Bulbes et rhizomes : Du semis à la division

Quelle entreprise pourrait mieux parler de bulbes que la société Ernest Turc ? Cette institution familiale, ancrée dans le Maine-et Loire depuis plus d’un siècle, allie son savoir-faire ancestral aux techniques de production les plus modernes. Aude Monsarrat, responsable R&D, diversification et qualité, nous explique les différentes méthodes de reproduction des bulbes et rhizomes et leur intérêt.

Comme pour la plupart des fleurs, les plantes à bulbes ou à rhizomes produisent des graines qui pourraient offrir des possibilités de reproduction par semis, et donc par voie sexuée. Le semis est cependant très rarement utilisé pour la production horticole de bulbes à fleurs, qui se base majoritairement sur des modes de reproduction par voie végétative, à quelques exceptions près. La reproduction asexuée permet la reproduction d’individus génétiquement identiques à la plante-mère..

Bouturage de dahlias
Bouturage de dahlias sous serre © E. Turc
Plant de dahlia vitro
La culture in vitro est largement utilisée pour la multiplication de certaines plantes à bulbes ou à rhizomes comme le dahlia, le canna ou l’alstrœmère © E. Turc
Culture in vitro
La culture in vitro est largement utilisée pour la multiplication de certaines plantes à bulbes ou à rhizomes comme le dahlia, le canna ou l’alstrœmère © E. Turc
Dahlia turc
Le dahlia, une des spécialités d’Ernest Turc, est produit par bouturage de pieds-mères © J.-F. Coffin

Cayeux, bulbilles et division de souches

Une première technique de reproduction des plantes à bulbes est la multiplication par division de cayeux. Ce mode de multiplication repose sur la formation naturelle de petits bulbes, appelés cayeux ou caïeux, tout autour du plateau (c’est-à-dire la base) du bulbe principal au cours de la période de végétation. Une fois séparés du bulbe principal, les cayeux sont triés par calibre puis cultivés deux à trois ans pour atteindre le calibre commercial recherché.

Cette technique demeure largement utilisée pour la production des tulipes et des narcisses, dont les Pays-Bas sont le principal pays producteur. Une autre méthode de reproduction repose sur la multiplication de bulbilles souterraines. Il s’agit de très jeunes bulbes à un stade embryonnaire, comparables à de grosses graines, se développant tout autour du bulbe-mère lors de sa phase de végétation.

Dans le cas de la jacinthe, la production en grand nombre de bulbilles est obtenue après excavation du plateau basal ou par la réalisation de profondes entailles. Une fois détachées de la plante-mère, les bulbilles sont semées. Une culture d’environ deux ans est nécessaire pour obtenir de jeunes bulbes et une première floraison. Deux à trois années de culture de ces jeunes bulbes restent encore nécessaires pour produire des bulbes au calibre commercial souhaité.

Certaines plantes à bulbes sont produites par division de souches. Cette dernière est la principale technique utilisée pour les plantes à rhizomes, comme les cannas ou les alstrœmères. La multiplication consiste à sectionner le rhizome en tronçons comportant un ou plusieurs bourgeons. Certaines souches sont destinées à être divisées en bulbes commerciaux exclusivement, alors que d’autres, appelées pieds-mères, sont divisées en rhizomes. Les « rhizomes-fils » sont remis en culture pour produire, chacun, une nouvelle souche.

Le dahlia par bouturage

Le dahlia, espèce phare des bulbes à floraison estivale, est produit par bouturage de pieds-mères. Des tubercules sont mis en végétation pour favoriser l’émergence de petites pousses autour de l’ancienne tige, au niveau de ce que l’on appelle le collet. Celles-ci sont prélevées régulièrement avec un outil de coupe, puis sont mises en enracinement dans du substrat. Une fois enracinées, et les risques de gelées passés, elles sont plantées en pleine terre où, après une phase de croissance végétative et de floraison, elles produisent à leur tour un tubercule qui est récolté. Le dahlia est, dans certains pays comme les États-Unis ou la Chine, produit par division des tubercules.

Cette technique, plus simple et consistant à couper le tubercule en tronçons comportant une racine tubérisée accrochée à un morceau de collet possédant un bourgeon, offre cependant un taux de multiplication beaucoup plus faible que le bouturage.

La culture in vitro est également largement utilisée pour la multiplication de certaines plantes à bulbes ou à rhizomes comme le dahlia, le canna ou l’alstrœmère. Elle permet une multiplication plus rapide de plants strictement identiques, mais aussi, selon la technique utilisée, un assainissement par élimination des virus ou bactéries potentiellement présents.

Champs de jacinthes
Pour les jacinthes, une culture d’environ cinq ans sera nécessaire à partir de la plantation des bulbilles pour obtenir des bulbes au calibre commercial souhaité © Ernest Turc

Multiplication végétative vs multiplication sexuée

Toutes les techniques de reproduction évoquées précédemment, hormis le semis, sont basées sur un mode de multiplication végétative dont résulte la reproduction strictement à l’identique d’une variété, sans perte de ses caractéristiques génétiques. Cependant, elle nécessite une vigilance très importante du point de vue sanitaire, puisque ces techniques de reproduction permettent la transmission des maladies de la plante-mère aux plants-fils.

ernest turc en chiffres

La multiplication sexuée n’est utilisée que rarement comme mode de reproduction des plantes bulbeuses. Elle sert pour des travaux de création de nouvelles variétés pour lesquels les hybrideurs parient sur les résultats du brassage génétique issu de la pollinisation.

Cependant, en production, seuls les bégonias, les anémones et les renoncules font partie des exceptions produites par semis. Les graines sont récoltées sur des plantes-mères, souvent isolées pour maîtriser la pollinisation et garantir le maintien du coloris, avec une légère variabilité résultant du mode de production par semis. Pour ces trois espèces, les plants nés de ces graines produisent, après une ou plusieurs années de culture, un tubercule ou une racine tubérisée qui seront commercialisés.

Aude Monsarrat
Responsable Qualité – R&D, Éts Ernest Turc