La 3D : pour concevoir et prévoir l’aménagement d’un espace

Dans le cadre du plan de transition numérique pour le bâtiment (PNTB), les technologies de communication, notamment la maquette numérique, sont amenées à jouer un rôle central. Ces outils contribuent en effet à développer une approche globale, prenant en compte les interfaces pour un travail plus collaboratif entre les métiers. Ils constituent des pistes de progrès pour optimiser la définition de l’ouvrage en fonction de sa destination finale, pour faire collaborer, à travers un langage et un support commun, le plus en amont possible, l’ensemble des professionnels et pour en gérer l’entretien et la maintenance tout au long de sa vie. Cette démarche, véritable industrialisation des métiers de l’aménagement du territoire est désormais connue sous l’appellation BIM (Building Information Model).

Cependant ce premier plan était résolument orienté « bâti » et occultait les besoins et enjeux de la filière verte. Le nouveau plan BIM 2022, lancé en 2019, est une occasion importante pour que les paysagistes prennent toute leur place et que « le vivant », dont ils ont la charge, ne soit pas une simple rustine verte.

La filière verte : du BIM au LIM

Si on simplifie ces métiers à l’extrême et si on considère qu’un paysage est constitué d’un socle topographique occupé par du bâti et du végétal, on se rend vite compte que tout est en marche aujourd’hui pour que le BIM maîtrise le socle et le bâti. Géomètres et architectes investissent depuis longtemps et ont atteint une certaine maturité qui les rend capables de définir, à travers ce langage commun, l’ensemble des composants d’un bâtiment et de le relier à la topographie d’un site. Pour le végétal, cela s’avère beaucoup plus complexe et du retard a été pris. Ce langage commun répond au nom d’IFC (Industry Foundation Classes). C’est un format de fichier standardisé (norme ISO 16739) organisé autour des bibliothèques d’objet 3D utilisées par l’industrie du bâtiment pour échanger et partager des informations entre logiciels.

Si tout cela peut paraître manquer un peu de poésie, la maîtrise du process est néanmoins capitale pour ne pas affaiblir la conception. Maîtrisé, l’outil devient une aide puissante dans les phases de conception, comme sur le projet du parc départemental de La Bergère, remporté par l’Agence Land’Act il y a quelques mois.

Le LIM (Landscape Information Modeling), développé par Land’Act, intègre la dimension végétale dans le process. Il permet de vérifier et d’analyser la pertinence des aménagements paysagers en tenant compte de l’ensemble des données de tous les corps de métier, de sorte que la conception puisse en tirer parti.

Le parc de la Bergère et son socle

Le projet de Land’Act propose des points de vue et des perspectives sur l’aménagement et la ville existante.

Les jeux, intégrés à la nature et bordés de végétation sont intégrés aux dénivelés

L’eau du canal, le long de la Véloroute, participe aux nouveaux aménagements. Vues issues de la maquette LIM réalisée pour le projet du parc de la Bergère à Bobigny (93) – © Land’Act

Le parc de la Bergère, à Bobigny (93), est issu d’un passé riche. Il a été utilisé depuis les années 1930 comme une zone de stockage de remblais et de matériaux ainsi que comme un terrain pour l’installation d’industries et de la cité administrative. C’est à partir des années 1970 que la zone s’ouvre au public avec l’aménagement d’un parc dans sa partie nord. Il prend son aspect existant dans les années 1980 avec le départ des industries, de nouveaux stockages de remblais et son ouverture totale au public.

Le projet est donc basé sur un socle riche d’histoire et d’évolutions, qui a su s’ouvrir petit à petit pour offrir un nouveau lieu de nature aux habitants de la ville de Bobigny. Cette situation actuelle, atout du parc, laisse un héritage fort, tant dans la topographie que dans la qualité des sols sur lesquels est bâti ce projet respectueux de l’existant tout en améliorant son fonctionnement et son apport au cadre de vie des riverains.

