Olivier Tranchard

Jean-François Coffin

L’homme des plantes indigènes

 

Olivier Tranchard vit grâce aux plantes sauvages. Il en a fait son métier et en cultive. Alors qu’à une époque il passait pour un extravagant, on vient aujourd’hui le voir de toute la France pour lui en acheter ou lui demander des conseils. Sa vocation a commencé très tôt, dans le jardin de ses parents…

 

Olivier Tranchard

Olivier Tranchard


« Je suis devenu jardinier car je n’aimais pas le jardin », explique Olivier Tranchard évoquant l’origine de sa vocation dans le jardin de ses parents à Colombes, en banlieue parisienne. Adolescent, il s’interrogeait déjà sur le métier du jardinage, confronté au défrichage, à la conservation ou non des plantes autochtones parmi les nombreux arbustes à fleurs qui poussaient dans le jardin. Son penchant allait vers le côté naturel, sauvage du jardin, les oiseaux qui le fréquentaient, les petits habitants qui peuplaient le bassin qu’il appréciait particulièrement. Il s’apercevait déjà de la disparition progressive des oiseaux, des papillons, de certaines plantes, « alors que globalement, ça ne se voyait pas ». Se balader dans les friches urbaines proches de sa maison était déjà une évasion. Les vacances, avec des parents enseignants et une caravane, n'étaient jamais très exotiques, mais toujours improvisées, itinérantes et culturelles.

 

Pas satisfait de l’école

Alors Olivier décide de faire de sa passion un métier. Conscient qu’il faut un diplôme pour trouver un travail, après avoir essayé de passer un bac D, il obtient un brevet de technicien en espaces verts. Mais il n’était pas très en phase avec ce qu’on lui enseignait à l’époque. « Au lycée, on nous apprenait que pour créer un jardin, il fallait tout virer et partir d’une page blanche, alors que la campagne regorgeait de végétaux. Il fallait utiliser des produits chimiques pour lutter contre les parasites et planter des Chamaecyparis ! » A l’école de Saint-Cyran, il rencontre cependant des professeurs qui le marquent comme Gilles Clément et Christian Allaert. Suit l’obligation du service militaire. Il est difficile d’imaginer Olivier Tranchard dans une caserne. Il choisit le service civil comme objecteur de conscience et travaille au Fonds d’Intervention pour les Rapaces.
 


Olivier Tranchard

Olivier Tranchard

Naturaliser des plantes

Puis commence la vie professionnelle. Après un an employé au WWF, l’organisation mondiale de protection de la nature, il travaille trois ans avec le paysagiste Gilbert Samel qui a réalisé le parc de la Courneuve. « Bien que proche de la retraite, il sentait l’évolution que prenait la pratique du paysage, que les immenses chantiers de grands parcs urbains allaient s’estomper ou changer de conception. » Avec encore peu d’expérience, Olivier Tranchard découvre les difficultés du métier, notamment le manque de sérieux de certains professionnels. « J’étais tributaire des fournisseurs de plantes et de graines pas toujours fiables, avec des produits de mauvaise qualité ou ne correspondant pas aux variétés demandées. Je me faisais souvent avoir. Jusqu’au jour où je me suis dit qu’on n’était jamais aussi bien servi que par soi-même ». Il achète un terrain d’un hectare, dans l’Oise. Il commence par ensemencer et planter des végétaux récoltés dans la nature. Miser sur les sauvages ne signifie pas pour autant laisser orties et autres chardons envahir le terrain. Alors il les maîtrise par la fauche, plante des ligneux, réalise des chemins. Il introduit progressivement d’autres plantes, à la recherche d’une diversité génétique tout en privilégiant le côté indigène. « Ce qui m’intéresse, c’est de naturaliser des plantes, des populations, pas des clones produits en masse en pépinières ». Il expérimente également des plantes venant d’autres régions comme celles de basses montagnes.

