Touristes involontaires et inattendus : les insectes exogènes ravageurs

Michel MartinezJean-François GermainJean-Claude Streito

Aux 40 200 espèces d'insectes recensées en France métropolitaine[1] s’ajoutent chaque année des dizaines d’espèces nouvelles. Ces dernières peuvent être nouvelles pour la science, qu’il faut donc décrire et nommer[2], ou bien nouvelles pour la France (espèces connues d’autres pays, parfois fort éloignés). Heureusement beaucoup de ces dernières n‘ont pas d’intérêt agronomiques et économiques mais d’autres sont des ravageurs avérés ou potentiels. À celles-ci s’ajoutent temporairement des espèces émergentes ou ré-émergentes, celles qui font déjà partie de notre faune locale et qui se mettent à faire (émergents) ou faire à nouveau (ré-émergents) des dégâts, après une longue période d’innocuité.

 

Le Rhynchophorus ferrugineus (ici, une femelle) ou charançon rouge des palmiers, a été signalé en France en 2006 - © D.R.

Le Rhynchophorus ferrugineus (ici, une femelle) ou charançon rouge des palmiers, a été signalé en France en 2006 - © D.R.

 

 

L’introduction d’insectes n’est pas un phénomène nouveau. En effet depuis près de 14 000 ans l’homme, lors de ses migrations, a volontairement transporté sa nourriture et les matériaux (peaux, os, bois,…) nécessaires à sa survie. C’est ainsi que des milliers d’espèces d’insectes (phytophages, xylophages, ravageurs de nos cultures, de nos produits et denrées stockés,…) se sont retrouvées et parfois acclimatées loin de leurs régions d’origines. La mondialisation a considérablement amplifiée ce phénomène. Concernant les seuls insectes, on estime qu’en France métropolitaine, entre 2 000 et 2 500 espèces seraient d’origine étrangère.

 

Incidences parfois multiples et danger à mesurer au cas par cas

Selon leur origine géographique, leur biologie et leur éthologie (support trophique, mode d’alimentation, pouvoir de multiplications et de dispersion, pouvoir pathogène, …), la dangerosité de ces envahisseurs sera plus ou moins grande mettant parfois en péril certaines productions : rappelons-nous les cas célèbres du phylloxéra, doryphore, pou de San José ou puceron lanigère… Outre les dégâts primaires aux végétaux, ces espèces exogènes ont une incidence environnementale, à court ou long termes, vis-à-vis des espèces allochtones (nuisibles ou non) car elles viennent s’intercaler et perturber des écosystèmes déjà fragiles, et des entomocénoses bien établies. Signalons aussi «la nuisibilité commoditaire» de certaines espèces d’Hémiptères piqueurs suceurs (Tigre du platane) dont le miellat se couvre de fumagine, salissant et rendant collant le mobilier urbain et les voitures. Les guêpes et les abeilles, souvent attirées par le miellat, peuvent représenter une nuisance supplémentaire.

 

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[1]Les insectes sont 55 fois plus nombreux que les mammifères, les oiseaux et les reptiles réunis, qui totalisent, en France métropolitaine environ 730 espèces.

[2]L’inventaire des insectes commencé il y a plus de deux siècles et demi est loin d’être terminé et de nombreuses espèces (plusieurs millions selon certains auteurs) restent à découvrir, en particulier dans les régions tropicales mais il y en a aussi en Europe et même en France !