia oleifera avec lequel il a été longtemps confondu. Sont aussi proches du Camellia sasanqua les Camellia hiemalis et Camellia vernalis qui seraient des hybrides naturels du sasanqua et du japonica dont ils héritent les principales caractéristiques.

 


Le port du Camellia sasanqua est buissonnant. Si celui-ci peut atteindre 5 m, il est moins dense que le Camellia japonica;  ses feuilles sont elliptiques à ovales, de taille très variable (3  à 7,5 cm de long  sur 1,2 à 3 cm de large) suivant les cultivars, à pointe aiguë, finement veloutées, à nervures centrales et latérales bien en relief sur les deux faces.

Les fleurs sont souvent simples ou semi doubles, petites, mesurent de 5 à 7 cm de diamètre. Elles ont 6 à 8 pétales blancs, ou blancs bordés de rose, quelques fois rose ou rouges foncés, séparés à leur base.

Les cultivars de hiemalis sont généralement de faible hauteur. Leurs feuilles elliptiques, coriaces, plus grandes que celles du C. sasanqua mesurent 6 à 9 cm de longueur sur 3 à 4 de largeur. Ils fleurissent plutôt en hiver (hiemalis = hivernal en latin). Les fleurs simples à semi-doubles, avec sept pétales ou plus, blancs à rose vif pourpré, mesurent 5 à 7 cm de diamètre. Plusieurs hiemalis ont des fleurs doubles.

Les cultivars de C. vernalis sont en général plus érigés, et méritent d’être utilisés en haies. Ils fleurissent de la fin de l’hiver au début du printemps (vernalis = printanier en latin). Les boutons rosés éclosent en fleurs simples à semi-doubles, quelques cultivars ont des fleurs doubles, blanches à blanc rosé, ou rouges. Les feuilles sont plus grandes que celles des sasanqua.

En fait, les caractères des cultivars ne sont pas toujours très tranchés pour qu'on puisse les ranger indiscutablement dans un groupe ou un autre. Par exemple, le cultivar Yuletide est classé sasanqua proprement dit par les uns et considéré comme vernalis par les autres.

Dans la " Nomenclature illustrée des Camellias et des Sasanquas du Japon " éditée en japonais en 1998 par la Société Japonaise de Camellia, les trois variétés sont regroupées. Il y a
- 137 sasanqua dont  2 à fleurs doubles et 3 Higo[1]
-  43 hiemalis dont 28 à fleurs doubles et 1 Higo[1]
-  41 vernalis dont 12 à fleurs doubles.

Dans la " Camellia Nomenclature " officielle de 2006 de l' American Camellia Society, il y a :
- 276  sasanquas dont 45 à fleurs doubles, une vingtaine de ces sasanquas ont des noms japonais, les autres sont des obtentions occidentales ou des cultivars de provenance japonaise dont les noms ont été changés par les pépinéristes.
- 41 hiemalis dont 21 à fleurs doubles,
- 18  vernalis.


Camellia sasanqua Hilda © Marité Roué Camellia sasanqua Belinda © Marité Roué Camellias sasanqua Susan  - © Marité Roué

 


[1] Les camellia Higo (originaires de cette ville, aujourd’hui Kumamoto) ont des fleurs simples : 7 pétales et de 150 à parfois plus de 200 étamines entourant un pistil.

 


Camellia sasanqua Petite - © Marité Roué

Les sasanqua sont moins exigeants que les Camellia japonica au point de vue acidité du sol et acceptent ceux qui sont neutres.  Ils prospèrent, du moment que le sol est bien amendé. Ils supportent les irrégularités climatiques : sècheresse et humidité. Ils ont besoin de chaleur et de lumière. On peut les placer aux endroits les plus ensoleillés et les plus chauds du jardin, même contre un mur plein sud. La chaleur leur est même indispensable pour « boutonner » ; ils fleuriront mieux pendant les automnes ensoleillés et doux. Ils tolèrent aussi bien des conditions difficiles, humides ou sèches, et sont moins vulnérables au Phytophthora, cause de pourrissement des racines. Cette espèce est donc un support parfait pour greffer des variétés pérennes.

Jean Laborey dont le jardin était situé en Côtes d’Armor à Ploumanach ne voyait fleurir certains de ses sasanquas que tous les 7 ans. Moi-même dans mon jardin de Carolles (Manche), je pensais me débarasser d’un sasanqua ‘Chantal ‘ de 2,50 m désespérant de le voir fleurir. Mais après le printemps chaud de 2011, il s'est couvert de fleurs de mi-octobre à décembre.

Camellia Narumigata - © Marité RouéEn majorité, les C. sasanquas sont odorants ; certains sont parfumés comme le cultivar « Narumi-gata ». Ils diffusent un parfum suave et sucré qui attire un grand nombre  d’insectes (ou est-ce le fait que les végétaux en fleur sont moins abondants à cette époque ?). Cela explique peut-être la profusion de graines que produisent les C. sasanquas .

De tous temps, les camellias au Japon et en Chine ont été cultivés pour leurs graines, qui pressées, fournissaient une huile de grande qualité, utilisée en cuisine et pour les soins corporels. Dans le sud du Japon, beaucoup de villages possédaient leur pressoir. Actuellement, cette production a été remplacée par celle d’huiles végétales produites industriellement (colza, arachide) mais l’exploitation de l’huile de Camellia se poursuit de façon marginale, dans l’élaboration de recettes de cuisine japonaise ou chinoise et pour la cosmétique. Les laboratoires Shiseido utilisent couramment l’huile de camellia dans la confection de leurs crèmes, huiles, shampoing, parfums…

Méconnus du grand public, les Camellias sasanqua sont peu utilisés comme élément de composition de jardin ; pourtant les pépiniéristes ont compris l’intérêt de ce végétal : en 1980 les pépinières Claude Thoby, les plus importantes de l’époque, proposaient 3 variétés de sasanqua et en 2012, certains producteurs de camellias proposent jusqu’à 50 variétés différentes de Camellia sasanqua à la vente.

Camellia Claude Brivet - ©  F. et J. Thoby
 

Camellia sasanqua pink Godess - © Marité Roué
Bibliographie

Camellias :  The Gardener’s Encyclopedia  - Jennifer Trehane (Timber Press)

The illustrated encyclopedia of camellias – Stirling Macoboy (Timber Press)

Les camélias, Jean Laborey (Maison Rustique)

Sasanquas – The winter flowers  (A commemorative Publication for the 2010 International Camellia Congress in Kurume)

Congrès International du Camellia – Japon 2010 – Marité Roué

Camellias, par Chang Hung Ta et Bruce Bartholomew  (B.T. Bastford Ltd London) 1984


Pépinières de camellias et leurs sites :

Côtes Sud des Landes : http://pcsdl.free.fr/
Joel Lemaitre :  www.pjlearl.com/
Maymou : catalogue disponible sur demande à pepinieres-maymou@orange.fr
Roué : www.rouepepinieres.com
Stervinou : www.stervinou.fr
Thoby (Gaujacq) : www.thoby.com
Kerisnel : www.kerisnelpepinieres.com/
Pépinières de Plehedel : www.pepinieres-de-plehedel.fr