 

 

Aider la nature

« Les jardins sont trop loin de la nature. Autrefois, on concevait un jardin un peu comme de l’architecture ou alors pour avoir de quoi se nourrir et se soigner. Puis on a découvert le monde, rapporté plein de végétaux pour réaliser des jardins dits exotiques. Tout ça, c’est has been ! », souligne Olivier Tranchard. S’il est pour favoriser les plantes sauvages indigènes, il est conscient de certains problèmes comme les plantes invasives exogènes tel le cerisier tardif devenu problématique en forêt. « Quand je l’avais prédit, on m’avait ri au nez ! » Sa conception du jardin est donc de trouver un équilibre entre l'observation, l'analyse du naturaliste et l'interventionnisme du jardinier. « Le jardinage, c’est accélérer et concentrer une diversité de milieu et d’espèces que la nature seule ne peut pas ». Et c'est l'entretien qui fait la végétation, rajouter des espèces est un détail. S’il n’a rien contre les plantes à la mode, il faut les intégrer à petite dose. « Les métissages ont du bon jusqu'à un certain point, sauvegarder la diversité du monde c'est aussi arrêter de tout mélanger. »

La base d’un jardin doit être les plantes indigènes dont ne soupçonne pas la diversité. Elles ne sont pas incompatibles avec d’autres végétaux décoratifs qui ont leur place à certains points stratégiques. Incroyable qu’elles soient si peu connues ! « Je pourrais écrire un livre rien que de citations sur l'ignorance des professionnels, de grandes pépinières cultivant des plantes sans savoir d’où elles viennent, sans connaître celles qui sont indigènes. Assimilant la totalité de notre diversité floristique aux quelques espèces envahissantes anthropophiles et banales, dites « mauvaises herbes ! »

 

Donner l’exemple

Quand il était jeune, Olivier Tranchard n’était pas pris au sérieux ! « Encore aujourd’hui, certains membres de ma famille n’ont toujours pas compris ce que je fais. » Maintenant, il a pignon sur rue. Il produit des graines et des plantes de manière artisanale. Il travaille seul car il n’a pas envie de devenir patron, de « se noyer dans les paperasses ». Il a du mal à répondre à la demande. On l’appelle pour des plantes que l’on ne trouve pas ailleurs. Ses clients sont des particuliers, des communautés de communes, des jardins pédagogiques. Il déplore le peu de concurrence, il en rêve même en citant quelques entreprises qu’il connaît dans la Creuse, en Bretagne ou en Belgique. « En fondant  mon entreprise, je pensais donner l’exemple mais ça ne vient pas vite ! » Et sa volonté de transmettre le poursuit. Il donne des cours à Versailles en formation continue pour adultes, assure des conférences, dispense des conseils. Il voudrait ouvrir son jardin au public. « Mais il est déjà très difficile de répondre aux convaincus, encore plus difficile pour les non connaisseurs ! »

 

Devenir conseiller

A-t-il une vie en dehors de son travail ? Pas le temps et pas la peine puisque son métier, c’est sa vie. Il ne parcourt  pas le monde estimant ne pas avoir besoin d’aller loin pour voyager et, en plus, ce n’est pas bon pour le bilan carbone... Il connaît déjà bien la France et la végétation qui la compose. Il peut citer tout ce qu’il y a sur son terrain, maîtrise parfaitement la flore française et sort avec plaisir avec des botanistes. Il avoue avoir un petit plus par rapport à certains : il peut reconnaître des plantes à partir de plantules, sans attendre qu’elles soient fleuries ! A 50 ans, il admet commencer à fatiguer. « Récolter des graines sous le cagnard et les trier, ce n’est pas facile ». Il envisage d’arrêter le débroussaillage manuel pour le confier à la machine. Ou, mieux, l'écopâturage. Comment envisage-t-il l’avenir ? « J’aimerais faire plus de consultations, d’analyses de sites et de conceptions de mélanges de graines, donner plus de conseils et de formations. Et aider une ou plusieurs association d'insertion à mettre en place une production comme la mienne.» Il a quand-même un petit hobby : il joue de la batterie mais pour lui-même et « se défoule dessus ». L’histoire ne dit pas si les plantes sauvages apprécient …

 

 

1 thoughts on “Olivier Tranchard”

  1. Bonjour,
    Le service culturel de la Mairie de Brou sur Chantereine souhaiterait, à l’occasion de la fête de de la nature du 15 au 23 mai 2017, faire découvrir au public et aux écoles que les mauvaises herbes ont bien souvent des vertus méconnues du grand public.

    Chaque année, nous utilisons la fête de la nature pour que la population, parents, enfants puissent savourer et respecter l’espace dans lequel ils vivent au quotidien.

    C’est pourquoi, nous serions heureux de vous accueillir pour nous présenter une conférence sur les bienfaits de ces mauvaises herbes.

    En espérant que ce message vous aura sensibilisé, nous restons à votre disposition pour tout renseignement.

    Très cordialement.

    Le service culturel
    Nadine AYOUL-HAYE
    Slimène ZAOUI

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