Programme d'études Plante et Cité sur les mycorhizes

Olivier Damas

La mycorhization contrôlée des arbres d’ornement fait l’objet d’une demande croissante de la part des collectivités territoriales. L’objectif des gestionnaires est de constituer un milieu plus favorable au développement de ces plantations, dans un contexte urbain contraignant. Plante et Cité a réalisé une étude en 2009 en partenariat avec l’Inra de Nancy pour qualifier le statut mycorhizien des racines.

Contexte de l’étude

La relation symbiotique entre deux êtres vivants permet à chacun d’en tirer des bénéfices. Dans le cas des mycorhizes, il s’agit d’un échange entre racines de végétaux et champignons. Pour les végétaux, la présence de mycélium au contact des racines augmente les surfaces d'échanges entre le système racinaire et le sol, ce qui est favorable à leur nutrition. Les mycorhizes jouent aussi un rôle d’un point de vue sanitaire, car elles stimulent les défenses de ses plantes hôtes. Pour les champignons, la symbiose leur permet de s'alimenter en substances carbonées via le système racinaire des plantes.

La mycorhization contrôlée consiste à reconstituer "artificiellement" la relation symbiotique existant entre champignons et racines, par opposition à la mycorhization naturelle qui se met en place sans intervention humaine. A la fin des années 1990, les recherches se sont orientées vers le domaine des ligneux d'ornement. En effet, pour améliorer les conditions de développement de leur patrimoine arboré, dans un contexte urbain difficile (reprise à la plantation et croissance), les gestionnaires se sont intéressés à la mycorhization contrôlée. Il est cependant apparu difficile d’évaluer l’efficacité des techniques employées et les collectivités territoriales ont souhaité que des études soient menées dans ce domaine. C’est pourquoi, Plante et Cité, plateforme nationale d’informations techniques et d’expérimentations, et l’INRA de Nancy ont réalisé en 2009 une étude sur l’évaluation du statut mycorhizien des arbres en ville. Le statut mycorhizien se définit par la quantité de mycorhizes, présentes sur une racine (taux de mycorhization) et par le type de mycorhizes rencontré. L’objectif était de travailler sur l’aspect méthodologique. Il s’agissait d’essayer de formaliser des protocoles, standards et simples à mettre en œuvre pour un gestionnaire de ville, ou une entreprise de prestation de services, permettant de diagnostiquer et de quantifier la présence de mycorhizes, à partir d’échantillons de sol prélevés, à proximité des plantations.

L’évaluation du statut mycorhizien des arbres peut servir à :

  • Évaluer la qualité des plants lors de leur réception.
  • Compléter l’étude diagnostique d’un arbre dont l’état sanitaire est jugé non satisfaisant. Le mauvais état mycorhizien des racines peut être une cause ou un facteur aggravant du dépérissement d’un arbre.
  • Effectuer un suivi dans le temps pour vérifier la persistance des mycorhizes après la plantation.
  • Contrôler l’efficacité de la mise en place d’un plan de prévention des stress pour l’arbre ou de l’application d’un produit commercial à base de mycorhizes.

 

Méthodologies d’évaluation du statut mycorhizien des arbres d’ornement

L’étude des mycorhizes en milieu urbain revêt un caractère plus complexe qu’en milieu naturel ou en laboratoire. Le sol est hétérogène, souvent compact et difficile d’accès pour les prélèvements d’échantillons susceptibles de contenir des racines fines et des mycorhizes. La palette végétale plantée est très large et de ce fait, il faut envisager de rechercher des endo et des ectomycorhizes, car les espèces de ligneux sont associées à l’une ou l’autre catégorie de mycorhizes. Or pour évaluer leur présence, il faut faire appel à des méthodes différentes, sauf pour la phase échantillonnage et lavage des échantillons, qui sont identiques. Les méthodes retenues dans l’étude ont plusieurs avantages pour les collectivités territoriales : elles sont peu coûteuses, car elles nécessitent peu de matériel et de moyens humains ; elles ne demandent aucune compétence particulière ; l’usage de produits nocifs ou dangereux est très limité.


 

Echantillonnage

Il faut prélever un échantillon de sol contenant des racines fines non lignifiées (celles susceptibles d’être mycorhizées), avec un volume minimum de 1 l par arbre. C’est un point délicat, car le système racinaire des arbres plantés en milieu urbain, hormis dans les parcs, est difficilement accessible. Il appartient au gestionnaire de choisir, au cas par cas, la technique de récolte la moins traumatisante pour l’environnement de la plantation (tarière, pelle, piquet pour dégager le sol). Pour un arbre d’alignement, il est recommandé de prendre deux échantillons de terre par arbre, un côté chaussée et l’autre côté trottoir, car le système racinaire est souvent hétérogène sur le plan spatial. Ils seront ensuite mélangés. L’échantillon doit être conservé dans un sac plastique fermé placé dans une glacière pour le transport, puis dans un réfrigérateur pour limiter le processus de dégradation des racines. L’analyse devra se faire dans les 4-5 jours qui suivent.
 

