Domaine de Courson, une histoire de famille

Jean-François Coffin

Les fameuses « Journées des plantes de Courson » se sont déroulées pendant 32 ans à Courson-Monteloup (Essonne). On les doit à leurs initiateurs Patrice et Hélène Fustier. Tout a commencé lorsqu’ils héritent d’un domaine avec la ferme volonté de le faire vivre. Portrait du parcours d’un couple de passionnés d’horticulture.

 

Vous les connaissez sûrement si vous avez fréquenté les « Journées des plantes de Courson » (JPC). Lui, Patrice, chevelure au panache blanc sillonnant en voiture électrique les allées et les stands, en ayant toujours un mot agréable pour les participants. Elle, son épouse Hélène, animant avec lui, avec son petit humour, les différents débats, prix et récompenses organisés lors de ces journées réunissant horticulteurs et pépiniéristes de prestige.
Mais avant d’arriver au succès de cette manifestation à destination d’un public de jardiniers « éclairés », c’est tout un parcours que le couple a suivi depuis le jour où ils ont hérité du domaine de Courson.

 

Hélène et Patrice Fustier - © J.-P. Delagarde

 

La tradition du jardinage

« Cet endroit s’était endormi, après le décès du grand père d’Hélène, le propriétaire du domaine de Courson », explique avec ses petits yeux malins derrière ses lunettes Patrice Fustier. « Ernest de Caraman hérite de Courson en 1925 et se passionne pour son domaine », confirme Hélène Fustier. « Il y avait une tradition du jardinage dans la famille. Avec mon grand père, qui avait pris sa retraite d’officier, nous faisions le tour de son grand potager, me prenant par la main pour aller cueillir et récolter fruits et légumes. Nous regardions aussi l’évolution des bourgeons. Passionné par les bulbes, il en a eu jusqu’à 10 000 ! Nous les préparions, les plantions puis les arrachions et entreposions dans le cellier. Ceci explique que, dès 12 ans, j’ai voulu jardiner ». Le frère d’Hélène, Olivier de Nervaux-Loÿs, avait de son côté une faiblesse pour la taille…

 

Une réputation séculaire

Le parc du domaine, labellisé « Jardin remarquable » en 2004, est le fruit d’un long parcours. Depuis la construction du château en 1676 par Guillaume de Lamoignon, le parc a suivi les évolutions des époques. D’abord conçu « à la française », des paysagistes comme Louis-Martin Berthault et les frères Bühler le transformèrent en un jardin romantique au XIXe siècle. Comme exemple de réputation de ce jardin, Hélène Fustier précise qu’il y avait une pêche de La Quintinye nommée la « pêche de Courson » et que le potager est devenu célèbre dès le début du XIXe siècle».
Ce sont donc deux jeunes ménages, Patrice et Hélène Fustier et Olivier et Patricia de Nervaux-Loÿs, qui se retrouvent à la tête du domaine lorsqu’ils en héritent en 1974. Et d’en faire le tour, se demandant comment le faire revivre.
« La sécheresse de l’été 1976 a provoqué un déclic, nous obligeant à abandonner nos vacances pour venir arroser les fameux rhododendrons que mon grand-père avait plantés autour de la pièce d’eau. Ce fut pour nous l’occasion de redécouvrir notre domaine et sa richesse. Il nous fallait trouver une vocation à ce lieu », souligne Hélène Fustier.

 

Des rencontres fructueuses

La mise en valeur fut le fruit de nombreuses rencontres. « A l’hôtel de Sully, se déroulait une exposition sur le jardin romantique où nous avons rencontré des historiens d’art qui nous ont aidés bénévolement de leurs conseils ». D’autres personnages ont contribué à la valorisation du domaine : des paysagistes de renom comme Gilles Clément, Louis Bénech, Alain-Frédéric Bisson, ou Lyndsay Mikanowski, mais aussi des journalistes et autres personnalités du monde du jardin. Impossible d’arrêter Hélène et Patrice dans la citation de toutes ces personnes impliquées dans Courson et à qui ils veulent rendre hommage sans en oublier !
Le paysagiste anglais Timothy Vaughan a fortement contribué à la mise en valeur de Courson, entourant de ses conseils pour la plantation d’arbres et d’arbustes. « Pour lui, seule l’Angleterre pouvait fournir ces végétaux, pensant que l’on ne pouvait pas trouver ceux souhaités auprès des pépiniéristes français ».
Au départ, les Fustier et Nervaux-Loÿs ont commencé modestement en défrichant avec l’aide d’amis. « Et pour nous assurer un petit revenu, nous avons ouvert le parc au public, moyennant une modeste contribution », précise Hélène Fustier.

