À Saint-Eusèbe, l’école de la solidarité

Jean-François Coffin

A Saint-Eusèbe, petit village de 448 habitants en Haute-Savoie, la pédagogie de l’école est centrée sur le jardin. Et c’est toute la commune qui y est associée : les enseignants, les élèves, les parents, les agriculteurs et même monsieur le Maire…
 

Devant l’école, la cour asphaltée et son tilleul…

Devant l’école, la cour asphaltée et son tilleul…

 

« Quand je suis arrivée, j’ai trouvé deux magnifiques pommiers dans le jardin de l’école. Je me suis dit qu’il fallait absolument les exploiter », explique Caroline la directrice depuis quatre ans de l’école se Saint-Eusèbe, petit village non loin d’Annecy. Si l’activité a commencé par la récolte des pommes et la fabrication sur place de jus et des compotes, bien vite le jardin a pris une dimension sociale et pédagogique insoupçonnée avec l’implication de Véronique, l’institutrice. « Cette histoire de jardin me trottait dans la tête. Je m’en suis épanchée auprès de Séverine, une maman, lui faisant part de rêve bio, de permaculture, de plantes qui s’aident entre elles, que les enfants mangent sainement, que l’on pouvait avoir de magnifiques légumes dans ce jardin ». Et par hasard, c’était la spécialité de Séverine !
 

…Vite, transformons le pourtour de béton de l’arbre en un parterre plus naturel et esthétique.

…Vite, transformons le pourtour de béton de l’arbre en un parterre plus naturel et esthétique.

Un « potagénial »

Ainsi a démarré le projet jardin de l’école de Saint-Eusèbe. Aujourd’hui, il est devenu un véritable support pédagogique et de solidarité. « Tout notre programme scolaire est conçu en impliquant le jardin. » Comme le reste de l’école où s’exerce cette solidarité. « Pendant la récré, les enfants adorent venir jardiner. Et ils s’y connaissent ! Si, par malheur l’un d’entre eux arrache ce qu’il croit être une mauvaise herbe, les autres interviennent aussitôt ! Un véritable comportement éco responsable », savourent Caroline et Véronique. L'école a d'ailleurs été labellisée cette année Eco-Ecole. Ambiance de solidarité qu’elles retrouvent même au niveau des maths ou du français où les enfants s’aident mutuellement et spontanément. « On n’est pas à l’école, on est en famille. » Il fallait trouver un nom au potager. Celui retenu a été simplement « Le potager des enfants de Saint-Eusèbe ».  Mais un surnom lui a été ajouté : le « potagénial » !
 

Transformus Patapus

Les enfants de l’école de Saint-Eusèbe ont créé un spectacle, « Transformus Patapus », dont le thème tourne autour du jardin, de la nature, des problèmes de l’environnement, de la « malbouffe ». « Ils sont partis sur l’idée que notre terre était très triste, vue par les enfants d’une autre planète. Mais dans un petit village de Haute-Savoie, les enfants faisaient de la résistance, avec un jardin sans pesticides. » Ils en ont entièrement écrit les textes et les chansons avec l’aide de l’équipe pédagogique et une artiste professionnelle, Monique Tréard. Un disque a même été enregistré. Le spectacle a été présenté à l’occasion de la fête des mères.
Pour une autre fête, celle de l’inauguration du jardin, ils ont créé des saynètes avec une imagination incroyable. Déguisés, ils les ont mimées, avec un conteur qui racontait leur histoire. Tout le monde a joué le jeu. Le maire est même venu en personne ouvrir le spectacle, avec son écharpe tricolore...


 

Derrière le bâtiment, se situe le jardin. Avant de l’aménager, un plan s’impose où chacun apporte sa contribution

La directrice avec l’équipe de l’été devant les fameux pommiers. Les parents sont aussi mis à contribution, notamment pour assurer l’arrosage du jardin pendant les vacances

1: Derrière le bâtiment, se situe le jardin. Avant de l’aménager, un plan s’impose où chacun apporte sa contribution / 2: La directrice avec l’équipe de l’été devant les fameux pommiers. Les parents sont aussi mis à contribution, notamment pour assurer l’arrosage du jardin pendant les vacances.

 

Petite satisfaction avec la récolte de fraises…

Malgré la canicule qui a défiguré le jardin, on le prépare pour la rentrée afin d’y planter des légumes. Chaque élève a droit à 1 m²  de terrain. Et la solidarité est de mise. Un voisin agriculteur va leur donner un coup de main pour faciliter le travail

3: Petite satisfaction avec la récolte de fraises…/ 4: Malgré la canicule qui a défiguré le jardin, on le prépare pour la rentrée afin d’y planter des légumes. Chaque élève a droit à 1 m²  de terrain. Et la solidarité est de mise. Un voisin agriculteur va leur donner un coup de main pour faciliter le travail.

 

« On a profité de la semaine du goût pour faire découvrir les tisanes. Chaque jour nous en goûtions une différente avec les herbes aromatiques de notre jardin comme le thym, la sauge. Dans notre « projet nature », nous allons étudier les plantes médicinales en cours de science et nous allons en planter dans le jardin », explique Caroline

Les élèves développent des trésors de poésie et d’humour…

5: « On a profité de la semaine du goût pour faire découvrir les tisanes. Chaque jour nous en goûtions une différente avec les herbes aromatiques de notre jardin comme le thym, la sauge. Dans notre « projet nature », nous allons étudier les plantes médicinales en cours de science et nous allons en planter dans le jardin », explique Caroline / 6: Les élèves développent des trésors de poésie et d’humour…

 

Les Incroyables comestibles

La démarche de l’école de Saint-Eusèbe se rapproche d’un mouvement qui prend de l’ampleur dans le monde : « Les Incroyables Comestibles ». Il est parti d’une initiative citoyenne lancée en 2008 en Angleterre par deux mères de famille. La démarche consiste à créer un nouvel art de vivre en redynamisant les échanges locaux par le partage de fruits et légumes bio cultivés par les habitants et offerts librement à tous. Une méthode en cinq étapes est proposée :
- on se prend en photo devant la pancarte de la commune
- on partage les photos sur Internet et on communique aux autres
- chacun fait sa part devant chez soi avec les Incroyables comestibles
- on réalise des actions collectives pour devenir une force citoyenne
- on sensibilise les élus pour soutenir le mouvement citoyen solidaire.
La méthode fonctionne car simple à réaliser. «Si simple que les enfants peuvent le faire :on plante partout où c’est possible, on arrose, on partage. Et puis aussi on cuisine et on fait la fête de l’abondance partagée des récoltes entre tous.»
http://www.incredible-edible.info/