Une première réflexion a porté sur la topographie. Comment utiliser l’héritage du passé, avec ses forces et ses faiblesses, pour faire du nouveau projet un aménagement plus ouvert, plus sécuritaire et plus adapté à la vie et aux usages actuels ? Dès la phase concours, le LIM© a permis un travail fin de modélisation entière du parc, réalisé pour gérer l’ensemble des déblais-remblais sur site afin de ne pas avoir à faire face à un excédent de terre (tout en prenant en charge les terres polluées). Le parc est refaçonné pour être ouvert, grâce à de grandes percées, creusé, pour faire entrer l’eau, et nivelé, pour créer des points de vue et des perspectives sur l’aménagement et la ville existante tout en conservant les zones ayant un intérêt écologique ou paysager.

L’eau, présente par le biais du canal, n’est aujourd’hui pas intégrée au parc. On la voit sans la ressentir, le long de la Véloroute du canal. Le travail sur la topographie permet de la faire participer aux nouveaux aménagements et de l’offrir comme lieu de vie et de confort aux utilisateurs. Elle forme un grand contre-canal qui s’étend lascivement dans le parc et accompagne les cheminements majeurs. Calme, animée de vie et bordée de végétation dans le contre-canal, elle s’anime par des jeux de dénivelés, des rigoles et des jeux dans ses extensions pénétrantes. La gestion du nivellement par le LIM permet également d’aménager tout un système de gestion aérienne des eaux de pluies grâce à un ensemble de noues connectées, qui participent à l’insertion de l’eau dans l’aména­gement et à la biodiversité.

Travailler la végétation

La végétation est travaillée en partant de l’existant. Le LIM et le savoir-faire de Land’Act permettent d’alimenter la maquette avec les ensembles végétalisés afin de cerner la valeur écologique et la pérennité de chacun dans le but de conserver ceux dignes d’intérêt. Un travail de complément, de création, de gestion est réalisé ensuite afin de valoriser la dimension paysagère du parc et de recréer de nouveaux milieux propices au développement d’une faune et d’une flore urbaines tout en permettant aux usagers une appropriation des espaces végétalisés.

Si cette approche paraît innovante, elle demeure avant tout une démarche collaborative pleine de bon sens qui n’est pas réservée qu’aux grands projets. C’est une nouvelle évolution dans les pratiques, comme l’a été le passage du Rotring à la CAO. La méthode s’adapte à toutes les échelles si tous les acteurs acceptent ce langage commun.

La question n’est plus de savoir si cette méthodologie de travail va s’imposer, ni même quand, puisque les premiers appels d’offres (intégrant les espaces extérieurs jusqu’au DOE) se multiplient, elle est désormais de savoir comment les profes-sionnels en charge des espaces extérieurs, allant du pied du bâtiment jusqu’à l’axe de la route, s’intègrent dans ce cadre de travail, qui impose une démarche conçue par et pour les architectes/ingénieurs et qu’il faut alimenter de nouvelles informations pour aboutir au final à un objet virtuel, parfaitement représentatif de la construction qui sera mise à jour par le maître d’ouvrage tout au long de la vie du bâtiment.

C’est une formidable opportunité pour remettre le paysage au centre des débats en tant que socle structurant des projets.

Benjamin Thébaud

Directeur général de Land’Act

C’est une nouvelle évolution dans les pratiques, comme l’a été le passage du Rotring à la CAO.

 

La croissance des végétaux peut être simulée à partir de bibliothèques numériques où sont intégrées des données propres à chaque essence. Le dessin gagne en efficacité en étant plus précis, en s’adaptant automatiquement à la topographie et en intégrant, par exemple, les fosses et tuteurs ou encore les besoins en consommation d’eau du végétal prescrit – © Land’Act

 

Socle topographique du parc de la Bergère à Bobigny (9). Cette maquette autorise une simulation fine des déblais remblais et la gouvernance de l’eau.