À propos de l’Encyclopédie des plantes alimentaires de Michel Chauvet

Michel Cambornac évoque l’encyclopédie dédiée aux plantes alimentaires que Michel Chauvet a publiée chez Belin en septembre 2018. On y trouve la description de sept cents plantes à mettre dans nos assiettes !

Michel Chauvet, que je connais depuis fort longtemps, se situe dans la lignée des « ethnobotanistes » curieux de connaître et de comprendre la relation culturelle et technique de l’homme avec le monde végétal qui a forgé en partie nos civilisations et nos habitudes alimentaires. Il dédie son livre Encyclopédie des plantes alimentaires, qu’il vient de publier chez Belin, à trois hommes et à sa famille. Le premier est Jacques Barrau (1925-1997) qui fut professeur au MNHN (Muséum national d’Histoire naturelle) et membre du CNRS.

Précurseur de l’ethnobotanique par ses travaux en Océanie, il fut passionnant dans ses récits des pratiques traditionnelles et culturelles. Le deuxième est André-Georges Haudricourt (1911-1996) dont Michel Chauvet a préfacé la réédition, en 1987, du livre écrit avec Louis Hédin L’homme et les plantes cultivées (1943). Michel Chauvet écrit dans cette préface: « […] il est rare de trouver, traité avec la compétence voulue, un sujet hautement interdisciplinaire puisqu’il s’agit aussi bien de l’histoire des hommes que de l’histoire des plantes ». La troisième personne est André Cauderon (1922-2009).

Secrétaire perpétuel de l’Académie d’agriculture de France, il fut aussi, en 1983, le premier directeur du tout nouveau Bureau des ressources génétiques, où Michel Chauvet avait en charge la botanique et les plantes utiles. C’est à cette époque que nous nous sommes retrouvés aux réunions de l’AFCEV (Association française pour la conservation des espèces végétales). Cette association œuvrait à l’organisation de colloques, de conférences, de travaux par sections : légumes, arboriculture, etc. Elle avait aussi, parmi ses missions, le soutien de publications. C’est ainsi que l’Inventaire des plantes protégées de France, de Philippe Danton et Michel Baffray, fut publié chez Nathan en 1995. Cet ouvrage présentait les 429 espèces végétales sauvages protégées sur l’ensemble du territoire national. Il fallait compléter ces connaissances par un ouvrage décrivant les plantes cultivées, notamment pour notre alimentation. Michel Chauvet s’y est attelé, consultant méthodiquement tous les ouvrages et documents historiques, des plus anciens aux plus contemporains, des plus ésotériques aux plus scientifiques.

Il ne s’est pas contenté de compiler les informations. Il a tenu, pour chaque document consulté, à remonter à la source des informations, dans la langue originelle. Cela l’a amené à s’intéresser à la linguistique et à pratiquer de nombreuses langues, dont des langues anciennes dans le but d’y voir le plus clair possible dans les dénominations des plantes à travers le monde, passant ainsi toutes ces sources au crible des connaissances botaniques, agronomiques et génétiques. Enfin, il a voulu compléter son ouvrage par une illustration de qualité en y associant dix-neuf illustrateurs qui ont, au fil des années, dans le même esprit que pour le livre sur les plantes protégées, présenté pour chaque plante un dessin dans la tradition naturaliste mettant en avant les traits caractéristiques de chacune d’elles, mieux que ne le ferait une photographie. L’Encyclopédie décrit 700 espèces de plantes alimentaires que l’on peut rencontrer en France métropolitaine et d’outre-mer, et même en Europe. Elles ne sont bien sûr pas toutes cultivées ou issues de cueillettes à l’état sauvage sur le territoire métropolitain. Mais elles ont toutes été remarquées par Michel Chauvet lors de ses enquêtes ou prospections sur les marchés traditionnels de campagne ou ethniques dans les quartiers de nos grandes villes. Les plantes dites anciennes, ou d’autres nouvellement présentes sous diverses formes dans les magasins diététiques, du commerce équitable ou du slowfood, prennent place dans cette encyclopédie.

Il remercie d’ailleurs sa famille de lui avoir servi de cobaye pour ses expériences culinaires. Dans son introduction, il précise bien qu’il donne son avis, allant parfois à l’encontre de certaines assertions d’autres auteurs.

Je vous invite à vous plonger dans cet ouvrage de 887 pages. Même par simple curiosité, vous aurez du mal à vous en détacher et à ne pas céder à l’envie de tourner une nouvelle page pour découvrir une multitude d’informations passionnantes et instructives. Si vous éprouvez la nécessité de trouver la bonne information sur une plante qui vous intrigue, que vous soyez historien, scientifique ou cuisinier, alors consultez cette encyclopédie.

Vous constaterez que nos plantes de base, céréales et plantes oléagineuses, mais aussi les plantes à boissons comme la vigne, les plantes dites à infusion et les épices y sont traitées. Certains autres usages tels que médicinal ou tinctorial sont aussi abordés.