 

La première journée des plantes

Un beau jeudi de 1982 a été marquant : la rencontre avec l’APBF, Association des Parcs Botaniques de France. « Pour leur assemblée générale, habituellement suivie d’une visite, son président Philippe Gérard a songé à Courson. Il fait le tour du parc mais, pensant qu’il fallait étoffer cette visite par une autre attraction, propose d’organiser un échange de plantes ».
Ce qui fut décidé mais transformé en journée de vente, malgré les réticences du président, à la demande d’un des membres de l’APBF, un producteur. D’autres professionnels ont voulu le rejoindre.
Une révélation fut aussi de découvrir que les professionnels français possédaient les végétaux que l’on croyait ne trouver qu’en Angleterre ! Un des participants a d’ailleurs avoué que cette journée de vente lui a évité la faillite, en demandant de recommencer l’opération. « Et là, tout est parti avec passion, sans savoir où nous allions ».

 

Un travail de pro

Les JPC ont grandi progressivement. Il a fallu faire de plus en plus professionnel : affiches, catalogue, comité de sélection pour garantir la qualité des exposants, charte, création des « Mérites », de nombreux prix, fiches thématiques, et de l’Observatoire des tendances du jardin.
Parallèlement, le parc s’enrichit de nouvelles plantations depuis 1978, « comme ces cyprès chauves venant de Caen mais dont les graines provenaient de Chèvreloup, ou par de nouvelles variétés de chênes, de magnolias. Nous avons aussi planté des arbres à la naissance de chaque enfant ».

 

Pris pour des fous

Si la gestion du parc et des journées des plantes représentent un énorme travail, les Fustier sont fiers de certaines distinctions comme la gold Veitch memorial medal attribuée par la Royal Horticultural Society. « Nous sommes les premiers Français à l’obtenir depuis le célèbre pépiniériste lorrain Lemoine ! », savoure Hélène qui aime aussi citer quelques anecdotes : « En 1986, nous nous sommes disputé un Malus avec un monsieur. Sachant que l’arbre était destiné à Courson, il s’est incliné. Il s’agissait en fait d’un critique économique du Monde, Alain Vernhole. Trouvant « sympa notre petite fête », il a promis d’en parler dans ses colonnes. Un jour, nous lui téléphonons pour lui demander d’annoncer la Journée des plantes. Et de nous répondre que « Le Monde » est un journal sérieux » mais à tenu sa promesse ». Les quatre lignes de brève qu’il a rédigées « Des plantes dans la cour du château » ont été un succès par la foule qu’elles ont fait venir.
Les Fustier pensent « être sûrement passés pour des fous » en lançant ces journées. Un coup de folie qui a conduit au succès. Et Hélène de conclure avec modestie : « nous n’y connaissions rien, nous n’avions donc pas de doutes ! »

 

En 2015, Courson se déplace à Chantilly

Au bout de 32 ans et 61 sessions s’est posée la question de la suite des « Journées des plantes de Courson » qui se déroulent deux fois par an.
C’est la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly qui prend le relai à partir du printemps 2015. « Elle a commencé la restauration du musée, des Grandes Écuries, du parc ... Nos désirs respectifs se sont rencontrés. Nous restons dans le bateau comme conseillers et ambassadeurs », précise Hélène Fustier qui, avec Patrice, apporteront leur expérience, se portant garants de la charte de qualité. Un changement de lieu pour « Les Journées des plantes de Courson » qui conserveront leur nom et leur âme.
« Deux origines complémentaires, un bonheur commun ! ».

 

Le domaine de Courson lors d’une Journée des plantes en 2012 - © J.-F. Coffin

 

À lire…

Pour en savoir plus sur l’histoire de Courson : http://www.domaine-de-courson.fr/decouvrir/histoire-du-domaine

 

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