Le système racinaire des arbres

Claire Atger

Le développement des racines des arbres obéissent à des règles complexes. Courtes ou longues, elles jouent chacune leur rôle. Claire Atger nous décrit leur organisation et nous explique comment faire un diagnostic racinaire en pépinière et en milieu urbain.

 

Le système racinaire d’un arbre : une organisation complexe, comme celui, ici, d’un Carpinus betulus - © D.R.

 

Les végétaux ligneux développent deux classes racinaires : des racines courtes non ligneuses spécialisées dans l’absorption (chevelu), caduques à court terme (1-3 ans) ; des racines longues ligneuses assumant toutes les autres fonctions.
Ces dernières s’organisent en deux sous-classes :
- les racines pérennes (pivot, charpentière horizontale) assurent l’ancrage, explorent le sol et constituent la charpente de l’enracinement.
- les racines caduques (colonisation et exploitation) naissent latéralement sur la charpente, colonisent et exploitent le sol puis s’élaguent alors qu’elles sont sans cesse renouvelées par les extrémités en croissance de la charpente.
Tous les apex de racines ligneuses absorbent et portent latéralement du chevelu absorbant (Fig1).

 

Fig. 1 : Organisation générale de l’enracinement sous l’hypothèse la plus basse de 5-10 racines latérales/ racine principale - © C. Atger

 

Le développement racinaire s’inscrit dans une séquence d’évènements (croissance, ramification différenciation) déterminant l’architecture spécifique de l’enracinement. Le pivot est le centre organisateur. En relais, le méristème terminal de chaque racine exerce sur ses ébauches latérales une dominance qui définit, dès leur formation, leur potentiel de développement dans l’architecture spécifique.

L’enracinement d’un arbre se développe en 4 étapes résumées dans le tableau ci-dessous. A chaque étape, des racines latérales ligneuses (A2) plus complexes et plus ramifiées que les précédentes se différencient à la base du pivot1 (A1).

 

Fig. 2 Stades de développement, position des catégories racinaires et « fonction » acquise.

 

Stratégie d’occupation du sol

Au terme de cette séquence de différenciation, chaque espèce révèlera sa stratégie propre d’occupation du sol, fruit du gigantisme ou de la répétition de son architecture spécifique (Fig. 3)

 

Fig. 3 : Les schémas plans sont des vues d’avion des racines charpentières, le cercle central est le tronc. Les traits gras indiquent les rejets renforçant secondairement les fourches de la charpente initiale. (Atger et Edelin 1995)

 

En sol forestier, 80% de la biomasse racinaire (biomasse ligneuse) occupent les horizons de surface riches en matière organique (0-50 cm). Le record d’extension horizontale est de 90 m (rayon) en forêt tropicale et de progression verticale est de 60m (désert).

Si la stratégie de développement est spécifique, le tracé des racines est fortement influencé par le sol hétérogène et anisotrope2. La trajectoire des racines est opportuniste, chacune réduisant sa prospection des zones contraignantes et accentuant son déploiement dans les parties plus favorables (croissance compensatrice). L’enracinement est rarement rectiligne et symétrique de part en part.
Malgré l’existence de relation spécifique entre stade de développement aérien et souterrain, toute recherche de corrélation entre rayons du houppier et du système racinaire est illusoire. Les contours racinaires très irréguliers ne peuvent être devinés sans observation directe.

 

Diagnostic racinaire de l’arbre en milieu urbain

L’arbre d’ornement subit un parcours en pépinière marqué par des arrachages et mutilations répétées. Sa reprise est conditionnée par la qualité qui en résulte et par celle du sol urbain remanié qui lui est proposé. Des interventions répétées sur revêtement ou réseau renforcent les dégâts aux enracinements. Leurs conséquences ne sont pas perceptibles dans un houppier régulièrement taillé.  Nombreux sont les sujets dont la dégradation racinaire reste sous-évaluée malgré la performance des techniques de sondages du collet ou de la base des empattements racinaires (maillet, marteau à onde sonore, résistographe, tomographe etc.).
L’analyse architecturale (méthode de F Hallé Université Montpellier II) permet d’établir un diagnostic ontogénique des systèmes racinaires qui est utilisé à différentes étapes de conception ou d’entretien de l’aménagement paysager (AVP/EXE). Il doit envisager la plante entière.
L’écologie de l’espèce pressentie, sa force de plantation, les conséquences de son parcours en pépinière sont confrontées aux qualités et volumes de sol réservés à l’arbre, à l’accessibilité aux réserves hydrique et minérale du terrain naturel afin de valider/invalider les choix. L’étude est conduite en rapprochant plans, sondages géotechniques / pédologiques et analyse d’un échantillon de fourniture végétale.

 

Adapter au mieux l’intervention

En pépinière, à réception de la fourniture ou en cours de culture, le diagnostic s’attache à caractériser la qualité de l’enracinement, ses capacités régénératives au terme du parcours de production, sa conformité qualitative et quantitative à l’architecture racinaire spécifique attendue au stade de développement de l’individu (Atger 2012). Les défauts de qualité de régénération racinaire sont analysés à chaque remplacement en relation avec l’état des houppiers, les caractéristiques du sol et du suivi cultural.
Les dégâts portés aux racines d’arbres en place sont évalués sur tranchées (ou anticipés via des sondages préliminaires pratiqués à l’aide d’outils non mutilants mimant les travaux à réaliser). La nature et l’effectif des racines rencontrées dans la zone de travaux permettent de caractériser les impacts portés à l’enracinement et d’adapter au mieux le déroulé de l’intervention, au pire les mesures de sauvegarde et de mise en sécurité à conduire sur les arbres.

 

À lire…

- Fiches de synthèse en accès libre rédigées par C ATGER pour Plante et Cité
http://www.plante-et-cite.fr/fiches-de-synthese-3820.html
. Racines et systèmes racinaires des arbres : structure et développement (39 pages).
. Le système racinaire des arbres : influences du milieu et de la taille ; mécanismes de réponses aux contraintes (38 pages).
. Critères et méthodologie d’évaluation de la qualité de l’enracinement pour le choix des arbres en pépinières (27 pages).
- ATGER C. 1992. Essai sur l'architecture racinaire des arbres. Thèse Doct. Physiologie, Biologie des Organismes et des Populations, Univ. Montpellier II: 287p.
- ATGER C., ÉDELIN C. 1994. « Stratégies de colonisation du milieu souterrain par le système racinaire des arbres ». Rev. Ecol. (Terre Vie), Vol. 49: 343-356.
- ATGER C. 1995. « Les systèmes racinaires des arbres: structure et fonctionnement ». Revue bibliographique. Rapport de recherche commandé par l'association Séquoia (Châteauneuf du Rhône) et financé par le Ministère de l'Environnement (162 pages, 18 planches, 166 références bibliographiques).
- DRENOU C, BONNEAU M, CHARNET F, CRUIZIAT P, FROCHOT H, GARBAYE J, GIRARD S, LARRIEU L, LEVY G, MARCAIS B, MOORE W et ROSSIGNOL JP 2006 Les racines Face cachée des arbres IDF éd.



[1] Ici le collet : interface racine /tige

[2] Le milieu souterrain est anisotrope : ses propriétés physico-chimiques varient fortement selon la direction et l’horizon (niveau de profondeur) pris en compte. Il est de plus fortement hétérogène dans un horizon et une direction donnés en raison de sa composition (mélange de fractions minérales et organiques de granulométrie différentes) et des contraintes externes appliquées sur ces fractions (compaction par exemple).

 

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