Tout en demeurant très accessible et agréable à lire, l’encyclopédie est d’une grande rigueur scientifique. Elle suit une méthodologie sans faille qui permet d’entrer par une classification botanique reconnue universellement, actualisée, basée sur les noms des familles botaniques dites traditionnelles, mais toujours valides. Attention cependant, on entre dans les Ombellifères par Umbelliferae.

La table des matières est très complète. Vous pourrez chercher par le nom scientifique selon le Code international de nomenclature pour les algues, les champignons et les plantes, mais aussi par les noms populaires en français et en anglais. D’autres noms communs ou locaux, dans d’autres langues, sont accessibles dans le texte.

Dans chaque famille botanique, vous accéderez aux genres, décrits succinctement, puis aux espèces avec les noms actuels mais aussi les noms anciens synonymes.

Pour chaque plante, après le nom scientifique, les synonymes éventuels et les noms communs dans de nombreuses langues selon l’origine ou l’usage, vous trouverez systématiquement des rubriques sur la biologie de la plante, son histoire, ses usages ainsi que son poids économique actuel.

Côté illustrations, en plus de celles évoquées plus haut, vous pourrez consulter des cartes de répartition mondiale et des centres d’origine pour les plantes qui ont « voyagé ».

Vous aurez compris que l’Encyclopédie des plantes alimentaires de Michel Chauvet est l’ouvrage qui fait le point, en ce début du XXIe siècle, sur l’aventure humaine de l’alimentation. Nous l’attendions depuis les ouvrages de Désiré Bois, Les plantes alimentaires chez tous les peuples et à travers le monde (1927-1937). C’est chose faite, merci Michel.

En ces temps de dématérialisation des données, il est rassurant de pouvoir consulter un tel ouvrage qui saura répondre aux attentes aussi bien des consommateurs, des cuisiniers curieux de nouveautés que, bien sûr, des jardiniers.

Michel Cambornac
Membre du conseil scientifique de la SNHF

NOTRE SÉLECTION DE LIVRES »

L’équipe de la bibliothèque de la SNHF vous propose une sélection parmi les plus marquantes des dernières parutions et a choisi un livre pratique, un beau-livre et un roman.
Bonnes lectures

 

PLAIDOYER POUR LES MAUVAISES HERBES: 7 BONNES RAISONS DE LEUR LAISSER UNE PLACE DANS VOTRE JARDIN
De Vincent Albouy
Vincent Albouy énumère dans cet ouvrage les sept bonnes raisons de laisser la place aux mauvaises herbes dans notre jardin: elles favorisent la biodiversité, informent le jardinier sur l’état de son sol, le rééquilibrent et enrichissent le compost, soignent les plantes cultivées et le jardin, nourrissent le jardinier, embellissent le jardin.

Dans la première partie de ce livre sont détaillés ces sept raisons, par exemple la manière de s’informer de l’état de son sol par les plantes qui s’y développent car, comme le fait si bien remarquer l’auteur, « aucune plante ne pousse n’importe où… ». Dans la deuxième partie de son ouvrage, il dresse le portrait de 75 de ces « mauvaises herbes » avec des photos et des descriptions. Edisud [Le choix durable], 176 pages, 19 euros

 

FLORA ALLEGORIA
De Luc Menapace et Colette Blatrix
Luc Menapace et Colette Blatrix ont sélectionné une centaine de documents présentant à la fois l’histoire de l’illustration horticole du Moyen Âge à nos jours et la diversité des collections de la BnF.
De par la simplicité de sa présentation et la qualité de ses reproductions, ce livre ravira tous les passionnés d’art et de plantes. Outre les documents exceptionnels qu’il présente, l’ouvrage vaut également par les courtes annotations des auteurs, qui apportent des précisions sur l’origine et les particularités des planches choisies, en les replaçant toujours dans leur contexte historique, ce qui renforce son intérêt et permet de rendre accessibles tous les authentiques chefs-d’œuvre botaniques conservés à la BnF. Bibliothèque nationale de France (BnF), 192 pages, 35 euros

 

LE JARDIN BLANC
De Stephanie Barron
Jo Bellamy, paysagiste, étudiant le jardin blanc de Vita Sackville West, découvre dans les archives du jardinier un cahier qui semble être écrit par Virginia Woolf… mais il débute le 29 mars 1941 alors que la célèbre écrivaine met fin à ses jours le 28. L’enquête peut débuter…
L’auteur retranscrit dans cet ouvrage l’ambiance des jardins anglais, en particulier le jardin blanc de Vita Sackville-West, un vrai plaisir horticole! « Hommage à l’auteur de Mrs Dalloway, ce roman érudit à l’intrigue ébouriffante ravira les amoureux de littérature, de nature, d’amour et de suspens. »
10-18 [Littérature étrangère], 384 pages, 7,90 euros

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