Quelques lianes indigènes

Gilles Carcassès

Le houblon, une liane qui peut atteindre huit mètres de haut - © G. Carcassès
Le houblon, une liane qui peut atteindre huit mètres de haut – © G. Carcassès

Gamin, je jouais à Tarzan en me suspendant aux lianes de la clématite sauvage. Le cri, je l’imitais fort bien, mais pour la course folle dans les arbres, ce n’était pas ça. Enracinées au pied de leur arbre, ces lianes n’avaient pratiquement aucun ballant. Et quand j’en trouvais de bien pendantes, c’est qu’elles avaient été coupées et là, gare à la chute dans les orties !

Clematis vitalba, clématite sauvage

La clématite sauvage, prolifère partout où l’homme a enrichi le sol : anciens jardins, lisières de bois, berges. Cette renonculacée s’accroche solidement à son support par les pétioles de ses feuilles qui se vrillent au contact des branchettes. L’enchevêtrement et la rigidité des tiges lignifiées fait le reste : elle peut croître jusqu’en haut des grands arbres.

Au jardin, il faut se méfier du contact de cette plante. Ceux qui en arracheraient de grosses brassées manches découvertes pourraient comprendre pourquoi la clématite sauvage était surnommée l’herbe aux gueux. Les mendiants, dit-on, s’en frottaient le corps pour provoquer des ulcérations destinées à apitoyer le bon peuple.

Ses tiges sont utilisables en vannerie, pour preuve cette photo d’un nichoir à oiseaux en clématite bouillie, présenté par sa conceptrice, Elise, animatrice à la ferme d’Écancourt, à Jouy-le-Moutier (Val d’Oise).

Elise, animatrice à la ferme d’Écancourt, présente son nichoir à oiseaux en clématite bouillie - © G. Carcassès
Elise, animatrice à la ferme d’Écancourt, présente son nichoir à oiseaux en clématite bouillie – © G. Carcassès

La fructification de la clématite sauvage, sous forme de têtes d’akènes plumeux bien visibles tout l’hiver, fait suite à la floraison blanche et parfumée.

Au crépuscule, on peut voir le ballet de petits papillons de nuit qui viennent se ravitailler sur ses fleurs.

Fleur de clématite visitée par un papillon nocturne, la pyrale du houblon – © G. Carcassès

La pyrale du houblon, que l’on voit ici se régaler du nectar d’une fleur de clématite, est un ravageur du houblon. Sa chenille en dévore les jeunes pousses. Elle n’est pas la seule espèce à apprécier le houblon, au moins neuf autres chenilles de papillons consomment ses feuilles ou ses tiges.

Humulus lupulus, le houblon, est une liane herbacée très puissante capable d’atteindre huit mètres de haut en une année de végétation. Elle doit sa forte croissance printanière aux réserves contenues dans sa grosse racine charnue. C’est une plante dioïque dont on récolte, dans les houblonnières, les inflorescences femelles pour aromatiser et conserver la bière. A l’état sauvage, le houblon est très commun sur les berges des rivières et des fleuves.

Dioscorea communis

Pied mâle de houblon en fleurs – © G. Carcassès

Le tamier est connu des Tarnais sous le nom de respounchous. La cueillette des jeunes pousses dans les hais pour les consommer comme des asperges est là-bas une activité incontournable liée à l’arrivée du printemps. Pourtant, la plante est toxique et très amère. Je connais certains palais délicats qui les font bouillir trois fois pour en réduire l’amertume.

Comme le houblon, cette une liane herbacée, commune partout en France, possède une imposante racine charnue. La plante s’accroche aux arbustes par des vrilles. Sur certains marchés, on trouve encore parfois des marchands de racines de tamier, dont ils vantent les mérites pour soulager les douleurs de contusions ou de rhumatismes. La pulpe de racine écrasée appliquée aux endroits douloureux provoque des inflammations et même des brûlures. C’est quand ça ne pique plus que ça fait du bien, paraît-il. Un peu comme les coups de marteaux, je suppose. On s’est longtemps soigné dans les campagnes avec le tamier, malgré ses inconvénients. Son usage médicinal lui a valu son surnom d’herbe aux femmes battues.

Dioscorea communis, le tamier
Pied mâle, fruits (toxiques !) de tamier et marchand de racines – © G. Carcassès

Bryonia communis, la bryone, est ma liane préférée. J’y fais toujours de belles observations naturalistes.

C’est encore une herbacée dioïque à grosse racine charnue. Son surnom de navet du Diable évoque les proportions imposantes de cette racine et, bien sûr, sa toxicité. On l’employait autrefois comme vomitif.

Elle s’accroche par des vrilles qui présentent la particularité de changer de sens d’enroulement au cours de leur croissance. Cela fait de bien jolis dessins.

Les vrilles de bryone peuvent changer de sens d’enroulement au cours de leur croissance - © G. Carcassès
Les vrilles de bryone peuvent changer de sens d’enroulement au cours de leur croissance – © G. Carcassès

Les fleurs de bryone sont assidument visitées par une petite abeille sauvage, Andrena florea, en français l’andrène des fleurs. Cette abeille solitaire qui creuse son terrier dans les sols sablonneux est dépendante pour sa nourriture des fleurs de la bryone. Aussi, il suffit de se poster devant un pied de bryone en fleurs pour voir arriver cette charmante espèce.

Une fleur de bryone visitée par Andrena florea – © G. Carcassès

Un peu plus tard en saison, sur les pieds femelles, les jeunes fruits intéressent beaucoup une petite mouche aux ailes bigarrées : Goniglossum wiedemanni pond ses œufs dans les fruits de cette espèce uniquement. Elle fait partie de la famille des Tephritidae, comme la tristement célèbre mouche de l’olive et la mouche de la cerise. Les fruits de la bryone étant très toxiques, on n’en voudra pas à cette petite mouche de les gâter.

Coccinelle poilue

Un troisième insecte est inféodé à la bryone, c’est une coccinelle, mais pas une coccinelle ordinaire : celle-ci est herbivore et, en plus, elle est poilue. Henosepilachna argus, la coccinelle de la bryone ne consomme que cette plante, sauf dans le Midi où elle trouve parfois les melons à son goût. Bryone et melon sont tous deux des cucurbitacées.

La chenille de la coccinelle de la bryone est hérissée de poils barbelés, sans doute pour dissuader la prédation. Elle broute la partie supérieure des feuilles de la bryone, en faisant de la dentelle.

Larve et adulte de coccinelle de la bryone - © G. Carcassès
Larve et adulte de coccinelle de la bryone – © G. Carcassès

 

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