À Nohant : Le jardin de George Sand
George Sand, c’est le XIXe siècle : aussi bien au travers de sa production littéraire que de sa vie sentimentale tumultueuse. Mais George Sand a également passionnément aimé sa maison à Nohant (Indre), le jardin et les dépendances qui l’entourent.
C’est à Nohant (Indre), dans le domaine acquis par sa grand-mère, qu’Aurore Dupin, future George Sand (1804-1876), a grandi et passé la majeure partie de sa vie. Ce jardin, d’une superficie de six hectares, est cerné de murs avec dépendances, pigeonnier, pressoir, puits, pédiluve, prairie et saut-de-loup pour l’horizon sur le vallonnement berrichon. On y trouve aussi un bois avec une petite île pittoresque et une partie exposée au soleil, qui fournissait légumes, fruits et fleurs.
Le jardin de l’enfance est le théâtre des jeux et du merveilleux, quand, avec sa mère, elles créent une petite grotte en rocaille. Elle y découvre une liberté du corps et de l’âme, refusée aux filles de son rang : « Je dévorais les livres (…), et puis tout à coup je sautais par la fenêtre (…), et j’allais m’ébattre dans le jardin ou dans la campagne (…)(1*). »
Un jardin riche de nombreuses variétés de fleurs
Le jardinier, souvent secondé, est le mieux payé et le plus qualifié de ses employés. Les châssis et une serre, l’immense potager-verger permettaient l’autosuffisance pour la famille, les invités et la domesticité. Vingt variétés de fruits sont produites, dont des pastèques et des ananas de serre chaude. Mais la romancière tient à entourer la maison de fleurs. Roses, azalées, mauves, œillets, iris, hémérocalles, hydrangeas, dahlias, pétunias, zinnias, ainsi que clématites et glycines ont été immortalisés par le peintre Eugène Delacroix ou sont mentionnés dans les correspondances et les agendas de George Sand. Le 7 mai 1875, elle écrit à Gustave Flaubert: « Nohant est maintenant ruisselant de fleurs, de la cime des arbres aux gazons. »
Durant le siècle de la rose (le XIXe siècle), George Sand avoue à Alphonse Karr sa « grande reconnaissance pour ces courageuses beautés qui charment généreusement nos tristes hivers de France ».
Des volières, un manège de plein air, un chalet et une serreorangerie attenante à la maison (disparus aujourd’hui) agrémentaient le cadre de vie au XIXe siècle.
Initiée par Jules Néraud, le botaniste local, la romancière va créer des herbiers et également développer, tout au long de sa vie, un vif intérêt pour la minéralogie, la géologie et l’entomologie. Ses connaissances naturalistes vont lui permettre d’appréhender le jardin de manière universelle et scientifique. À la production artificielle de fleurs, que proposent les progrès du siècle, George Sand va préférer la nature et va prendre conscience qu’il faut la protéger: « (…) Je préfère aux jardins arrangés et soignés ceux où le sol, riche par lui-même de plantes locales, permet le complet abandon de certaines parties…(2*). »
Aujourd’hui encore, à Nohan, le visiteur marche dans les pas de George Sand
Aujourd’hui, le jardin a conservé son tracé d’origine, selon le plan cadastral de 1841, et propose un fleurissement du printemps jusqu’aux gelées.
Le bois est toujours composé de charmilles, d’érables, de frênes, de tilleuls et de lilas. Il est couvert de perce-neige en hiver, puis, au printemps, d’anémones Sylvie, ficaires et pervenches. La prairie de narcisses et les bulbes ouvrent le bal avec les arbres de Judée couleur parme et les gazons au fauchage partiel sont recouverts de pissenlits, violettes, pri-mevères… Dans le verger, les pommiers forment des bouquets de mariée à perte de vue avec la coronille bigarrée à leurs pieds. Le catalpa embaume la cour d’honneur accompagné des pivoines herbacées et arbustives.
Les premières roses jaunes fleurissent dans la roseraie. Elles seront plus d’une centaine avec les glycines à embaumer l’entrée du parc au début de l’été, sous le vénérable Sophora japonica.
Les vivaces et les graminées bordent la longue allée : pavots, sauges, crocosmias, sedums… plantés en quinconce s’interpellent, donnent du rythme et mènent vers le tulipier de Virginie, planté en 2004 pour le bicentenaire de la naissance de la romancière. Le jardin bouquetier est multicolore et la prairie fleurie mêlée aux graminées ondule près du néflier et des noyers.
Les Hydrangea macrophylla forment un écrin rose devant la maison et annoncent l’automne avec la coloration allant du vert à l’or des deux Ginkgo biloba. Les pommes réjouissent les visiteurs au verger avant de se changer en jus, offert au moment des manifestations.
Le bois est constellé de cyclamens de Naples et les deux Cèdres du Liban bicentenaires, plantés par la romancière pour la naissance de ses enfants, ont fière allure dans la douce lumière hivernale
Férue de botanique et passionnée de nature, George Sand considérait le jardin comme primordial. Elle y était présente de manière quasi quotidienne, fait rare pour une femme au XIXe siècle. La romancière y vécut des moments intenses d’échanges, d’amitié, de partage, d’activité, de jeux, d’évasion et de découvertes naturalistes. Elle y repose en son cimetière. Le jardin est classé Remarquable depuis 2007 et cinq arbres : Cèdres, Ginkgo biloba, If, Sophora Japonica, ont été labellisés par l’association A.R.B.R.E.S.
Sylvie Jehl
Guide
(1*) Histoire de ma vie, George Sand, 1855
(2*) Nouvelles Lettres d’un voyageur, George Sand, 1877