Lavage et conditionnement des racines

Avant d’être analysées, les racines fines doivent être séparées de la terre et lavées à l’aide de tamis. Elles sont conservées par la suite dans l’eau. Une fois lavées, les racines ne devront jamais être laissées à l’air libre, mais dans l’eau ou dans les solutions utilisées dans le traitement, sous peine de les voir se dessécher très rapidement. Après le lavage, il faut les découper en petits tronçons de 1 à 2 cm pour faciliter l’observation des mycorhizes. L’analyse doit suivre dans la demi-journée, car les échantillons se détériorent vite. Selon la nature des mycorhizes que l’on pense pouvoir observer (la littérature scientifique l’indique pour un grand nombre d’espèces), on placera les fragments, soit dans une boîte de Pétri remplie d’eau (ectomycorhizes), soit dans des seringues spécialement modifiées également remplies d’eau (endomycorhizes). Si l’on a un doute sur la nature des mycorhizes, il faudra prévoir d’utiliser les deux techniques, en commençant par l’analyse des ectomycorhizes, moins complexe à mettre en oeuvre.

 


Analyse de ectomycorhizes

Aucun traitement supplémentaire n’est nécessaire pour les ectomycorhizes. Les boîtes de Pétri peuvent être directement observées à la loupe binoculaire équipée d’un fond noir. L’évaluation du taux de mycorhization se fait en partant d’une analyse de 30 tronçons de racines, sur lesquelles on observera ou non la présence de mycorhizes.
 

Analyse des endomycorhizes

Les endomycorhizes sont plus difficiles à observer du fait qu’elles se situent à l’intérieur des racines. Leur analyse nécessite un traitement spécifique qui les rend visibles au travers des parois cellulaires des racines. Celui-ci comprend 4 étapes :

  • éclaircissement (trois méthodes possibles : à froid, à chaud ou en boite isotherme) ;
  • blanchiment pour faciliter la prise de la coloration ;
  • coloration à l’encre ;
  • décoloration qui permet de distinguer les structures fongiques teintes à travers les éléments racinaires devenus transparents.

Les seringues modifiées dans lesquelles sont placés les tronçons de racines servent à transvaser facilement les racines d’une solution à l’autre pendant les différentes étapes du traitement puis dans une boîte de Pétri. Deux méthodes d’analyse sont proposées dans l’étude. La méthode des intersections modifiée permet d’évaluer la colonisation mycorhizienne d’un arbre, par le contrôle de la mycorhization au niveau de tous les points d’intersection entre les racines présentes et le quadrillage placé dans la boîte de Pétri. C’est une méthode relativement longue, mais qui permet d’évaluer assez facilement le niveau de mycorhization. Avec de l’expérience, on peut utiliser une méthode d’appréciation globale plus rapide mais qui nécessite de bien savoir reconnaître les structures mycorhiziennes. C’est la méthode proposée par Trouvelot, chercheur à l’Inra de Dijon, qui comprend une approche globale et l’utilisation d’un logiciel spécifique. Quelle que soit la méthode choisie, il faut disposer de 30 tronçons de racines pour obtenir des résultats fiables d’un point de vue statistique. Pour une estimation de qualité, il faut procéder par échantillon de 10 racines. Les racines doivent être disposées dans la boîte de Pétri, en prenant soin qu’elles sont bien déployées.
 

Le diagnostic qualitatif

En complément de l’analyse quantitative, il peut être intéressant de procéder à une appréciation qualitative des mycorhizes, en identifiant les espèces de champignons symbiotiques ou en évaluant la proportion de mycorhizes actives. Les ectomycorhizes peuvent être identifiées à partir de critères morphologiques (couleur et texture du manteau, ramification, etc.) en ayant recours à des guides d’identification. Pour les endomycorhizes, il est possible d’évaluer la part de mycorhizes réellement actives au moment de l’analyse. Attention, pour cela il est nécessaire d’utiliser une autre technique de coloration, plus complexe. Le recours à un laboratoire spécialisé est alors indispensable. Cette étude sur l’évaluation du statut mycorhizien des arbres devrait permettre aux gestionnaires d'appréhender plus facilement à l’avenir les impacts de la mycorhization contrôlée sur les plantations traitées. Des fiches méthodologiques détaillées sont en ligne sur le site de Plante et Cité. Elles sont accessibles aux adhérents de l’association.

Remerciements à Jean Garbaye, UMR (INRA-Université de Lorraine) Interactions arbres/micro-organismes ; Maeva Coïc, étudiante ESA ; également à Yael Haddad, journaliste, pour la mise à disposition du texte d’une publication pour PHM en 2010 qui a servi de base de rédaction du présent article.

plante et cite

Plante et Cité est une plateforme nationale d'expérimentations et de conseils techniques à destination des services espaces verts, des collectivités territoriales et des entreprises du paysage. La structure a été créée en 2006, sous la forme d'une association à but non lucratif. Ses principales missions sont d'organiser des programmes d'études et d'expérimentations; d'animer des expérimentations conduites en réseau (avec des collectivités territoriales, des entreprises partenaires, des instituts techniques et scientifiques); de réaliser une veille technique, ainsi que la mutualisation et le transfert des connaissances.
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mars-avril 2013